The stars my destination Terminus les étoiles (Denoel)
Alfred Bester
260 pages 1956 - États-Unis SF, Fantasy - Roman
Intérêt: ***
Ce grand classique de la science-fiction constitue une
des plus intéressantes variations qui soient sur le
thème de Monte-Cristo. L'histoire se passe au 25ème
siècle. Le système solaire est entièrement colonisé par
l'homme, qui a par
ailleurs maîtrisé la technique de la téléportation (le
"jaunting"). Cette faculté de se déplacer instantanément
d'un lieu à un autre par le seul exercice de la pensée
(une capacité qui ne s'étend pas au voyage spatial,
cependant) a évidemment transformé l'organisation
sociale et les modes de vie.
Le héros du livre, Gully Foyle, est simple matelot à
bord d'un vaisseau spatial, le Nomad. Ce dernier est
quasiment détruit dans un accident. Foyle survit par
miracle, dans des conditions épouvantables. Pendant 170
jours, il dérive dans l'espace interplanétaire, enfermé
dans un caisson étanche, au bord de la folie. Et pendant
cette épreuve, un autre vaisseau, le Vorga, s'approche
de l'épave et, bien qu'ayant vu les signaux de détresse
de Foyle, repart sans le secourir.
Foyle est un être frustre, borné, haineux, mais doté
d'une volonté de vivre exceptionnelle. Le passage du
Vorga lui donne l'énergie pour trouver le moyen de s'en
sortir et retrouver la civilisation. Dès lors, il n'a
plus qu'un but dans l'existence: se venger de ceux qui
l'ont laissé dériver dans l'espace.
Les capacités intellectuelles de Foyle sont tellement
limitées que sa première tentative consiste à se venger
de la fusée Vorga elle-même en la faisant sauter.
Aussitôt arrêté, Foyle est envoyé dans la prison du
gouffre Martel, sous les Pyrénées: isolement total dans
le noir absolu...
Une particularité sonore des cavernes lui permet
cependant de discuter à distance avec une autre
prisonnière, Jiz, qui, petit à petit, le forme,
l'éduque, l'incite à construire sa vengeance en visant
non pas le vaisseau Vorga mais ses commanditaires.
Le couple parvient à s'échapper. Foyle apprend que le
Nomad transportait une somme gigantesque d'argent
liquide. Il retrouve l'épave et s'approprie le trésor.
Il assume alors l'identité d'un richissime étranger
extravagant pour mener à bien sa vengeance contre le
magnat propriétaire du Vorga. Une entreprise pendant
laquelle aucun scrupule ne l'arrêtera: Foyle ira jusqu'à
trahir sans hésitation ses plus proches amis.
L'intrigue, de plus en plus complexe, mêle alors
différents grands thèmes typiques de la science-fiction:
guerre interplanétaire, découverte d'un "super pouvoir"
capable de transformer le monde, etc.. Le tout sur fond
de société décadente et d'affrontement impitoyable entre
intérêts financiers, politiques et diplomatiques.
Et de la brute épaisse qu'était Foyle au début émerge
progressivement un personnage à l'envergure
exceptionnelle, dont l'influence s'étendra sur l'univers
entier.
Directement inspiré de Monte-Cristo, le livre
met en scène des variantes intéressantes par rapport au
roman de Dumas. L'emprisonnement au château d'If est ici
décomposé en deux périodes: la dérive dans l'épave de la
fusée, qui donne à Foyle le besoin de se venger; le
séjour en prison qui lui permet, grâce à Jiz, de se
former et d'ouvrir son intelligence.
Le trésor est, lui aussi, dédoublé: un trésor financier
et - c'est la révélation finale - un trésor "humain",
sous forme de super pouvoir appelé à révolutionner la
civilisation.
Détail frappant: ces deux "trésors", Goyle les avaient
avec lui/en lui dès le début, sans le savoir - l'argent
était caché dans la fusée-épave, le pouvoir était caché
dans son cerveau...
La transformation de Foyle au long du roman est encore
plus spectaculaire que celle d'Edmond Dantès, puisque le
demeuré haineux et sans scrupule devient un
quasi-surhomme. Mais comme pour le héros de Dumas, cette
renaissance se termine dans le remords et le désir
d'expiation: le héros doit payer le prix de sa toute
puissance.
Complexe, ce roman de Bester, généralement considéré
comme un chef d'oeuvre de la science-fiction classique,
est un des meilleurs exemples de l'influence de Dumas
sur cette littérature populaire typique de la deuxième
moitié du XXème siècle, dont on retrouve bien d'autres
exemples sur ce site.
