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Adamas maître du jeu

Laurent Ladouari

622 pages
2014 - France
SF, Fantasy - Roman

Intérêt: *

 

 

Premier volume d’une trilogie, Adamas maître du jeu se situe dans un avenir pas très lointain mais bien différent du monde que nous connaissons. Une guerre terrifiante a semble-t-il détruit l’essentiel de l’Asie. En France, la Capitale (Paris bien entendu) prospère et concentre tycoons et multinationales, protégée par un régime semi dictatorial. Une muraille high-tech isole la ville de sa banlieue nord, la Zone, où sont concentrées des populations immigrées venues d’un peu partout. Des contrôles rigoureux permettent aux plus chanceux de venir travailler dans la capitale.

La trame principale de cet épais roman tourne autour d’un raid boursier. Adamas, homme d’affaires aussi richissime que puissant et mystérieux, prend le contrôle de 1T, une entreprise de haute technologie jadis prestigieuse mais tombée en pleine déconfiture.

Le milliardaire, qui vit en reclus et dont personne ne semble comprendre les motivations, demande à tous les salariés de 1T de plonger dans un « Cosplay » : un jeu de rôle virtuel en réseau où tous adoptent des personnalités d’emprunt. Sous couvert de cet anonymat, ils débattent conjointement de l’avenir du groupe : quelle stratégie adopter, qui promouvoir ou licencier, quels salaires verser, etc. Un processus de destruction/création qui, après le chaos initial et les règlements de compte, lance une transformation radicale de 1T.

Un élément essentiel du livre tient à sa galerie de personnages : tycoons, journalistes financiers, hommes de pouvoir, des milieux dont on sent que l’auteur a une connaissance de l’intérieur. Les extravagants « Nonpareils », jeunes gens aux capacités surprenantes issus d’une école très particulière créée par Adamas jouent un rôle central. Aussi fantaisistes que déterminés, ils constituent la garde rapprochée du milliardaire et pilotent l’opération 1T. Complètement différente, Katie Dûma est une jeune fille de la Zone, apparemment ordinaire, mais que son embauche chez 1T juste au moment de la prise de contrôle amène à jouer un rôle crucial dans le Cosplay.

Véritable « page turner » à l’anglo-saxonne, Adamas se singularise par ses innombrables références culturelles : du jeu vidéo aux feuilletons du XIXème siècle, de la science-fiction à la culture japonaise – et même une connaissance fine du monde de l’entreprise très éloignée des clichés et caricatures que l’on trouve trop souvent dans la BD ou au cinéma.

Et Dumas dans tout cela ? Pas de reprise directe des Trois mousquetaires dans Adamas ni de pastiche de Monte-Cristo, certes, mais notre auteur préféré est malgré tout très présent, et pas seulement par son influence déterminante sur le genre du roman-feuilleton qui imprègne cette œuvre. Dumas est cité de nombreuses fois. C’est l’auteur favori de plusieurs personnages clés : le mystérieux Adamas, pas moins, que l’on voit relire Vingt ans après, ou encore Katie Dûma. Le rapprochement entre le nom de famille de celle-ci et celui de l’écrivain est d’ailleurs fait, suggérant un lien possible. Quand Katie doit choisir un personnage pour jouer dans le Cosplay, elle devient Athos (voir extrait ci-dessous). Et quand elle prend une initiative radicale dans le déroulement du jeu, il s’agit « d’une idée folle, une idée audacieuse, une idée de mousquetaire ». L’esprit d’Alexandre Dumas imprègne donc Adamas maître du jeu, même si les liens tangibles demeurent ténus. C’est d’ailleurs ce qui explique que le livre n’obtienne qu’une étoile dans la perspective très particulière de pastichesdumas.com : le roman est véritablement excellent et en mérite, en soi, deux ou trois.

Le deuxième volume de la série, L’or des Malatesta, très bon lui aussi, approfondit considérablement l’univers esquissé dans le premier. Les références dumasiennes y sont en revanche moins nombreuses et ne justifient pas un traitement séparé. Le troisième et dernier volume, à paraître, devrait au contraire, selon l’auteur, être beaucoup plus directement ancré dans l’univers de Dumas.

Extrait de la 1ère partie L’incendie, chapitre Athos

Une voix caverneuse s’éleva du grimoire, maugréant comme si Katie l’avait dérangée dans son sommeil.

— Cosplayeur, choisis bien ton costume! Ton déguisement est un mensonge qui doit dire la vérité !

Katie tournait les pages à toute vitesse, les noms défilaient devant ses yeux. Les personnages de la littérature abondaient, avec une prédilection pour certains auteurs, sans doute les préférés des concepteurs du jeu. Verne, Hugo, Balzac et, bien entendu, Alexandre Dumas apparaissaient au même titre que leurs héros, les plus célèbres. Le jeu abolissait la frontière entre l’histoire et le mythe. D’irrévérencieuses périphrases accompagnaient leurs portraits. Alexandre le Grand était un « roi du monde, parasol pour sans-abri », et Achille un « demi-dieu colérique, amateur d’armes transformiste ». Katie sourit à l’allusion. Le Cosplay l’invitait à revêtir avec dérision les oripeaux de la démesure. Elle consultait maintenant le grimoire avec quelque chose qui ressemblait à de la coquetterie.

— Alors comment vais-je m’habiller... Cléopâtre? Ulysse ?...

(…)

Sa conversation avec Paul Hetzel lui revint à l’esprit et elle sourit enfin à une idée. Elle fit tourner les pages du grimoire jusqu’à la lettre «A». Elle arriva rapidement à l’entrée qu’elle cherchait : Athos. Elle retrouvait ce nom comme on retrouve le visage d’un ami cher. Elle caressa son image sur le vélin et le nom éclata en lettres de feu. Le grimoire lui parla encore de sa voix d’outre-tombe.

— Tu veux donc être Athos ?

— Oui ! répondit Katie avec détermination, parlant un peu trop fort dans le micro de son casque.

— Alors va, Athos, sois digne de ce personnage illustre, le plus noble des mousquetaires, trois jours durant !

Le grimoire se referma d’un coup sec dans un halo de poussière dorée. L’effigie d’Athos dégringola du monceau de chiffons et se dressa devant Katie, éclairée par la lumière des projecteurs, puis alla se planter devant la psyché : c’était un élégant costume de velours sombre, avec de larges bottes à revers, des gants de cuir et une casaque marquée d’une croix, terminée par un col en dentelle.

Katie s’approcha du mannequin pour l’observer de près. Quand elle fut à un pas, celui-ci fondit sur elle et disparut dans un scintillement. Mais son corps à elle était apparu dans la psyché : les gants de cuir recouvraient ses mains, ils se pliaient à sa demande grâce aux embouts de céramique qu’elle sentait au bout de ses doigts. Dans le miroir, le visage au-dessus du costume était bien le sien! Le reflet reproduisait à l’identique les grimaces de plaisir qu’elle faisait derrière son masque. Quelques gestes infimes suffisaient à déplacer le pantin, qui semblait capable de tous les mouvements.

Au bout de quelques secondes, Katie faisait tourner le mousquetaire dans une joyeuse valse solitaire.

— C’est prodigieux ! jubila Katie.

 


 

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