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Les mystères du nouveau Paris

Fortuné du Boisgobey

423 pages
1876 - France
Roman

Intérêt: **

 

 

Très peu connu, ce roman figure dans le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France sans mention de date. Le site Internet consacré aux romans d’aventures par Matthieu Letourneux le date de 1876. L’exemplaire en notre possession est une traduction anglaise datée de 1888.

Les mystères du nouveau Paris raconte les aventures de Marcel Robinier. L’histoire commence quand celui-ci revient en France après de longues années d’exil aux Etats-Unis. Là-bas, au terme de multiples épreuves et de luttes incessantes, il a découvert une mine d’or qui l’a rendu richissime. Il revient donc à Paris sous l’apparence d’un millionnaire américain, sous un nom d’emprunt: Marcel Caradoc de Colorado (!). Son objectif: retrouver les différentes personnes responsables de la ruine et de la mort dans la misère de son père, intervenue pendant son exil américain. La police française, en la personne de l’inspecteur Chambras, enquête pour son compte. Le père de Marcel a été victime d’une succession de malheurs : ruiné par un banquier escroc, dévalisé par un caissier malhonnête, jeté dans la dernière misère en étant licencié injustement par l’employeur qui l’avait pris à son service après la ruine de ses propres affaires. Marcel arrive donc à Paris avec l’intention d’exercer une vengeance impitoyable.

A son arrivée, il confie quelques millions au baron de Gondo, le banquier le plus en vue de la capitale, s’inscrit dans le club le plus huppé de Paris et fait très forte impression.

Il retrouve vite la trace de certaines personnes de l’entourage de son père Intervenant pour sauver une jeune ouvrière agressée par des voyous, il découvre que celle-ci est fiancée à un certain Savinien Brévan, fils du seul ami qui ait soutenu son père jusqu’au bout et qui est mort depuis. Il prend alors les deux jeunes gens sous sa protection.

Chambras lui permet de retrouver la famille de l’industriel qui a licencié son père et qui, lui aussi, est mort. Sa veuve, madame Dortis, a deux filles et un fils. Marcel les approche, bien décidé à se venger d’eux, mais est très vite ébranlé dans sa détermination. D’une part parce qu’il apparaît que son père a été renvoyé par un contremaître haineux, sans que les Dortis soient informés; et d’autre part parce qu’il tombe très vite sous le charme d’une des filles de la famille…

De nombreuses péripéties se succèdent alors. Marcel fait engager son protégé Savinien chez le baron de Gondo; celui-ci aimerait faire épouser sa fille par le milliardaire californien; un rival américain de Marcel débarque, décidé à se venger de lui; des vols interviennent dans la caisse de Gondo et Savinien est accusé; Marcel est enlevé par des criminels qui veulent le rançonner, etc…

Petit à petit, il apparaît que tous les personnages que Marcel a rencontrés en arrivant à Paris étaient en fait impliqués dans les malheurs de son père. Et en particulier le baron de Gondo, qui n’est autre que le banquier qui a ruiné ce denier et qui est revenu à Paris des années plus tard, sous un nouveau nom. Au bout du compte, les méchants sont punis et Marcel peut épouser la belle Claire Dortis et assurer le bonheur de Savinien et de sa femme.

 

Comme le montre ce résumé rapide, l’intrigue s’inspire très fortement du Comte de Monte-Cristo, tout du moins dans sa composante «vengeance». Il y a certes dissociation du héros de Dumas: c’est le père de Marcel qui est victime de trahison comme Edmond Dantès, et le fils assume le devoir de vengeance.

Mais ce dernier procède bien comme Monte-Cristo. Il récompense les bons – Savinien en l’occurrence – et traque les méchants. Le sort du baron de Gondo est éclairant: il découvre successivement que c’est son propre fils qui vole sa caisse et que sa femme est bigame. Il se ruine enfin dans une spéculation malheureuse… Autant d’éléments qui évoquent directement les malheurs de Villefort et du baron Danglars dans Monte-Cristo. Jusqu’à sa fille qui s’enfuit pour devenir chanteuse, comme Eugénie Danglars! La façon dont Marcel découvre progressivement que la vengeance n’est pas aussi simple qu’il le croyait, et que certaines personnes qu’il poursuit de sa haine ne la méritent en fait nullement rappelle également l’évolution d’Edmond Dantès.

Si les similitudes sont fortes, le livre est loin d’être une copie conforme de celui de Dumas. Marcel, en particulier, n’a rien du caractère d’acier du comte de Monte-Cristo. Et s’il est richissime, il est loin d’être tout puissant. Il passe ainsi une partie du livre prisonnier de brigands. Et c’est l’aide du remarquable policier qu’est Chambras qui lui permet de parvenir à ses fins.

