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Martin Winckler: «Ecrire Les trois médecins en suivant Dumas a été un grand moment de bonheur»

 

 

A la fois médecin, écrivain et chroniqueur, Martin Winckler, connu notamment pour le très grand succès de La maladie de Sachs, s’intéresse autant au problème de la contraception qu’aux comics américains. Ces centres d’intérêt multiples l’ont amené à publier en 2004 un roman, Les trois médecins, qui raconte la formation d’étudiants en médecine dans les années 1970 en suivant fidèlement – et ouvertement – la trame des Trois mousquetaires.

Comment cette idée de faire revivre les mousquetaires de Dumas dans la peau d’étudiants en médecine dans les années 1970 vous est-elle venue?

Par association d’idées. Je savais que je voulais faire un roman sur les études de médecine. Mais j’avais un problème de méthode: comment faire? Comment raconter à la fois un roman d’aventures, un roman de formation, un roman d’amitié, un roman d’amour?

Et puis un jour, sur mon scooter, alors que j’énumérais tous ces éléments, j’ai eu une sorte d’illumination: tout ça, c’est ce que fait Dumas dans Les trois mousquetaires! D’où l’idée de faire une transposition de ce roman.

Bien sûr, je me suis dit tout de suite que je n’allais pas envoyer mes étudiants en médecine voir Giscard et Chaban, et j’ai donc décidé que le royaume de France de mon roman, ce serait la Fac de médecine. A partir de là, tout s’est mis en place.

Etait-il vraiment nécessaire de vous appuyer sur un «modèle» pour écrire Les trois médecins?

Suivre la trame des Trois mousquetaires, c’est ce qui m’a permis d’écrire mon roman. Car ce livre de Dumas, c’est le roman d’aventures fondateur. Si je ne m’en était pas inspiré, il aurait fallu que j’invente plus de choses, et mon livre aurait risqué de tourner au roman autobiographique, ce que je ne voulais pas du tout faire.

Paradoxalement, ce travail de transposition d’un roman existant me permet de dire des choses personnelles avec une liberté que je n’aurais pas eue si Dumas ne m’avait pas fourni sa trame. Car Les trois mousquetaires portaient exactement l’esprit de ce que je voulais faire.

Comment avez-vous mis en œuvre ce projet?

Après avoir eu l’idée de départ, j’ai relu très soigneusement le roman de Dumas, en prenant des notes, et j’ai élaboré les grandes lignes de la transposition. Puis, pendant l’écriture, quand je rédigeais un chapitre faisant avancer l’action, j’affichais sur le haut de mon écran le texte du chapitre correspondant de Dumas et je m’en inspirais. Car je voulais transposer tout le roman, et pas seulement quelques éléments clé comme l’épisode des ferrets par exemple. J’ai parfois repris des phrases entières, en les adaptant simplement au contexte. Au final, cela a été un grand moment de bonheur d’écrire ce livre en suivant Dumas!

Que représente Dumas pour vous?

C’est un auteur dans une constellation qui forme mon univers. Quand j’avais 14 ou 15 ans, je lisais Dumas, Maurice Leblanc, Agatha Christie, Sherlock Holmes, Jules Verne... Ensuite, je suis passé à la science-fiction, avec notamment Isaac Asimov. Ce n’est que plus tard que j’ai abordé les auteurs français contemporains, Perec notamment. Pendant mon adolescence, j’ai donc beaucoup lu Dumas, mais ce qui me tombait sous la main: à la fin des années 70, on trouvait peu de ses livres.

Ensuite, pendant des années, je ne l’ai plus lu. Inconsciemment, c’est peut-être Daniel Zimmermann qui est à l’origine de mon idée des Trois mousquetaires. Car je le connaissais bien et sa biographie de Dumas (Alexandre Dumas le grand), dont nous avons beaucoup discuté, m’a redonné le désir de Dumas.

Que pensez-vous du principe même des transpositions ou pastiches littéraires?

Chez les écrivains, il y a souvent le désir de manifester leur reconnaissance envers les livres qui les ont influencés. Je le fais via des remerciements en fin de livre, par exemple, mais aussi sous forme de remakes. Outre Les trois médecins, j’ai aussi écrit une nouvelle avec Sherlock Holmes, et je crois que je vais maintenant m’attaquer à Arsène Lupin, en transposant un de ses grands romans ou un recueil de nouvelles.

En fait, c’est un procédé extrêmement courant, que l’on retrouve aussi bien chez James Joyce quand il s’inspire de l’Odyssée pour écrire Ulysse, que dans West Side Story, qui démarque Roméo et Juliette! Prétendre que l’on est un auteur totalement original, et donc indépassable, est vaniteux et illusoire. Le mythe de l’écrivain qui ne doit rien à personne est très français. Dans les pays anglo-saxons, on reconnaît beaucoup plus facilement que les auteurs s’inspirent de ce qui existe déjà.

Dumas lui-même ne s’en est pas privé…

Tout à fait, ce n’était pas son problème de prétendre à l’originalité absolue. S’il trouvait une bonne histoire, il n’éprouvait pas le besoin d’en inventer une autre. Il ajoutait un personnage par ci, une scène par là, mais ce qui lui importait, c’était sa façon de raconter. Finalement, j’ai fait la même chose que ce que faisait Dumas…

Propos recueillis par Patrick de Jacquelot

 

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