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Masques de fer

Benoît Abtey

282 pages
Flammarion - 2013 - France
Roman

Intérêt: **

 

 

 

Ce deuxième volume des Secrets de d’Artagnan fait suite à Don Juan de Tolède mousquetaire du roi. L’auteur abandonne l’«habillage» du premier livre, dans lequel d’Artagnan était censé raconter ses souvenirs à Louis XIV enfant. Un procédé qui donnait du charme au roman mais qui ne pouvait être conservé ici vu la teneur du récit…

L’histoire commence en effet très fort, une nuit de septembre 1638 marquée par deux naissances. D’une part celle du fils de Louis XIII et Anne d’Autriche; d’autre part celle de deux garçons jumeaux, fruits des amours accidentelles de d’Artagnan et d’une jeune paysanne. Les événements s’enchaînent très vite: le bébé royal meurt pendant la nuit, Richelieu et son homme de main Laubardémont étant les seuls informés avec la reine et la nourrice; Laubardémont, qui connaît l’existence des jumeaux de d’Artagnan, convainc le mousquetaire d’en offrir un pour «remplacer» le dauphin mort né, et procède à la substitution des bébés. La monarchie est sauvée au prix d’une supercherie de taille: le futur Louis XIV est en fait le fils de d’Artagnan. Ce dernier met le deuxième jumeau à l’abri en Gascogne.

De ce colossal secret d’Etat il n’est curieusement plus question pendant le reste du roman dont l’intrigue principale est toute différente. Une organisation secrète, la société Jupiter, complote contre la monarchie. Laubardémont la dénonce à Richelieu. Il se trouve qu’une jeune femme, Agnès d’Argenseuil, qui joue un rôle clé dans le complot, suscite une passion dévorante chez Richelieu. Quand celui-ci apprend qu’Agnès le trahit, il la fait arrêter et demande au roi de Pologne de la garder prisonnière. Le mettant en garde contre le fait qu’elle est extrêmement dangereuse et que sa beauté en fait une redoutable séductrice, il obtient de lui qu’elle porte en permanence un masque de fer.

Quatre ans plus tard, juste avant de mourir, Richelieu signe la grâce d’Agnès, et d’Artagnan est chargé d’aller la rechercher en Pologne. Laubardémont se fixe le même objectif mais pour son propre compte: maintenant que son protecteur Richelieu est mort, il espère faire fortune grâce aux secrets que détient Agnès. Les deux hommes s’affrontent donc en Pologne. A la fin du récit, le roi de Pologne demande à Mazarin un service symétrique à la garde d’Agnès: il lui envoie un de ses proches qui l’a trahi, en lui demandant de le faire garder prisonnier sous un masque de fer.

Très long, confus, d’une écriture excessivement riche, le premier volume de la série avait un peu déçu. Masques de fer constitue donc une excellente surprise: le récit est plus ramassé et structuré, l’écriture s’est épurée.

L’intrigue, solide, joue habilement avec le thème du masque de fer qui donne son titre au roman: le pluriel de «masque» dans le titre est amplement justifié puisque de nombreux personnages portent cet accessoire: la prisonnière française en Pologne et le prisonnier polonais en France, mais aussi tous les membres de la société secrète Jupiter, pour dissimuler leur identité lors de leurs réunions (qui, soit dit en passant, rappellent furieusement celles des conjurés de Joseph Balsamo). Le thème des deux jumeaux fils de d’Artagnan dont l’un devient Louis XIV annonce certainement de nouveaux développements: le roman se termine sur la mention «A suivre».

Autre élément notable: pendant sa captivité, Agnès est utilisée comme agent secret occasionnel par les Polonais. Comme ils détiennent sa petite fille en otage, ils la forcent à accomplir pour eux des missions dans lesquelles son redoutable pouvoir de séduction fait des ravages. Agent secret, prisonnière, séductrice: Agnès évoque clairement Milady, une Milady portant le masque de fer.


 Voir l'arbre généalogique de d'Artagnan


Extrait de la deuxième partie Pour le meilleur et pour le pire, chapitre trois Ces auberges qui sont autant de théâtres où les acteurs de la pièce se croisent, se rencontrent et s’affrontent

- Une prisonnière? Et pourquoi ne pas la conserver chez vous? Je crois que l’évêque ne manque pas de prisons, lui aussi. Qu’a-t-il besoin d’aller si loin pour en trouver une qui lui convienne? Cette femme, ne pouvait-il la tuer au bout d’une corde, d’un coup de hache? Pas plus que de prisons, votre évêque ne manque de bourreaux, ni d’échafauds.

- Cette prisonnière n’est pas une prisonnière comme les autres. On ne peut lui enlever la tête, quels que soient les forfaits qu’elle ait commis. Elle est de sang bleu... elle est membre de la famille royale. Le monde, la cour de France, ignore le véritable visage de cette criminelle. Son visage est si beau qu’elle en a fait la plus dangereuse, la plus mortelle de ses armes. Sa beauté vous ensorcelle, vous possède et vous tue. C’est en raison de ce pouvoir que l’évêque décida de protéger l’homme des tentations qu’elle exerce sur lui, en dissimulant ses traits derrière un masque de fer. Ce masque, dit l’homme en tendant une clé au prince, je vous la donne si vous acceptez de mettre ces bijoux dans vos coffres et cette femme dans vos oubliettes. Elle ouvre le masque. Mais attention, prenez bien la précaution de maintenir cette femme dans l’ombre la plus noire quand vous le lui ôterez en cas de nécessité seulement. Placez alors autour d’elle une barrière de lames. Elle cherchera toujours à retrouver sa liberté. Acceptez-vous?

« Le prince hoche la tête.

« Il ne faut pas mécontenter l’Êvêque de Paris, mais au contraire tout faire, afin de maintenir les liens d’amitié profitables aux deux parties, pour lui être agréable.

« Avant d’amener la prisonnière, son geôlier précise:

- Je reviendrai dans quelques années, sans vous prévenir par avance, du jour de ma visite. Je porterai avec moi de nouvelles offrandes, afin de vous aider à maintenir fermement votre engagement, afin de vérifier, cela dit sans offenses, que vous ne l’avez pas rompu. Traitez-la selon son rang. Elle dégustera les meilleurs mets, on lui servira des vins de bohème. Qu’on lui joue de la musique, mais sous le regard d’une garde. Qu’on lui donne la communion, mais sous la menace des armes.

« Le prince veut encore savoir :

- Quels sont ses crimes ?

- Il vaudrait mieux les taire, à tout jamais. Surtout en présence de ce jeune homme.

- Il est comme mon fils, il est comme moi-même.

- Sachez simplement qu’ils sont ignobles. Encore une chose, nous ne lui avons pas tranché la langue. C’était peut-être une erreur. Elle cherchera donc sans doute - le diable est la ruse, le diable est le mensonge - à clamer son innocence, à nier ses accusations. Elle ne reculera devant aucun sacrilège, aucune perfidie pour émouvoir les cœurs faute de pouvoir capturer la chair. Elle pourrait donc retourner la vérité, accabler son juge, dire qu’il est Satan et elle la Colombe. Vous voilà prévenu. Imaginez que l’étoffe qui la recouvre dissimule non pas la silhouette d’une femme, d’une créature capable de donner la vie, mais le corps froid d’un serpent, l’âme d’un monstre qui ne demande qu’à la reprendre. Maintenant, permettez-moi de vous la présenter avant de l’abandonner à vos soins.


 

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