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Les mémoires de Porthos

Yann de l’Ecotais

358 pages
Plon - 2006 - France
Roman

Intérêt: *

 

Comme son titre l’indique clairement, ce roman se présente comme l’autobiographie de Porthos, rédigée dans la dernière partie de sa vie, et s’achevant juste avant sa disparition, à Belle-Ile. Pour l’essentiel, il s’agit d’une simple réécriture des romans de Dumas, du point de vue de Porthos.

La famille, l’enfance et la jeunesse du futur mousquetaire sont ainsi expédiées dans les quatre premières pages du livre. Puis vient immédiatement la scène de l’hôtel de Tréville, quand d’Artagnan débarque à Paris et se retrouve en quelques minutes avec sur les bras des duels avec Athos, Aramis et Porthos. A partir de là, Les mémoires de Porthos suivent fidèlement la trame des Trois mousquetaires: l’affaire des ferrets de la reine, pendant laquelle Porthos, immobilisé dans une auberge, noue les plus tendres relations avec une certaine Pauline; l’expédition de La Rochelle, qui oblige les mousquetaires à s’équiper, ce qui permet de faire la connaissance de Mme Coquenard, la procureuse, etc… Le tout jusqu’à l’exécution de Milady.

Vient ensuite un passage où la vie de Porthos entre Les trois mousquetaires et Vingt ans après est évoquée. On y assiste à son mariage avec Mme veuve Coquenard, qui lui apporte sa fortune. Porthos achète le château du Vallon.

Un développement complètement nouveau par rapport à Dumas intervient alors: la Pauline de jadis, mourante, se manifeste pour révéler à Porthos qu’il a une fille, Louise. L’ex-mousquetaire la recueille et l’élève dans son château, lui enseignant le maniement de l’épée.

Autre développement original: Porthos est recruté par Richelieu pour faire partie de son service de renseignement, le Bureau de la Partie secrète. Porthos espionne alors les seigneurs qui complotent contre le cardinal, ce qui lui vaut de jouer un rôle dans les complots de Cinq-Mars.

Le livre suit ensuite l’intrigue de Vingt ans après, racontée de façon détaillée. Puis Porthos retrouve sa vie habituelle. Sa fille Louise est à la cour, auprès de Mme de Longueville et devient la maîtresse du prince de Condé. Mme Coquenard est morte et Porthos a une nouvelle maîtresse, Hélène Ducros de Lime.

L’action enchaîne très rapidement sur celle du Vicomte de Bragelonne. Aramis vient chercher Porthos pour lui faire rencontrer Fouquet.

Porthos est chargé par Aramis de fortifier Belle-Ile, pour le compte de Fouquet. Manipulé par Aramis, il participe au complot visant à remplacer Louis XIV par son frère jumeau. Ayant finalement compris dans quoi il s’était laissé entraîner, Porthos redoute par-dessus tout le déshonneur qui résulterait pour sa fille de sa condamnation pour crime de lèse-majesté. On comprend que c’est volontairement que l’ancien mousquetaire va mourir dans les grottes de Belle-Ile. Les Mémoires s’arrêtent là.


Comme on peut le constater, la caractéristique la plus frappante de ce roman est qu’il colle d’extrêmement près aux trois livres de Dumas. Sur ses 350 pages, il n’y en a que quelques dizaines qui sortent du cadre de la trilogie. Par rapport à cette dernière, les «révélations» sur la vie de Porthos sont donc très limitées: il a une fille, il a espionné pour le compte de Richelieu…

L’essentiel de l’ouvrage consiste donc à re-raconter l’histoire des mousquetaires du point de vue de Porthos. Mais là encore, il n’y a guère de surprise. Le Porthos qui s’exprime dans ces Mémoires est très proche de celui de Dumas: bon camarade, ami indéfectible, prêt à suivre ses compagnons en toutes circonstances, même quand il ne comprend pas vraiment ce qui se passe.

Certes, le Porthos des Mémoires apparaît moins benêt que celui de Dumas. Il lui arrive de porter un regard sans complaisance sur ses amis (voir extrait ci-dessous), et de juger d’Artagnan égoïste, Aramis trop intrigant et Athos trop rigide. Mais il n’y a rien là de bien révolutionnaire dans la compréhension du personnage.

