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Le fils des Trois Mousquetaires (saynète dialoguée)*
Drame de cape et d’épée - in "Pour lire sous la douche"

Cami

10 pages
Ollendorff - 1912 - France
Humour - Nouvelle

Intérêt: **

 

 Avertissement : les quatre variations du Fils des Trois Mousquetaires 

Cami a publié au moins quatre œuvres titrées Le fils des Trois Mousquetaires. La parfaite similitude des titres rend parfois difficile l’identification des textes… La liste ci-dessous reprend les quatre versions en ma possession.
Une incertitude pèse sur la date de publication de la première saynète dialoguée : elle figure dans le recueil Pour lire sous la douche paru en 1928 mais pourrait avoir été publiée initialement en 1912.

- 1912 ou 1928 - Le fils des Trois Mousquetaires (saynète dialoguée)
Drame de cape et d’épée - in Pour lire sous la douche (1928)
10 pages

- 1919 - Le fils des Trois Mousquetaires (roman)
Roman héroï-CAMIque illustré par l’auteur
300 pages

- 1925 - Le fils des Trois Mousquetaires (roman dialogué)
Suivi de La petite dame de Monsoreau
118 pages
Inclut la saynète dialoguée de 1912 ou 1928 en tant que prologue.

- 1934 - Le fils des Trois Mousquetaires - Nouveaux exploits (saynète dialoguée)
in Trêve... de plaisanteries
10 pages
Saynète dialoguée complètement différente de celle de 1912 ou 1928


Cette saynète dialoguée, technique affectionnée par Cami, figure dans le recueil Pour lire sous la douche publié en 1928. Il est possible cependant qu'elle ait été publiée une première fois dès 1912. Elle est reprise, en tout état de cause, dans le roman dialogué de 1925, dont elle constitue le prologue. On y trouve l'humour surréaliste de l'auteur, souvent à base de jeux de mots. Grand amateur de Dumas, Cami a également mis en scène les mousquetaires dans "Les chevaliers du gai" et "Les Trois Mousquetaires et demi".

Texte fourni aimablement par Marc Madouraud et reproduit intégralement

PREMIER TABLEAU

L'enlèvement.

(La scène représente l'auberge de "La Truite qui jase".)

Le-fils-des-trois-mousquetaires, sur le seuil de la porte. - Holà ! tavernier du diable! Peux-tu nous loger céans, moi et mon laquais?

L'aubergiste-obséquieux. - Oui, seigneur cavalier. Entrez. Nous avons déjà belle et aristocratique société à l'intérieur.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Quelle société?

L'aubergiste-obséquieux. - J'ai l'honneur de loger en ce moment un noble vieillard, sa fille unique et son valet-fauteuil.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Son valet-fauteuil?

L'aubergiste-obséquieux. - Oui: c'est un fidèle serviteur du noble vieillard. Un jour, ce valet dévoué eut les deux bras et les deux jambes emportés dans une explosion de colère. Pour continuer à servir soit maître, il se fit poser, en remplacement de ses deux bras enlevés, deux bras de fauteuil.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Deux bras de fauteuil?

L'aubergiste-obséquieux. - Oui, deux bras de fauteuil en bois. Puis, pour remplacer ses deux jambes défuntes (que Dieu ait leurs âmes!) il se fit poser également deux pieds de fauteuil munis de roulettes. De cette façon, il se rend utile à son maître en lui servant de siège. Mais chut! Voici le noble vieillard qui s'avance.

Le-fils-des-trois-mousquetaires, au noble vieillard. - Permettez-moi de me présenter à vous, monsieur: je suis le Fils des Trois Mousquetaires.

Le-noble-vieillard. - Le Fils des Trois Mousquetaires?

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Oui. Ma mère fit un soir la connaissance d'Athos, d'Artagnan et Porthos. Les Trois Mousquetaires étaient beaux. Ma mère était belle! Bref, je fus le résultat de cette heureuse rencontre. Je réunis à moi seul toutes les qualités de "MON PERE" les Trois Mousquetaires. J'ai le courage de d'Artagnan, la force de Porthos et la modestie d'Athos!

