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Musketeer space

Tansy Rayner Roberts

597 pages
Autoédition - 2015 - Australie
SF, Fantasy - Roman

Intérêt: **

 

 

 

Si Le comte de Monte-Cristo a été maintes fois réécrit sous forme de transposition méthodique dans un contexte et une époque différents (voir notamment La force du destinThe stars’ tennis balls, Exact revenge, Professor Montgomery Cristo et Talion), cet exercice particulier a été beaucoup moins pratiqué avec Les trois mousquetaires. Les principaux exemples d’une telle réécriture sont Les trois médecins de Martin Winckler, Speculator de Gérard Delteil et donc Musketeer space.

Cette œuvre de l’australienne Tansy Rayner Roberts, publiée initialement chapitre par chapitre en feuilleton sur Internet, est désormais librement accessible sur le site Web de l’auteur ainsi qu’en téléchargement sur Amazon. Elle transpose l’histoire des mousquetaires dans un cadre de science-fiction. Mais ce n’est pas tout. Le roman de Dumas subit une deuxième transposition plus surprenante : la plupart des personnages voient leur sexe changé.

Il n’est pas vraiment utile de résumer l’intrigue de Musketeer space puisqu’elle reproduit scrupuleusement celle de Dumas, de l’arrivée de d’Artagnan à Paris jusqu’à la mort de Milady en passant par l’affaire des ferrets de la reine, le siège de La Rochelle, etc. Evoquons plutôt la double transposition qui caractérise cet ambitieux roman.

Les trois mousquetaires version SF se passe dans un cadre de space opéra. Toutes les planètes du système solaire ont été « terraformées » pour les rendre habitables. De plus, une partie importante de la vie humaine se passe dans les nombreuses stations spatiales qui peuvent atteindre des dimensions de véritables villes de l’espace. C’est le cas de Paris Satellite, plus grande ville/station spatiale du système solaire. A l’inverse, Gascon Station est une petite station spatiale isolée, loin de tout. C’est là qu’est née Dana d’Artagnan qui, en véritable femme de l’espace, ne se sentira jamais à l’aise sur le sol d’une planète.

Le système solaire est organisé en une fédération où deux grandes forces coexistent : la monarchie et l’Eglise. Cette dernière, dirigée par Richelieu, soutient officiellement la royauté mais dispose de moyens considérables, de sa propre armée, et a des visées sur la domination politique.

La fédération est confrontée à deux menaces. L’une des planètes, Valour, a des tentations sécessionnistes, ce qui affaiblirait sérieusement la fédération face à l’autre danger, beaucoup plus grave : celui des Sun-kissed, des extraterrestres terrifiants dont les humains ne savent presque rien sinon qu’ils sont capables de prendre n’importe quelle apparence (leurs espions sont donc indétectables) et qu’ils veulent détruire la civilisation humaine. Dans Musketeer space, le danger extérieur représenté par l’Angleterre chez Dumas est donc en quelque sorte dédoublé.

Le trône est occupé par une souveraine qui porte le titre de Régente, dont le mari, aux fonctions purement honorifiques, est le Prince consort. Dans cette société complexe et fragile, la légitimité de la Régente repose essentiellement sur le fait qu’elle est la garante de l’Etat de droit, de l’inviolabilité des contrats. Or, les relations personnelles reposent précisément sur le contrat. Le mariage prend la forme d’un contrat à durée limitée, typiquement de quelques années, à l’issue duquel chacun redevient complètement libre. Mais pendant sa durée, toute entorse au contrat est considérée comme extrêmement grave.

C’est dans ce contexte que la liaison illégitime entre le Prince consort et la duchesse de Buckingham, ambassadrice de la planète Valour à la cour de la Régente, peut devenir une affaire d’Etat : elle montrerait que la souveraine ne peut même pas faire respecter son propre contrat de mariage. La cardinale Richelieu pourrait s’en servir pour la décrédibiliser et renforcer d’autant le pouvoir de l’Eglise.

Très fouillée, la transposition en science-fiction va bien au-delà de ce cadre général. Les mousquetaires (soldats de la Régente) et les Sabres et Hammers (pour la cardinale) sont des pilotes d’engins spatiaux de guerre. Leurs « chevaux » sont leurs fusées individuelles avec lesquelles ils arpentent l’espace. Du coup, leurs valets deviennent les mécaniciens chargés de maintenir en bon état de marche leurs machines volantes ultrasophistiquées. Ce qui vaut à Planchet, le débrouillard valet de d’Artagnan, de devenir une hackeuse de génie, capable de rendre bien des services aux mousquetaires.

De multiples petites trouvailles viennent enrichir le tableau. Par exemple, les messages qui ne cessent de circuler dans le roman de Dumas deviennent ici des capsules qui s’incrustent dans l’avant-bras de leur porteur et se transmettent en posant le poignet sur celui de la personne qui en est destinataire.

