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After Monte Cristo
The Count of Monte Cristo : Retold and Continued

John Immerwahr

150 pages
Autoédition - 2019 - États-Unis
Roman

Intérêt: **

 

 

Lorsque l’on découvre un roman qui promet premièrement de re-raconter Le comte de Monte-Cristo du point de vue de l’un de ses personnages secondaires et deuxièmement de prolonger l’histoire sur de nombreuses années en imaginant ce que sont devenus les personnages principaux, le tout en 150 pages, on a de quoi s’inquiéter. A tort dans ce cas précis : l’auteur de ce petit livre relève brillamment le défi et donne un récit séduisant et astucieux.

Le texte est présenté comme ayant été écrit par Valentine Morrel (Valentine de Villefort dans Le comte de Monte-Cristo qui a épousé Maximilien Morrel) à l’intention de son fils. En rédigeant ce texte bien longtemps après les événements racontés par Dumas, elle veut éclaircir pour son fils les nombreux mystères entourant l’histoire familiale.

Qu’il ne s’agisse pas d’une simple réécriture de Monte-Cristo apparaît dès les premières lignes de son récit, puisqu’elle y mentionne tout de suite le fait que le fils auquel elle s’adresse a été élevé dans une propriété près de Rome où vivaient en communauté sept personnes : elle-même Valentine et son mari Maximilien, son père à elle, Villefort, un couple formé d’Edmond Dantès et Mercédès, et un troisième couple constitué d’Ali et Haydée.

Après cette brève mise en bouche, Valentine entreprend de raconter l’histoire d’Edmond Dantès depuis le début, c’est-à-dire en collant au récit de Dumas. Toute la partie « Dantès marin » et « Château d’If » ressemble ainsi énormément à son modèle et peut justifier les craintes qui nous évoquions ci-dessus. Les seules différences avec le roman d’origine tiennent au ton du récit, puisque c’est Valentine qui s’exprime, et aux quelques commentaires psychologiques auxquels elle se livre. Arrivé sur l’île de Monte-Cristo à la recherche du trésor, Edmond puise par exemple dans les enseignements philosophiques de l’abbé Faria pour se préparer à la déception d’une éventuelle absence de trésor. L’auteur s’amuse aussi à une petite mise en abyme : Valentine explique à son fils qu’Edmond Dantès a été frappé de l’accumulation d’événements improbables qui l’a conduit là où il est, des coïncidences « qui n’arrivent pas dans la vraie vie mais seulement dans des romans comme ceux de Dumas ». Mais c’est pour en tirer une conviction : un tel enchaînement d’événements improbables relève d’une intervention divine, manifestant la volonté de Dieu de faire de lui, Dantès, l’instrument de sa justice.

Très proche du texte de Dumas jusqu’à la découverte du trésor, le récit s’enrichit davantage durant la phase de la vengeance. Valentine, qui a vécu personnellement cette période et a eu de nombreuses années pour en discuter avec les principaux protagonistes, donne ainsi des précisions inédites sur les machinations du comte de Monte-Cristo : comment il a bâti son organisation et ses fausses identités ; comment Ali a entrainé les chevaux de Danglars pour provoquer leur panique afin de « sauver » les passagères de leur voiture ; comment Monte-Cristo a introduit un espion dans la banque de Danglars pour le renseigner sur les affaires de ce dernier, etc. Surtout, Valentine livre de nombreux commentaires sur les motivations et la personnalité des principaux personnages. Si elle dit toute l’affection qu’elle éprouve pour son mari Maximilien, elle ne cache pas son agacement envers son approche romantique du suicide qui l’amène à plusieurs reprises à vouloir se tuer pour la beauté du geste. L’admiration qu’elle éprouve pour Monte-Cristo ne l’empêche pas de critiquer son goût de la mise en scène et son désir d’apparaître comme l’agent de Dieu sur Terre, quitte à pousser l’armateur Morrel à deux doigts du suicide plutôt que de le sauver de la faillite dès qu’il apprend ses difficultés. De même, c’est parce qu’il est incapable de « renoncer à son désir de faire des miracles à l’image de Dieu », dit-elle, que Monte-Cristo pousse Maximilien au désespoir en lui faisant croire pendant plusieurs semaines à la mort de sa fiancée au lieu de lui révéler tout de suite la supercherie du décès simulé.

