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White-Hall
Drame en un acte et en vers

Ali Vial de Sabligny

36 pages
Librairie de L. Hachette et Cie - 1864 - France
Pièce de thêatre

Intérêt: *

 

 

 

Cette courte pièce figure dans le recueil Essais poétiques, drames et poésies fugitives de l’auteur. Elle met en scène les dernières heures du roi d’Angleterre Charles Ier, juste avant son exécution. Le roi y dialogue notamment avec son fidèle serviteur Parry, le greffier envoyé lui signifier l’arrêt de mort voté par le Parlement et Cromwell lui-même, venu lui proposer une transaction qu’il refuse.

La partie centrale du drame vient tout droit de Vingt ans après. On y voit en effet d’Herblay (c’est-à-dire Aramis) s’introduire dans le cachot, ayant pris la place du confesseur du roi. Il explique à Charles Ier comment lui et ses trois amis mousquetaires travaillent à le faire évader. Comme chez Dumas, le bourreau sera écarté, retardant l’exécution du roi, ce qui laissera le temps de le faire sortir de prison. Mais comme chez Dumas, un inconnu se présente pour remplacer le bourreau et le projet échoue.

Les références à Vingt ans après sont on ne peut plus directes. Charles Ier rend hommage nommément aux quatre mousquetaires et les remercie avec effusion de leurs efforts. La pièce est plaisante mais les vers en sont plutôt médiocres.

Merci à Mihai-Bogdan Ciuca de m’avoir signalé ce livre.

 

Extrait : scène IV

PARRY, CHARLES Ier, D'HERBLAY, le visage caché par son manteau.

CHARLES Ier.
Venez vite, Juxon, prélat que je révère,
Exercer près de moi votre saint ministère ;

(À Parry, qui pleure.)

Ne pleure pas, Parry ; c'est Dieu qui vient à nous!

D'HERBLAY, écartant son manteau.
Maintenant que je sais quel homme est avec vous,
J'écarte ces habits et puis alors vous dire
Qui je suis et pourquoi je me présente, sire !

CHARLES Ier.
Qu'entends-je? Cette voix… mais oui, je la connais,
C'est celle d'un ami qu'en ingrat j'oubliais !
Le chevalier d'Herblay ! j'avais cru reconnaitre
Votre organe déjà, lorsque, parlant en maître,
Il osa réprimer devant le Parlement
Un pauvre malheureux, qui de boue emplissant
Sa main, me la jeta sur la face.

PARRY.
Et quoi ! sire,
Une telle infamie ! Ah ! quel affreux délire !

D'HERBLAY.
C'était moi-même, sire, et ce bandit est mort.
Je ne m'en repens pas ; il méritait ce sort.

CHARLES Ier.
Je lui pardonne, hélas !

PARRY.
Moi, je crie anathème !

D'HERBLAY.
Je viens pour vous offrir, en ce moment suprême,
Un rayon d'espérance... Expliquons-nous plus bas.
Il importe beaucoup qu'on ne nous trouble pas.

CHARLES Ier.
J'ai peine à contenir l'étonnement extrême
Où vient de me jeter l'habile stratagème
Que vous avez su prendre afin de pénétrer
Jusque dans ma prison.

D'HERBLAY.
Sire, c'est se montrer
Trop bienveillant pour moi !... Le temps vole et nous presse.
Apprenez donc d'abord ce qui nous intéresse :
Il est quatre Français, depuis longtemps amis,
Qui, d'un commun accord se sont juré, promis,
De vous sauver d'ici. Pour quitter l'Angleterre
Un vaisseau vous attend, qui, loin de cette terre,
Doit vous offrir, en France, un sol hospitalier.

CHARLES Ier.
Parmi ces cœurs aimants, le vôtre est le premier.
Le comte de La Fère, à la noble et digne âme,
Se dessine après vous. Puis, la brillante lame
De monsieur d'Artagnan, le valeureux Gascon.
Enfin, en dernier lieu, votre ami du Vallon.
Mais, si le Parlement ordonne mon supplice,
Demain, sans nul retard, l'arrêt de la justice
Aura suivi son cours !

D'HERBLAY.
Dans leur aveuglement,
Qu'ils dressent de la mort le fatal instrument,
Tout n'est pas terminé ! de la coupe à la bouche
Il y a loin, dit-on. Que le soleil se couche,
Et par nous le bourreau sera bientôt séduit.
Quand le fait sera su, l'on se verra réduit
A retarder d'un jour l'action infamante
Qui jette à l'Angleterre une marque sanglante !

