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Le retour d’Arsène Lupin

Maurice Leblanc
Francis de Croisset

64 pages
1920 - France
Pièce de thêatre

Intérêt: **

 

 

Cette courte pièce de théâtre en un acte constitue un hommage direct rendu à Dumas par Maurice Leblanc. Le père d’Arsène Lupin a parsemé son oeuvre de références à celui des trois mousquetaires, qu’il s’agisse du collier de la reine ou de Joseph Balsamo, présenté comme le père de la comtesse de Cagliostro, ennemie jurée d’Arène Lupin. Mais il ne s’agit, le plus souvent, que de simples allusions ou clins d’œil.

Le retour d’Arsène Lupin, en revanche, est très directement – et très ouvertement – inspiré d’un épisode précis du Comte de Monte-Cristo: l’arrivée à Paris du comte, à l’occasion d’un déjeuner chez Albert de Morcerf.

Dans la pièce de Leblanc et Croisset, nous assistons à une réunion chez Georges Chaudon-Géraud. Cet élégant jeune homme a invité quelques amis de la bonne société parisienne et leur réserve une surprise: la présence d’un homme mystérieux, le comte d’Andrésy.

Quelques mois plus tôt, ce dernier a sauvé la vie de Georges et de sa fiancée, Germaine d’Avremesnil, sur le point d’être assassinés dans un temple des environs de Calcutta. Et d’Andrésy a annoncé sa visite à Georges pour ce jour précis, six mois plus tard, à une heure un quart.

En attendant l’arrivée de ce dernier, les amis de Georges sont partagés entre l’incrédulité et la fascination. Car ce d’Andrésy est vaguement connu de tous et traîne une réputation sulfureuse: on le soupçonne parfois de n’être autre qu’Arsène Lupin lui-même! Et l’assemblée de faire un parallèle entre l’arrivée de d’Andrésy et celle de Monte-Cristo dans le roman de Dumas. Rapprochement que fait lui aussi l’homme mystérieux quand il arrive à la minute annoncée (voir extrait ci-dessous).

D’Andrésy séduit tout le monde et tout spécialement Georges. A la fin de la pièce, il se fait inviter pour la soirée chez le père de la fiancée de ce dernier. On devine que c’était là tout le but de l’opération: le père en question a en dépôt chez lui un diadème indien sans prix, dont Arsène Lupin a annoncé dans une lettre envoyée aux journaux qu’il le volerait le soir même. Le sauvetage de Georges en Inde et l’opération de séduction auront permis à Arsène Lupin de s’introduire dans la place… tout comme, chez Dumas, le sauvetage d’Albert de Morcerf permettait à Monte-Cristo d’entrer dans la bonne société parisienne.

Rédigée dans le plus pur style «Arsène Lupin» - verve et bonne humeur -, cette pièce constitue un divertissement plein de charme. L’hommage explicite à Monte-Cristo est parfaitement bien venu: Arsène Lupin joue sur le parallèle avec le héros de Dumas pour accroître encore le caractère fascinant et mystérieux de son personnage, et mieux duper ses futures victimes.

Une vraie réussite, légère et sans prétention.

Merci à Catherine Bec pour m’avoir signalé ce texte.

Extrait des scènes 3 et 4

GEORGES

Et puis quoi! C’est un être qui m’impressionne, parce que je le sens supérieur, oui, supérieur par les ressources dont il dispose, par les secrets dont il vous domine. Et, malgré tout cela, un être dont je subis le charme autoritaire; un être de séduction… oui, tu disais le mot, Brizailles: Monte-Cristo… Monte-Cristo devait produire cet effet à Albert de Morcerf.

BRIZAILLES

Fichtre! A ta place, je ne serais pas plus tranquille que ça!

FALOISE

Moi, mon avis, c’est que tu as eu le cauchemar. Et vous, Grécourt?

GRECOURT

Eh bien, moi, Messieurs j’ai un tout autre avis. J’admets Lupin, mais je ne vais pas jusqu’à croire en Monte-Cristo. Avoue que tu as eu là une réminiscence, mon cher Georges. Tu n’as pas lu Monte-Cristo, ces jours-ci?

GEORGES

Tu plaisantes! Pourquoi?

GRECOURT

Parce que la situation est la même. Tu n’as pas Monte-Cristo ici?

GEORGES

Si (indiquant un rayon à la bibliothèque). J’adore Dumas!

GRECOURT

Eh bien! attends mon vieux (tout en cherchant le livre). Tome III. Albert de Morcerf, fait prisonnier à Rome par des bandits italiens, est mystérieusement sauvé par Monte-Cristo, comme toi par d’Andrésy, comme toi aussi, Morcerf donne rendez-vous à Monte-Cristo chez lui, pour déjeuner à dix heures et demie.

BRIZAILLES

Un peu tôt!

GRECOURT

Comme Morcerf, tu convies à ce déjeuner un dandy, quelques boulevardiers.

BRIZAILLES, désignant Grécourt.

Un homme de lettres à la mode.

GRECOURT

Et comme Morcerf… mais tenez, je lis:

« Raillez, raillez tant que vous voulez, Messieurs, dit Morcerf, un peu piqué. Quand je vous regarde, vous autres, Parisiens, habitués du Boulevard, promeneurs du Bois de Boulogne, et que je me rappelle cet homme, eh bien, il me semble que nous ne sommes pas de la même espèce.
« Je m’en flatte! dit Beauchamp ou Brizailles.
« Toujours est-il, ajoute Château-Renaud ou Faloise, que votre comte de Monte-Cristo est un galant homme dans ses moments perdus, sauf toutefois ses petits arrangements avec les bandits italiens.
« Eh! il n’y a pas de bandits italiens, dit Debray ou Grécourt.
« Pas de Monte-Cristo, ajouta Beauchamp.
« Tenez cher ami, voilà dix heures et demie qui sonnent. Avouez que vous avez eu le cauchemar et allons déjeuner, dit Beauchamp.
« Mais la vibration de la pendule ne s’était pas encore éteinte, lorsque la porte s’ouvrit et que Germain annonça: Son Excellence… »

BERTAUT, entrant.

Monsieur le comte d’Andrésy!

(Mouvement. Tout le monde se lève.)

D’ANDRESY

Mon cher Georges, je crois être exact. Je vous ai donné rendez-vous, il y a six mois, pour le 1er mars, à une heure un quart… et, regardez, il est une heure un quart… Avouez que vous me prenez pour Monte-Cristo!


 

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