Vient enfin la dernière partie de After Monte Cristo, où l’auteur imagine la suite du roman de Dumas. On y voit d’abord Valentine et son mari retourner à Paris où elle se retrouve dans une situation très difficile. On se souvient qu’elle avait été soupçonnée des premiers assassinats dans sa famille, comme étant celle qui aurait profité de l’héritage. Ces soupçons avaient disparu, évidemment, avec sa propre mort apparente. Mais dès lors qu’elle revient vivante, et seule héritière de la totalité de la fortune familiale, les accusations reprennent de plus belle. Pour les tirer de ce mauvais pas, Valentine et Maximilien demandent à Monte-Cristo de revenir de l’exil oriental où il était parti à la fin du roman de Dumas. Mais on apprend alors que Monte-Cristo s’est littéralement effondré après la fin de sa vengeance, miné par le doute et les remords. Sa profonde dépression, son usage immodéré de la drogue, ont semble-t-il fini par décourager les sentiments amoureux d’Haydée qui s’est retournée vers Ali. Les deux se sont mariés et demeurent les plus proches compagnons du comte.

C’est donc un homme détruit qui revient à Paris… pour se trouver plongé dans les pires ennuis. Aussitôt arrêté, il est poursuivi pour être un bagnard évadé (son identité d’Edmond Dantès est désormais connue), pour avoir kidnappé Danglars et l’avoir soumis à rançon, pour être le chef caché des bandits italiens de Luigi Vampa, etc. Tout cela est l’œuvre de Danglars qui, après sa libération à la fin du Comte de Monte-Cristo, a décidé de se venger et a méthodiquement organisé les offensives contre Valentine, Maximilien et le comte lui-même. Ses machinations sont tellement bien montées que Monte-Cristo, qui était déjà un homme brisé, en arrive à ressentir, dans sa cellule, le même sentiment d’impuissance et de désespoir que, jadis, ses victimes Villefort et Morcerf…

C’est alors que Valentine se révèle. Alors que personne ne sait comment réagir, elle réalise que seule Mercédès peut réussir à tirer Monte-Cristo de sa léthargie et lui redonner le goût de se battre, et va donc la chercher à Marseille. Plus hardi encore : elle va demander l’aide de son père, qui fut l’un des plus hauts magistrats de France. Elle le sort de son asile psychiatrique, le confronte à Edmond Dantès et réussit à obtenir une sorte de semi réconciliation basée sur les remords qu’ils éprouvent mutuellement. Cette alliance plutôt inattendue permet finalement d’avoir raison de Danglars. Alors que les trois couples, Edmond et Mercédès, Ali et Haydée, Maximilien et Valentine, décident de quitter la France et d’aller vivre paisiblement en Italie, Valentine impose de nouveau sa volonté en obligeant les autres à accepter son père dans leur petit groupe.

 

On peut bien sûr ne pas adhérer à cette suite de Monte-Cristo. Trouver par exemple que l’effondrement personnel du comte, qui passe d’un statut de demi-dieu tout puissant à un état de loque humaine, est un peu violent ; s’interroger sur la crédibilité de la réconciliation entre lui et Villefort ; ou encore s’étonner de l’absence dans cette suite de personnages importants comme Albert de Morcerf ou Benedetto. Mais le fait est que le scénario imaginé par John Immerwahr se tient et utilise très habilement de nombreux éléments et pistes laissées ouvertes à la fin du roman de Dumas. L’auteur connaît extrêmement bien Le comte de Monte-Cristo et cela se ressent dans son intrigue. Au point d’ailleurs de rendre très surprenante une erreur grossière quand il affirme que Mercédès s’est mariée avec son cousin Fernand quand elle a entendu dire qu’Edmond était mort en s’évadant du château d’If au décès de l’abbé Faria, c’est-à-dire quatorze ans après son arrestation, alors qu’elle n’avait en fait attendu qu’environ un an.