Le-noble-vieillard. - J'ai beaucoup entendu parler de "MESSIEURS" votre père. Mais je me sens un peu fatigué. Permettez-moi de siffler mon valet-fauteuil. (Il siffle. Le valet-fauteuil vient se placer en roulant derrière le vieillard.)

Le-noble-vieillard, après s'être assis sur le valet-fauteuil. - Je me cache dans cette auberge pour soustraire ma fille unique aux recherches d'un ravisseur infâme qui veut l'enlever. Sans ce misérable, je serais tranquillement dans le château de mes ancêtres en train de continuer ma chère collection "d'accents circonflexes".

Le-valet-fauteuil, sursautant. - Monsieur le marquis, levez-vous! levez-vous! je sens que ma crise va commencer. Levez-vous!

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Quelle crise?

Le-noble-vieillard, se levant, précipitamment. - Ce n'est rien. Mon pauvre valet-fauteuil est atteint depuis quelque temps d'ataxie locomotrice. Dès qu'il sent venir la crise, il se hâte de me prévenir.

La-voix-de-la-fille-unique. - Père! Père! Au secours! Au secours!

Le-noble-vieillard. - Enfer et damnation! On enlève ma fille unique!

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Mon épée est toujours au service des faibles et des déprimés. En avant! Sus au ravisseur infâme!

 

DEUXIEME TABLEAU

La poursuite.

(La scène représente la route devant l'auberge)

Le-fils-des-trois-mousquetaires, sur le seuil de l'auberge. - Avec ma lunette d'approche, j'aperçois le ravisseur infâme à l'horizon.

Le-noble-vieillard, anxieux. - Que fait-il?

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Il descend de son cheval et frotte la route.

Le-noble-vieillard. - Il frotte la route.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Oui: il efface les traces de son passage avec de la mie de pain. Il n'y a pas une minute à perdre. J'ai d'ailleurs une idée. (A l'aubergiste obséquieux.) As-tu un aimant à me prêter, l'ami?

L'aubergiste-obséquieux. - Oui, Monseigneur. Voici l'aimant qui me sert pour attirer chez moi la clientèle des chevaliers bardés de fer.

Le-fils-des-trois-mousquetaires, prenant l'aimant. - Merci. (A son laquais.) Toi, reste ici pour soutenir ce noble vieillard.

Le-valet-fauteuil, hurlant. - Ma crise me prend! Je sens une irrésistible envie de courir envahir tout mon être. Ma crise me prend!

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Oh! une idée ! (Il saute à califourchon sur les épaules du valet-fauteuil.) Profitons de cette crise d'ataxie locomotrice pour poursuivre l'infâme ravisseur. (Tel un rinkeur sur patins à roulettes, le valet-fauteuil s'élance à toute vitesse sur la route poudreuse.)

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Nous le rattrapons! Ah! nous voici à portée! (Il lance son aimant entre les jambes du cheval de l'infâme ravisseur. Les quatre pieds ferrés du cheval, attirés par l'aimant, se réunissent brusquement. Le cheval s'abat. L'infâme ravisseur tombe avec la fille unique du noble vieillard.)

L'infâme-ravisseur, se relevant. - Par Satan! mon patron! A nous deux, monsieur le redresseur de torts!

Le-fils-des-trois-mousquetaires, le transperçant de son épée. - Meurs donc, infâme ravisseur!

La-fille-unique. - Ah! mon sauveur! Mon sauveur!

Le-valet-fauteuil. - Alerte! Tous les amis de l'infâme ravisseur accourent pour venger sa mort.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - En retraite! (Il dépose la fille unique sur les bras du valet-fauteuil et s'élance d'un bond sur les épaules du serviteur à roulettes.)

Le-valet-fauteuil, les yeux levés au ciel. - Seigneur! faites que ma crise d'ataxie locomotrice dure assez longtemps pour me permettre de ramener une fille unique à son père! (Il roule rapidement, encouragé de la voix et des éperons par le Fils des Trois Mousquetaires.)

 

TROISIEME TABLEAU

Un physique providentiel.

(La scène représente l'auberge de "La Truite qui jase".)

Le-fils-des-trois-mousquetaires, descendant du valet-faueuil. - Voici votre fille unique, noble vieillard. Mais nous sommes poursuivis. Songeons à nous défendre.