CHARLES Ier.
J'admets que le bourreau disparaisse aujourd'hui,
Ne voyez-vous donc pas se dresser après lui
Son aide, qui prendra certainement sa place,
Et qui, soyez-en sûr, ne me ferait pas grâce?

D'HERBLAY.
Sans doute; mais le Ciel protège évidemment
Ce que l'on fait pour vous ; blessé par accident
(Circonstance qu'hier le hasard fit connaître),
Il n'est pas en état de remplacer son maître.

CHARLES Ier.
D'ailleurs, qu'est-ce qu'un jour !

D'HERBLAY.
C'est peu, mais c'est assez.
On peut faire, en un jour, plus que vous ne pensez !

CHARLES Ier.
Le fait est que de vous il n'est rien qui m'étonne,
Et pour vous égaler, je n'ai connu personne.
Enfin apprenez-moi de quel heureux moyen
Vous comptez vous servir ; car, il ne faut qu'un rien
Pour arrêter soudain le cours de l'entreprise !

D'HERBLAY.
Notre marche, mon prince, est encor indécise.

CHARLES Ier.
Vous voulez me sauver et n'avez pas de plan ?

D'HERBLAY.
Le plus fin de nous tous (j'ai nommé d'Artagnan),
M'a dit à mon départ « Si, grâce à votre adresse,
« Près de Sa Majesté pénétrer on vous laisse,
« Vous pourrez bien lui dire, Aramis, de ma part,
« Qu'à dix heures du soir, demain, sans nul retard,
« En paix il voguera vers notre belle France. »
Et pour oser parler avec cette assurance,
C'est qu'il sait réussir.

PARRY.
Messieurs, soyez bénis
Pour ce que vous tentez, admirables amis !
Il est beau de lutter, comme dans cette affaire,
Contre la volonté d'un peuple sanguinaire !
Anglais! est-ce bien là votre beau dévouement !
Qu'en avez-vous donc fait en cet horrible instant ?
Il tremble, n'est-ce pas? II a peur, il se cache !
Nation pervertie ! ô foule ingrate et lâche !

D'HERBLAY.
Maintenant, gardez-bien ce précieux secret.
A partir d'aujourd'hui, tenez-vous toujours prêt.
J'ai foi dans nos efforts et dans l’aide céleste ;
J'ai foi dans votre étoile ; espérez, car j'atteste
Que tout est favorable ; enfin, souvenez-vous
Qu'un signe, un geste, un mot, venant de l'un de nous,
Pour tout autre que nous sans la moindre importance,
Devra vous avertir que le moment s'avance,
Que tout se trouve prêt pour votre évasion.

CHARLES Ier.
Dieu veuille, chevalier, que nulle illusion
Ne vous trouble aujourd'hui ! je crains vraiment qu'en rêve
Tout ceci ne se passe, et que soudain s'enlève,
Cet espoir de bonheur, quand viendra le réveil.

PARRY, joyeux.
Non sire, ce n'est pas un effet du sommeil !
C'est la réalité, l'espérance, la vie,
C'est une heureuse paix dans une autre patrie.

CHARLES Ier.
Je vous crois tous les deux, et je sens en mon cœur
Pénétrer à son tour votre entraînante ardeur.
Si vous réussissez, (doux espoir de mon âme !)
Vos bras conserveront un époux à sa femme,
Un père à ses enfants; je ne vous dirai pas
Un monarque à son trône ! Aperçu de si bas
II perd tout son prestige, et l'on ne tient plus guère
A reprendre un pouvoir qui fut trop éphémère!

PARRY.
Plus bas, sire ! quelqu'un s'avance par ici ;
Devant nous seulement exprimez-vous ainsi.

CHARLES Ier.
Amis, à mes gardiens il a semblé peut-être
Que ma confession, plus qu'on ne doit permettre,
S'est prolongée !... on vient!... C'est pour nous séparer !  

(D'Herblay cache son visage.)

DEUXIÈME SOLDAT, entrant.
Sire, pardonnez-moi cette façon d'entrer...
A votre intention, le Parlement dépêche
Un messager pressé.

CHARLES Ier.
Qu'il entre, rien n'empêche.

 


 

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