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La cabale des Muses

Gérard Hubert-Richou

394 pages
Pygmalion - 2011 - France
Policier - Roman

Intérêt: *

 

 

Ce livre du prolifique Gérard Hubert-Richou est un roman policier historique centré sur le commissaire Géraud Lebayle, membre de la police de Louis XIV dirigée par La Reynie. Lebayle se voit confier au début du récit une enquête délicate: il s’agit d’éclaircir les circonstances de la mort de d’Artagnan, tué en ce mois de juin 1673 lors de la prise de Maëstricht aux Pays-Bas. Une mort suffisamment mystérieuse pour que le roi lui-même, très attaché à d’Artagnan, veuille absolument connaître la vérité.

Arrivé sur place, l’enquêteur constate vite que le mousquetaire a été tué lors d’un assaut lancé de façon irresponsable par un autre chef militaire, et auquel il ne s’est joint que pour tenter de limiter les dégâts. Surtout, le policier découvre que d’Artagnan a été victime d’un coup de feu tiré par derrière.

De retour à Paris, Labayle est envoyé en mission en province auprès de la veuve de d’Artagnan qui cherche à le faire assassiner. Il s’intéresse ensuite aux agissements d’un bien étrange Hollandais, savant, philosophe et directeur d’école, qui semble comploter. Petit à petit, Lebayle met à jour un vaste complot qui associe les Hollandais, une partie de la noblesse normande en révolte contre Louis XIV, et le chevalier de Rohan, ancien ami du roi désormais disgracié: il s’agit de capturer le Dauphin, jeune chasseur intrépide et écervelé, lors d’une de ses chasses en Normandie, et d’en faire un otage pour obliger Louis XIV à composer. Lebayle et ses amis font échouer le complot.

Très bien écrit, bien mené, le roman se lit avec plaisir. Appuyé sur des mémoires de l’époque, il utilise de nombreux personnages et événements réels, agencés avec habileté. Le d’Artagnan en cause est d’ailleurs beaucoup plus le personnage historique que celui de Dumas. Tout ce qui le concerne n’en constitue pas moins un bel hommage au héros, sa réputation de grand soldat, d’homme aussi intègre que courageux. Et l’idée de bâtir un roman sur le mystère de la mort de d’Artagnan est excellente.

Malheureusement, cet aspect de l’intrigue se dilue au fur et à mesure de l’avancée du récit. Il est certes suggéré que tous les événements sont liés et que le héros a été assassiné préventivement par les comploteurs qui redoutaient sa capacité à faire échouer leurs projets. Mais les circonstances exactes de sa mort ne sont jamais complètement éclaircies, et il n’en est plus du tout question dans la deuxième moitié du récit. Plus globalement le roman souffre d’être un peu décousu. Mais personnages, décors et mœurs de l’époque sont fort bien rendus.

 

Extrait du chapitre trois

L’agent de La Reynie sortit très impressionné de l’entrevue avec le roi. Il s’attendait - à la suite des échos qu’il avait glanés - à un cérémonial magistral et écrasant, une étiquette stricte, atténuée cependant par les conditions spartiates d’une campagne en terre étrangère. Il n’en fut rien.

La «chambre de bois» royale offrait l’apparence d’un petit palais pour le confort, sans toutefois les ors, les décorations et les lambris d’un château de pierre. On y accédait par «une manière de grand portique servant d’antichambre dont la première partie était le cabinet du roi». L’état-major se substituait aux courtisans. L’accueil fut solennel mais sans rigidité excessive.

Dès son entrée, Géraud avait été happé et captivé par la rayonnante personnalité du souverain, assis dans un large fauteuil placé sur une courte estrade recouverte de tapis.

- Géraud Lebayle, approchez, enjoignit le roi d’une voix pondérée, en rendant à son aide de camp la lettre d’introduction qui lui avait été remise. Monsieur de La Reynie nous délègue donc, sur notre demande, son meilleur agent car nous avons à régler une affaire particulière et fort délicate . . .

- Je suis aux ordres de Votre Majesté.

La distinction du visage sous l’abondante perruque, l’empire du regard sombre, la régularité des traits, l’autorité du nez droit et la fine moustache auraient impressionné le gaillard le plus endurci.

- Nous venons de perdre notre capitaine de la première compagnie de mousquetaires. D’Artagnan était un grand serviteur de l’Êtat, aussi efficace qu’intègre, aussi scrupuleux qu’excellent stratège. Et cela depuis des décennies. Nous le tenions en très haute estime. Sa disparition est une perte considérable pour le royaume.

Une émotion sincère transparaissait sous l’intonation qui se voulait ferme et autoritaire. Par respect, Lebayle ne sut qu’incliner la tête.

- Les étranges circonstances dans lesquelles se sont enchaînés les sinistres événements du 25 de juin dernier nous incitent à réfuter la malchance, à refuser un mauvais coup du destin et les simples aléas de la guerre. Nous voulons connaître la vérité quelle qu’elle se révèle être.

Les lèvres du roi se pincèrent sur les derniers mots. Sa main gauche un peu fébrile rajusta son jabot de dentelle du Puy sur son armure damasquinée d’un noir étincelant, barrée d’un baudrier gris. Se tendant, sa jambe droite gainée de rouge découvrit un galbe parfait. Il redressa son buste, fixa à nouveau son jeune interlocuteur.

- C’est pourquoi j’ai mandé au lieutenant de police de m’adresser un enquêteur sagace qui, sans contact avec les gens du siège, ne risquait pas d’avoir des a priori ni de subir des influences. Un blanc-seing vous sera délivré. Il vous permettra une totale liberté de manœuvre afin de vous rendre où bon vous semblera et auprès de qui vous jugerez bon. Prenez le temps nécessaire. Nous voulons un rapport sans ombres ni concessions.


 

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