La deuxième grande transposition tient à une très large permutation des sexes, ce que l’auteure qualifie de « gender-swap », accompagnée d’un large éventail de préférences sexuelles. Comme déjà indiqué, les principaux personnages sont concernés. D’Artagnan devient une jeune femme, Dana d’Artagnan, attirée autant par les femmes que par les hommes. Porthos et Aramis sont deux femmes, la première collectionnant les amants, la seconde faisant de même avec les femmes. Seul Athos demeure un homme – mais gay. Les valets des mousquetaires sont des femmes, à l’exception de Bazin (celui d’Aramis) qui est un androïde d’église (mal) reconditionné en mécanicien (voir extrait ci-dessous).

Les rôles de Louis XIII et Anne d’Autriche sont intervertis dans le couple royal. Buckingham devient donc également une femme, amante cachée du Prince consort. Rôles inversés, aussi, au sein du couple Bonacieux, la mousquetaire d’Artagnan tombant folle amoureuse du mari, Conrad Su. Les hommes de pouvoir deviennent presque tous des femmes, qu’il s’agisse de Richelieu, Tréville ou Rochefort. Parmi les personnages qui conservent leur sexe, signalons Kitty et la duchesse de Chevreuse.

Reste le cas très particulier de Milady. Celle-ci devient Milord, un homme donc. Sauf qu’il s’agit en fait d’un agent extraterrestre capable de prendre la forme qu’il veut, et qu’il pourrait tout aussi bien choisir d’être une femme…

 

Muketeer space se révèle une remarquable réussite. La transposition du roman de Dumas dans un cadre de science-fiction est la plupart du temps convaincante, crédibilisée par une profusion d’inventions, même s’il arrive dans certaines scènes de tavernes ou de duels que l’on oublie un peu que l’on se trouve dans des stations spatiales.

La transposition des sexes n’est pas toujours aussi convaincante et dépend en fait largement de l’abondance de détails donnés sur les personnages. Dana d’Artagnan, omniprésente, apparaît ainsi très clairement comme une femme, tandis qu’Athos campe un homosexuel tourmenté très crédible. Il est difficile en revanche de ne pas oublier, au fil du livre, que Porthos est censée être une femme, tant elle se comporte comme son modèle masculin. Quant à des personnages comme Richelieu ou Tréville, ils n’apparaissent pas « féminisés » le moins du monde. Ce qui montre qu’il ne suffit pas de décréter qu’un personnage masculin devient une femme : encore faut-il adapter sa personnalité et son comportement en conséquence. Une constatation déjà effectuée de manière encore plus évidente avec la pièce de théâtre The countess of Monte Cristo où la féminisation systématique des personnages ne fonctionne guère.

Très grande réussite, en revanche, la réincarnation de Milady en extraterrestre aux multiples transformations : un clin d’œil plein d’humour aux nombreuses identités successives assumées par Milady chez Dumas.

Très bien mené, souvent fort drôle, le roman réussit le tour de force de suivre de façon crédible les péripéties des Trois mousquetaires de bout en bout – presque trop. Le principal regret que l’on peut avoir, c’est que Tansy Rayner Roberts n’ait pas pris un peu plus de libertés avec son modèle en l’interprétant davantage. Elle le fait un peu à la fin, en jouant avec le sort de Milord et le thème de la guerre avec les extraterrestres, et son roman aurait sans doute gagné à ce qu’elle le fasse davantage.

Tansy Rayner Roberts a également écrit une "prequel" à Musketeer space: une longue nouvelle intitulée Joyeux, qui décrit certains événements auxquels il est fait allusion dans le roman principal. Dana d'Artagnan n'y figure pas, bien sûr, mais les trois autres mousquetaires sont bien là. Ce texte est lui aussi disponible sur le site de l'auteure.

 

Extrait du chapitre 8 The nesting habits of musketeers

(lettre de Dana d’Artagnan à sa mère)

Dear Mama,

What, really? You want to know more about these Musketeers I’m hanging out with? I thought I talked about them too much already!

Let’s start with Athos, the one I know least about. Aramis says he has a tragic past, but she never provided details – all three of them are loyal to the point of sheer stupidity, so that doesn’t surprise me.

Athos lives in two rooms beside a grimy bar on 4th Level, the only drinking hole in Paris that he refuses to patronise. I think that means it’s pretty bad.

He shares digs with his engie, Grimaud, who is much older than I expected, and the perfect roommate because she’s constantly plugged into headphones, and never talks.

“She doesn’t laugh at my jokes,” Athos said the first time I unfurled my trusty bedroll on his floor. “She also doesn’t chatter through my hangovers, or suggest I call my mother more than once a year. Love you, Grimaud!” he yelled in the direction of the tiny kitchenette.

She gave him the finger, which I took to mean she loves him too, but won’t put up with his bullshit.