En tant que «remake» de Monte-Cristo, le livre n’est donc qu’une demi réussite. Mais cela ne doit pas faire oublier l’essentiel: Les mystères du nouveau Paris est un remarquable ouvrage dans la série des mystères urbains illustrée par Les mystères de Paris d’Eugène Sue. A cet égard, le livre fait d’ailleurs autant penser aux Mohicans de Paris de Dumas qu’au Comte de Monte-Cristo.

Très bien écrit – y compris lu à travers une traduction en anglais!- le roman promène le lecteur dans tous les cercles de la société parisienne de son époque. On passe d’une scène d’exécution capitale à une soirée à l’Opéra, d’une visite à l’hôpital à une réunion de club, de l’appartement d’une demi-mondaine à une visite du Mont de Piété ou de la morgue. Riches et vivantes, les descriptions sont très soignées. Et il en va de même des personnages, issus de toutes les couches de la société: milieux financiers, pègre, mondains, etc…

Un autre intérêt du livre tient à sa dimension policière. Chambras est un policier de premier ordre, enquêteur de génie avec un petit côté sentimental qui en fait un personnage attachant. De quoi nous rappeler que Fortuné de Boisgobey est considéré comme un des ancêtres du roman policier.

 

Extrait de la 2ème partie The missing millionaire, chapitre 17

"That's all very well, but unfortunately it appears he's not the only one who's gone" (said Chambras to M. de Colorado).

"You're referring to Baron de Gondo?"

"Yes. We were informed at the Prefecture that he had made a bolt of it, leaving enormous liabilities. I was very much annoyed to hear it, for I knew you had money with him, and, however rich one may be, a loss of a few millions can't but be unpleasant."

"I've got my mine in California still,'' said Marcel coolly; "and fortunately I drew from the baron a short time ago three hundred thousand francs, of which I haven't spent a third. So I've plenty to go on with till I hear from San Francisco."

"I'm delighted to see that you bear your loss so philosophically," said Chambras ; "it encourages me to tell you something that I've not had time to inform you of up to the present."

"Some more bad news?"

"Not exactly, since the principal agent in Paul Robinier's ruin has been punished for his misdeeds, but no doubt you would sooner have undertaken that punishment yourself."

"Explain yourself, please."

"Well, the so-called Baron de Gondo's real name is Solomon Carpatz."

"Impossible!"

"It's true. I learnt this by chance last Friday when I went to his office to clear up the matter of the theft of which Savinien Brévan was accused, and you know by now that I was perfectly successful, as I discovered the thief, who was none other than young Gondo himself. Since then we have undertaken a search at the Prefecture which has put us in possession of the whole of the facts of the rascal's past history. We set the telegraph in motion, and learnt that twenty years ago, after his first failure, Solomon Carpatz fled to his native country, to Jassy, in Moldavia, where he became engaged in a very profitable business. Soon after that he went to Constantinople, where he quickly made a large fortune by robbing the Turkish government — which is not difficult to rob. There he changed his name, had himself made a baron, and married for the second time, for he was a widower and had two children, a son and a daughter, whom you know well. He returned to Paris seven years ago and took his proper place among the princes of finance."

"And his past life did not rise up against him! There was no one to throw it in his face, or at least to inquire how he had come by the millions which he made such a brave show of!"

"You don't know Paris. The tide of forgetfulness rises here more rapidly than on the sands of Mont Saint-Michel. In order to do away with the remembrance of the meanest actions, the most glaring misconduct, a man has only to leave the country. Sometimes it suffices him to change his neighbourhood. And when he returns wealthy, no one bothers to inquire how he has become so. A man robs his most intimate friends, ruins hundreds of dupes, and disappears. Ten years pass. The same man returns to this city where no one has any memory and enters a different set. He has risen in rank. He used to be a little money-lender, behold him now a financier of standing. He gives parties, and sometimes it happens that he invites to them those whom he previously ruined."

"You are right," muttered Marcel. "I had seen this wretch in my childhood, and, on meeting him again, it never occurred to me that his vulture's face was known to me. But — the police. How comes it that they are so forgetful?"

"The police have a good deal to do, my dear sir," said Chambras, smiling; "and if they troubled about raking up the past they would run the risk of neglecting the future. There is the daily task, what one might call the current crime, which absorbs all their time. Do you know that in Paris alone we arrest thirty-six thousand persons every year — about a hundred a day. That takes up some time, I can assure you. So we only look back when an old offender turns up by chance or when we have a complaint."


 

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