L’apport le plus remarquable de After Monte Cristo tient à la personnalité de Valentine. Chez Dumas, celle-ci est un personnage secondaire assez falot, la victime parfaite des machinations de sa belle-mère et de Monte-Cristo lui-même. Là, elle s’affirme comme une femme forte, solide, qui prend les choses en main quand les hommes autour d’elle s’affolent, capable aussi de porter des jugements lucides, acérés, voire sarcastiques, sur ces derniers (voir extrait ci-dessous). De quoi apporter une touche discrètement féministe à un roman où les femmes sont toujours au second plan. Une vraie réussite, donc. Un petit regret, toutefois: comme dans beaucoup de livre autoédités, celui-ci souffre d’assez nombreuses coquilles (mots manquants, mots en trop, etc.)

 

Extrait du chapitre The Island of Monte Cristo

The letter read almost like a suicide note (and perhaps that was what it was originally meant to be). First, it left a great deal of his riches and some of his houses to us. He said that Jacopo would take us in the yacht to Italy, where we would see my beloved grandfather (whom I have briefly mentioned) and where a priest was waiting for us to perform our marriage ceremony. Then in the letter Edmond spoke specifically about what he wanted Maximilian to tell me:

"I entreat her to give to the poor the immense fortune reverting to her from her father, now a madman, and her brother who died last September with his mother. Tell the angel who will watch over your future destiny, Morrel, to pray sometimes for a man, who like Satan thought himself for an instant equal to God, but who now acknowledges with Christian humility that God alone possesses supreme power and infinite wisdom. Perhaps those prayers may soften the remorse he feels in his heart".

Many thoughts raced through my mind at the time and by now, of course, I have had time to sort them all out. The first thing that struck me was how these men always seemed to want to kill themselves. Maximilian was a dear man and very good to me, but his plan to kill himself because of his grief about my death was completely stupid. He was a pleasant, nice-looking man with a good future ahead of him. In a few months or a year he probably would have found another pretty girl who would have made him happy in another way. I am happy to report that he lived after this for many years and, as far as I know, never again contemplated killing himself.

I thought Edmond was even more a tragic figure. He had so much money and had learned so much he could have done anything with his life - but he let his feelings about those three men control his life for so many years. Just think of the things he could have done in that time - lived a life of tremendous pleasure or done good things for the world, or, for that matter, he could have done both.

I also thought that his flair for the dramatic was outrageous. In later years I came to love him and admire him in many ways, but I never forgave him for all of the agony he put me and others through. For example, he could have protected me from my stepmother in a much less dramatic way that would have been less risky to me. And did he really have to put your father through all of that suffering just to make such a dramatic way of revealing that I was still alive?

The biggest question that I tried to understand was why was Edmond so miserable in what he thought would have been the moment of his triumph. In retrospect the answer seems clear to me. Edmond's whole life as we have seen was focused on creating his revenge drama. However, I doubt that it ever occurred to him that there could be unintended consequences, and that when he hurt his enemies he would also hurt others - not only the loved ones of his enemies but even people that he himself cared about. His revenge on Fernand also caused great harm to Mercedes, with whom he was still in love. His attack on Villefort destroyed his enemy but also caused the death of an innocent child and the poisoning of my grandparents, and nearly took my own life.

As time went on, he also became increasingly aware that his attempts to rebalance the scales of justice were rather flawed. He meted out the sternest justice to individuals who were not completely at fault and was excessively generous to the real culprit behind everything.

 


 

 

 

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