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Les cent amours de d’Artagnan

Louis Hermance

256 pages
1936 - France
Roman

Intérêt: *

 

 

Note: le catalogue de la Bibliothèque Nationale donne la date de 1936 pour ce volume et celle de 1937 pour Les cent duels de d’Artagnan, du même auteur. La lecture des deux volumes donne pourtant l’impression que Les cent duels viennent avant Les cent amours.

 

Tout comme Les cent duels, Les cent amours de d’Artagnan se situe entre Les trois mousquetaires et Vingt ans après. Là, nous sommes à la fin du «règne» de Richelieu, pendant la montée en faveur de Cinq-Mars et ses complots pour renverser le cardinal.

L’intrigue tourne autour de Lyonna, fille de Concini, le maréchal d’Ancre, et seule héritière de son immense fortune. Cette dernière est convoitée d’une part par Richelieu qui veut faire disparaître la jeune fille, et d’autre part par les jésuites, en la personne d’Aramis, qui prennent la défense de Lyonna pour lui faire épouser un mari de leur choix et à leur dévotion.

C’est dans ce contexte qu’intervient d’Artagnan. Celui-ci traverse alors un passage à vide. Il s’ennuie ferme, n’a plus ses amis d’autrefois, végète dans ses fonctions de mousquetaire. Mais une diseuse de bonne aventure, Maguelon, lui prédit qu’il va connaître une nouvelle vie, et que c’est l’amour des femmes qui le guidera désormais.

Aramis demande à d’Artagnan de prendre Lyonna sous sa protection. Les deux jeunes gens tombent immédiatement amoureux, tout en réalisant que cet amour ne pourra déboucher sur rien, tant leurs positions sociales sont éloignées.

Pendant l’essentiel du roman, d’Artagnan évolue donc au milieu des intrigues compliquées de la cour de Louis XIII, de Richelieu et des jésuites, en s’efforçant de protéger sa belle. Mais conformément à la prédiction de la bohémienne, son chemin croise celui de nombreuses autres femmes, dont il profite joyeusement.

Il y a par exemple la délicieuse Muguette Dulaurier, que d’Artagnan sauve d’une agression nocturne, et qui tombe folle amoureuse de lui. Epouse d’un horrible boutiquier, marchand de gants, Muguette est la «reproduction» fidèle de Constance Bonacieux, au point que d’Artagnan lui-même fait le parallèle.

Il y a Esméralda, une bohémienne au tempérament de feu, qui se laisse dompter par le beau mousquetaire. Il y a aussi Marion Delorme, active dans les conspirations contre Richelieu et qui, dans un voyage en tête-à-tête dans son carrosse, «arrache son corsage» et serre d’Artagnan contre elle, si bien que «le voyage passa comme un rêve».

Il y a aussi des soubrettes et autres femmes de rencontre, sans que le total monte à cent, tout de même… On croit pourtant, vers la fin du roman, que d’Artagnan va faire un pas-de-géant vers le chiffre magique. Dans une scène assez surréaliste, le mousquetaire pénètre dans le couvent de Béthune, là même où est enterrée Constance Bonacieux, où cinquante religieuses sont encerclées par l’armée espagnole. Les saintes femmes tombent toutes immédiatement amoureuses de lui et se transforment en guerrières pour assurer, sous ses ordres, la défense des lieux. Mais il n’est tout de même pas suggéré que d’Artagnan accorde ses faveurs à l’ensemble du couvent!

A la fin du roman, Aramis – soulignons que ni Athos ni Porthos n’apparaissent dans le livre, mais que Cyrano de Bergerac intervient à plusieurs reprises comme compagnon de d’Artagnan – «récupère» l’héritière et la marie à son gré, non sans que celle-ci ne se soit donnée d’abord à d’Artagnan. Cinq-Mars est exécuté, Richelieu meurt, d’Artagnan est prêt pour de nouvelles aventures.

 

Tout comme Les cent duels de d’Artagnan, ce roman souffre d’une intrigue compliquée et d’une écriture confuse. Les complots autour de Richelieu ont été lus trente-six fois ailleurs et n’innovent en rien. La seule originalité du livre, qui le rend – un peu – amusant tient bien sûr à la place accordée aux femmes. De la servante de cabaret à la mère supérieure de couvent, de la bohémienne à la richissime héritière, toutes sont prises de passion à la seule vue de d’Artagnan. Et celui-ci a beau professer un amour absolu pour Lyonna, il se dépense sans compter pour ne pas décevoir ses admiratrices.