Extrait du chapitre 5
Her name was Jisbella McQueen. She was hot-tempered,
independent, intelligent, and she was serving five years
of cure in Gouffre Martel for larceny. Jisbella gave
Foyle a cheerfully furious account of her revolt against
society.
'You don't know what jaunting's done to women, Gully.
It's locked us up, sent us back to the seraglio.'
'What's seraglio, girl?'
'A harem. A place where women are kept on ice. After a
thousand years of civilization (it says here) we're
still property. Jaunting's such a danger to our virtue,
our value, our mint condition, that we're locked up like
gold plate in a safe. There's nothing for us to do ...
nothing respectable. No jobs. No careers. There's no
getting out, Gully, unless you bust out and smash all
the rules.'
'Did you have to, Jiz?'
'I had to be independent, Gully. I had to live my own
life, and that's the only way society would let me. So I
ran away from home and turned crook.' And Jiz went on to
describe the lurid details of her revolt: the Temper
Racket, the Cataract Racket, the Honeymoon and Obituary
Robs, the Badger Jaunte, and the Glim-Drop.
Foyle told her about Nomad and Vorga, his hatred and his
plans. He did not tell Jisbella about his face or the
twenty millions in platinum bullion waiting out in the
asteroids.
'What happened to Nomad?' Jisbella asked. 'Was it like
that man, Dagenham, said? Was she blasted by an O.S.
raider?'
'I don't know, me. Can't remember, girl.'
'The blast probably wiped out your memory. Shock. And
being marooned for six months didn't help. Did you
notice anything worth salvaging from Nomad?'
'No.'
'Did Dagenham mention anything?'
'No,' Foyle lied.
'Then he must have another reason for hounding you into
Gouffre Martel. There must be something else he wants
from Nomad.'
'Yeah, Jiz.'
'But you were a fool trying to blow up Vorga like that.
You're like a wild beast trying to punish the trap that
injured it. Steel isn't alive. It doesn't think. You
can't punish Vorga.'
'Don't know what you mean, girl. Vorga passed me by.'
'You punish the brain, Gully. The brain that sets the
trap. Find out who was aboard Vorga. Find out who gave
the order to pass you by. Punish him.'
'Yeah. How?'
'Learn to think, Gully. The head that could figure out
how to get Nomad under way and how to put a bomb
together ought to be able to figure that out. But no
more bombs; brains instead. Locate a member of Vorga's
crew. He'll tell you who was aboard. Track them down.
Find out who gave the order. Then punish him. But it'll
take time, Gully... time and money; more than you've
got.'
'I got a whole life, me.'
They murmured for hours across the Whisper Line, their
voices sounding small yet close to the ear. There was
only one particular spot in each cell where the other
could be heard, which was why so much time had passed
before they discovered the miracle. But now they made up
for lost time. And Jisbella educated Foyle.
'If we ever break out of Gouffre Martel, Gully, it'll
have to be together, and I'm not trusting myself to an
illiterate partner.'
'Who's illiterate?'
'You are,' Jisbella answered firmly. 'I have to talk
gutter a you half the time, me.'
'I can read and write.'
'And that's about all ... which means that outside of
brute strength you'll be useless.'
'Talk sense, you,' he said angrily.
'I am talking sense, me. What's the use of the strongest
chisel in the world if it doesn't have an edge? We've
got to sharpen your wits, Gully. Got to educate you,
man, is all.'
He submitted. He realized she was right. He would need
training not only for the bust-out but for the search
for Vorga as well. Jisbella was the daughter of an
architect and had received an education. This she
drilled into Foyle, leavened with the cynical experience
of five years in the underworld. Occasionally he
rebelled against the hard work, and then there would be
whispered quarrels, but in the end he would apologize
and submit again. And sometimes Jisbella would tire of
teaching, and then they would ramble on, sharing dreams
in the dark.
'I think we're falling in love, Gully.'
'I think so too, Jiz.'
'I'm an old hag, Gully. A hundred and five years old.
What are you like?'
'Awful.'
'How awful?'
'My face.'
'You make yourself sound romantic. Is it one of those
exciting scars that make a man attractive?'
'You'll see when we meet, us. That's wrong, isn't it,
Jiz? Just plain: When we meet. Period.'
'Good boy'.
'We will meet some day, won't we, Jiz?'
'Soon, I hope, Gully.' Jisbella's faraway voice became
crisp and businesslike. 'But we've got to stop hoping
and get down to work. We've got to plan and prepare.'
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