L'aubergiste-obséquieux, affolé. - Messeigneurs, une bande d'hommes masqués entourent la maison et tentent de pénétrer dans la cour.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Mordious! j'ai laissé mon épée dans le ventre de l'infâme ravisseur! Je n'ai plus d'épée!

Le-noble-vieillard. - Hélas! moi non plus! j'ai mis l'autre jour, par distraction, mon épée dans le fourreau de mon parapluie que j'ai oublié au café.

Le-fils-de-trois-mousquetaires. - Fatalité! Que faire ?

Le-valet-fauteuil. - Vite! avec votre canif, taillez en pointe mes deux bras de fauteuil.

L'aubergiste-obséquieux, après avoir obéi. - Voilà qui est fait. Vos bras ont maintenant l'air de deux cornes.

Le-valet-fauteuil. - Justement! avec mes bras-cornes je vais tenir les ennemis en respect pendant quelques minutes. (Il s'élance dans la cour)

Le-noble-vieillard, ému. - Brave coeur! (Il regarde par la fenêtre.) Quel courage! Le voilà dans la cour, il fonce sur les bandits masqués!

L'aubergiste-obséquieux, à la fenêtre. - Les ennemis se servent de leurs capes comme de véritables toréadors, afin d'éviter les terribles bras-cornes!

Le-fils-des-trois-mousquetaires, d'une voix de tonnerre. - Il faut que j'extermine ces drôles! Mais que faire sans épée? Ah! mais j'y pense...

Tous, avec espoir. - Que pense-t-il?

Le-fils-des-trois-mousquetaires, à son laquais. - Je pense que tu as une figure en "lame de rasoir".

Le laquais. - On me l'a toujours dit, monsieur. D'ailleurs, cela n'a rien d'étonnant: mon père était écuyer-tranchant.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Alors nous sommes sauvés! Viens! (Il s'élance dans la cour avec son laquais. Dans un coin se trouve une meule à repasser. Le Fils des Trois Mousquetaires aiguise en toute hâte la figure en "lame de rasoir" de son laquais.)

Le laquais. - Suis-je suffisamment aiguisé, monsieur?

Le-fils-des-trois-mousquetaires, après avoir essayé le fil avec son ongle. - C'est parfait! (Il prend son laquais à figure en "lame de rasoir" par les pieds et le brandit comme une hache. D'un moulinet terrible, il fait voltiger autour de lui têtes, bras et jambes de ses adversaires. Un dernier bandit reste seul, poursuivi par le valet-fauteuil à bras-cornes).

Le-valet-fauteuil. - Laissez-le moi, monseigneur! (Il s'élance et, d'un coup de bras-corne, transperce le dernier ennemi.)

L'aubergiste-obséquieux, soulevant la feuille de papier buvard sous laquelle il se dissimulait. - Victoire!

Le-noble-vieillard. - Pour récompenser ta bravoure, digne fils des Trois Mousquetaires, je te donne ma fille unique. De plus, après ma mort, vous hériterez de ma collection "d'accents circonflexes". Quant à toi, vieux serviteur fidèle, que puis-je faire pour te remercier de ta vaillante conduite? Parle.

Le-valet-fauteuil, les larmes dans les yeux. - Je désirerais qu'en remplacement de mes deux bras détériorés vous me fissiez remettre deux nouveaux bras de fauteuil, mais de fauteuil de luxe, des bras recouverts de velours d'Utrecht... avec des franges d'or!... C'est le rêve de ma vie! (Il éclate en sanglots.)

Le-noble-vieillard. - Accordé! Dès demain on te transportera chez le tapissier pour te faire réparer selon tes désirs.

Le-fils-des-trois-mousquetaires. - Et toi, mon fidèle laquais au physique providentiel, qu'as-tu donc? Ta main saigne! Serais-tu blessé?

Le laquais. - Non, monsieur. Mais vous m'avez tellement bien aiguisé tout à l'heure que je me suis entaillé les doigts lorsque j'ai voulu me moucher.

Le-noble-vieillard. - Et maintenant, que la fête commence!

RIDEAU

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