On peut apprécier la tendresse dont le mousquetaire fait preuve vis-à-vis de son épouse, la brave Mme Coquenard, et de sa fille. Et saluer l’abnégation avec laquelle il se sacrifie, à Belle-Ile, pour préserver l’avenir de cette dernière. Soulignons au passage que c’est précisément parce qu’il a imaginé que Porthos avait une fille que l’auteur du roman peut en déduire logiquement une signification complètement nouvelle à la mort de Porthos.

On ne peut donc que regretter que Yann de l’Ecotais n’ait pas davantage pris de telles libertés avec son modèle. Les mémoires de Porthos apparaît de ce fait beaucoup moins réussi que, dans le même registre, Mémoires de Monte-Cristo ou Le dernier amour d’Aramis: deux livres où les auteurs ont entrepris de combler les vides de la biographie des héros et surtout d’en approfondir considérablement la psychologie.

 Voir l'arbre généalogique de Porthos



Extrait du chapitre 47

C'est alors que nous entendîmes distinctement une voix que nous ne connaissions que trop:

- Milords, à moi, au secours! hurla Mordaunt. Ce gredin était en fer, ou plutôt en bois. Il nageait vers nous avec vigueur en nous implorant de l'aider. D'Artagnan me commanda de faire avancer notre barque et Mordaunt se retrouva à plus de vingt brasses.

- Ne m'abandonnez pas! supplia Mordaunt.

- Pour vous sauver d'ici, il n'existe qu'une porte, criai-je au jeune homme, celle de l'enfer.

- Porthos! implora Athos.

- Oh! Athos, avec votre sensibilité déplacée, vous devenez ridicule.

- Je vous en prie, je me repens, hurlait Mordaunt comme un damné. J'ai vingt-trois ans, il s'agissait de ma mère, qui n'aurait pas agi comme moi?

Une scène grotesque s'ensuivit. Mordaunt, épuisé, tentait tout pour nous apitoyer. Ce pauvre Athos se laissait gagner par sa générosité naturelle, croyant sans doute s'acquitter ainsi de l'exécution de Milady, d'Artagnan comme souvent donnait dans la littérature vengeresse, Aramis se contentant, lui, de prévenir le nageur que s'il posait une main sur le plat-bord, il la lui couperait d'un coup d'épée. Ce que voyant, lassé de cet assez mauvais théâtre, je me proposai pour plonger, étrangler Mordaunt et en finir.

Ce qui devait arriver arriva. N'y tenant plus, Athos tendit le bras à Mordaunt pour l'attirer vers la barque, l'autre fit semblant de se laisser haler hors de l'eau puis, au dernier moment, entraîna d'une violente secousse notre compagnon avec lui. Ils disparurent dans un bouillonnement.

Nous étions effondrés. Pendant une minute, nous fouillâmes en vain du regard l'étendue noire autour de nous. D'Artagnan pleurait, Aramis se tordait les mains, j'étais comme assommé, refusant l'insupportable vérité: la mort d'Athos. Le malheur était sur nous. Jamais nous ne nous en relèverions.

Et puis, à quelques brasses de la barque, un nouveau bouillonnement se produisit. Nous distinguâmes des cheveux, puis un visage ail blafard, puis le haut d'un corps. Au moment où nous comprenions qu'il s'agissait de Mordaunt, nous vîmes également qu'il avait un poignard planté dans la poitrine jusqu'à la garde. Tout d'un coup, la barque pencha d'un côté. Se rétablissant sur le plat-bord, Athos nous apparut, tremblant, l'œil éteint comme s'il revenait d'un autre monde qui l'avait vidé de sa substance.

- Athos!

Nous le saisîmes, le hissâmes dans la barque.

- Et lui? demanda notre aîné.

- Il est bien mort, regardez, il sombre!

- Bravo! dis-je en frappant l'épaule d'Athos.

- J'ai un fils, j'ai voulu vivre.

C'était une explication. Mais également une confirmation, pensai-je en jetant un coup d'œil à mes compagnons qui avaient relevé la même confession.


 

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