Moyennant quoi, ayant trouvé la rédemption par l’amour, d’Artagnan termine le roman beaucoup moins déprimé qu’il ne l’avait commencé!

 

 Voir l'arbre généalogique de d'Artagnan


Extrait du chapitre 12 Le couvent de Béthune

Cyrano arrivait avec Castel Graboulios; il envoya un salut amical à d'Artagnan:

— Qu'on se range! Voilà les maréchaux!

En effet, Schomberg et la Meilleraye suivis de leur état-major et accompagnés du général de La Valette entraient dans la cour:

— Qui sont ces braves qui ont défendu le couvent et fait tant de prisonniers?

— Des femmes, dit le général espagnol, à qui nous avons eu l'honneur de nous rendre.

L'Abbesse avait pris la main de d'Artagnan:

— Voici notre sauveur... Le sauveur du couvent!

Les deux maréchaux soulevèrent leurs feutres à panaches blancs.

— Le Roi sera averti de votre exploit, lieutenant. Le couvent de Béthune recevra fanion royal et nous demanderons que son abbesse soit nommée colonel honoraire du régiment des Dragons de La Valette qu'elle a illustré.

Schomberg se tourna vers d'Artagnan:

— Vous n'avez pu accomplir votre mission. Venez me rejoindre à mon quartier général. Vous y trouverez la personne que vous cherchiez et pourrez lui remettre la lettre que vous savez...

Le général espagnol tendit la main à d'Artagnan:

— Vous êtes aussi heureux que brave car vous commandez le plus beau régiment qui puisse se voir au monde!

D'Artagnan put enfin tomber dans les bras de Cyrano:

— Mon ami! Nous devions donc nous rencontrer!

— Quand vous êtes passé à Liévin, nous avions été envoyés en avant-garde. Quand on a su que vous étiez à Béthune, rien ne nous a arrêtés pour arriver des premiers!

Il regardait les nonnes:

— D'Artagnan, le beau rêve continue! Elles voltigent, joli essaim, autour de vous, pour vous protéger...

— Et elles meurent pour moi…

II entraîna Cyrano et, suivi de la supérieure et des nonnes, ils entrèrent dans la chapelle où Esméralda était agenouillée devant le cadavre de la petite Elvire:

— Regardez-la, Cyrano... N'est-ce pas pitié? L'amour l'avait trahie, elle était cloîtrée pour la vie... J'ai réveillé en elle des souvenirs qui l'ont fait mourir...

— Morte d'amour par l'amour... N'est-elle pas la plus heureuse?

Esméralda se relevait:

— Vous avez raison, monsieur, qui que vous soyez...

— Je me nomme Cyrano et j'aime d'Artagnan comme un frère.

D'Artagnan montra la Gypsie:

— Elle s'appelait Esméralda, elle dansait, elle était sorcière... Elle m'a sauvé la vie, Cyrano...

— Esméralda la sorcière a aimé un héros, un homme qui lui a donné les plus belles heures de sa vie... Elle est morte, la Gypsie!

Elle allait s'agenouiller devant la Supérieure:

— J'ai deux mortes à veiller... Accueillez-moi, ma mère...

— Je vous instruirai, mon enfant et le jour où vous prononcerez vos vœux, c'est moi qui conduirai à l'Autel sœur Marie des Souvenirs.

On criait au dehors:

— On cherche le lieutenant d'Artagnan! Le maréchal le demande!

— Venez, dit Cyrano, venez. Regardez-les toutes. Elles s'effacent déjà dans le passé...

Les nonnes s'étaient alignées auprès de la porte. D'Artagnan alla s'agenouiller auprès de celle qui avait été Esméralda, devant la petite morte.

Une minute, il resta la tête baissée et, seule, celle qui avait été la Gypsie entendit sa plainte:

— Constance... Elvire... Pardon! Esméralda, priez pour moi!

Maintenant, il passait au milieu des nonnes rangées en bataille comme des soldats, salué par un chœur de voix fraîches:

— Adieu, notre héros! Jamais nous n'oublierons!

— Adieu! Je vous ai toutes aimées pour votre bravoure, pour votre belle confiance! Adieu!

Jeanne de Sourdais (la Supérieure) s'arrêta à la porte de la chapelle:

— C'est ici que vous êtes apparu, c'est ici que nous nous séparerons. C'est à vous que je devrai la gloire qui va rejaillir sur mon couvent et sur moi.

Elle lui prenait les deux mains:

— Adieu, mon frère! Je vous donne ce doux nom car vous emportez le cœur de celle qui ne vous oubliera jamais... Adieu!

 


 

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