Grimaud wears a star-scarf all the time but I don’t think she’s especially religious –I suspect the scarf was there for the same reason as the headphones –blocking out the universe. Or maybe blocking out Athos.

“The Sabres keep trying to steal her,” Athos told me once. “Best engie in Paris. But she likes my ship too much to let me go. There’s no artistry involved in keeping a fucking Sabre in the sky: they replace each part the second it fails.”

Grimaud’s children are convinced that Athos is secretly married to their mother, and they always send him brandy at New Year. I suggested this might be an elaborate assassination plot on their part, as everyone knows Athos is the Musketeer most likely to drink himself to death. There may be a formal betting pool on that one. Athos rejected the idea on the grounds that it wasn’t especially good brandy. I’m not convinced…

Apart from his cheap habits, his silent engie, his perverse sense of humour and his formerly ridiculous beard, Athos the New Aristocrat remains a mystery. I’ve learned not to try to match him drink for drink, not to talk to him at all when he gets a certain maudlin look on his face, and never to tease him about lovers, not even when Porthos does (she teases everyone about everything, and gets away with it somehow).

He doesn’t have friends apart from Aramis and Porthos and now me. The others have wider social circles, but I think sometimes Athos would prefer to have no one at all.

He has, however, been teaching me to use a pilot’s slice for recreational fencing, which is not the same AT ALL as illegal duelling, so don’t freak out. I’m getting good.

Porthos, or Pol to her other friends, is the polar opposite to Athos. She has a large apartment somewhere over in Gilles Section –was it as trendy in your time as it is now? Popular civilian sector, all fashion emporiums and cafes. Her rooms are lush, and she never stints when it comes to food, drink or treating her friends. I have no idea where the money comes from.

She has at least four casual boyfriends that I know of, and I’m not entirely sure if any of them knows about each other. I can’t bring myself to ask.

Porthos rooms with her engie, Bonnie – it’s still traditional for pilots to provide board for engineers because accommodation up here is bloody expensive, and engies get paid so much less than pilots. That goes double for the Musketeers. Can you have double of less?

Bonnie is a dab hand at cooking as well as patching up spaceships, and she has Porthos’ rooms smelling and looking like heaven. She’s happy to do all the cooking and cleaning as long as she has the freedom to dip in and out of the treasure trove that is the Wardrobe of Porthos. Apparently if you’re a lady of short stature and large bosom, regular access to designer outfits that fit you is more useful than actual currency.

Whenever I crash with Porthos, it’s on a comfortable sofa bed with the promise of croissants in the morning. The only reason I don’t do it more often is because Bonnie disapproves of me. Not sure if it’s personal or if she feels I make the place untidy.

Still, when picking which of my friends to stay with, it’s hard not to lean towards the option that means warm cinnamon milk at bedtime, and a pillow that feels like a marshmallow dream made by silkworms.

Finally, Aramis. I’m still figuring Aramis out. When we’re out in public she’s all about wine, women and general debauchery, but at home she’s a lot more quiet, introspective and – yeah, religious.

Her rooms are stark apart from a collection of antique theology texts, a brilliant selection of herbal teas, and virtual windows dedicated to the weirdly green and storybook-pleasant country scenery of the planet Valour.

The main view in her salon is a rolling hillside with an old-style Church of All.

“I like to be able to see the church from my home town,” she said once. “Someday I’ll have one of my own.” She really does seem to believe that she’ll do it one day –leave the Musketeers to join the Church. Why would anyone want to be anything but a Musketeer?

The weirdest thing about Aramis’ rooms is Bazin. He’s a church android that she picked up in payment for a gambling debt, and reprogrammed with engie functions. His original program remains, and serving a human who isn’t part of the priesthood is a constant cause of distress to him.

Which makes him the most passive aggressive android I’ve ever met. He delays all but the most necessary functions, except those involving religious activity, and he pointedly hates all of Aramis’ friends, especially those who stay over. I always half expect to find that I’ve been neatly moved out into the corridor during my sleep, bedroll and all.

Aramis writes, all the time. Letters and articles on theology or the state of the soul, which she gets published in journals. Some of the letters are private, ongoing debates with other theorists. Some of them are elaborate flirtations, others are foundations of future essays. If she could only give up her habit of seducing unavailable women, she would do fine in the Church.

But there’s that pesky morality contract thing, you know.

“I am moral,” Aramis insists, when challenged on this point. “Who am I to seduce if not women who are attached elsewhere? If I sleep with someone who has expectations of a future with me, I’d be bound to disappoint them when I leave Paris to become a priest.”

She suggested once that if/ when she leaves the Fleet, I could have her spot. We were worse for wine at the time, and I confessed that I didn’t want to be a Musketeer without her. We hugged and there might have been a few tears. Athos and Porthos laughed at us.

(Yes, in case it wasn’t obvious, I have a slight crush on her, it’s fine, I’ll get over it)

 


 

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