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Les aventures fabuleuses d’Anselme Levasseur

Claude Klotz

240 pages
JCLattès - 1976 - France
Humour - Roman

Intérêt: **

 

 

 

Ce roman humoristique est constitué d’une série de pastiches littéraires. Il commence par un prologue d’une vingtaine de pages. On y découvre Anselme Levasseur, pitoyable employé de bureau menant une vie désespérément vide sans famille ni amis ni loisirs, avec comme unique échappée les cinq romans qu’il possède et qu’il relit sans cesse depuis des années. Un beau jour, dans son HLM, Levasseur vient en aide à une coccinelle en détresse qui se révèle être une fée (!). Dans la grande tradition, elle lui offre, en récompense, de lui exaucer cinq vœux. Une seule demande lui vient à l’esprit : vivre successivement à l’intérieur de ses cinq livres de chevet.

Cet artifice littéraire ainsi posé, on assiste ensuite en cinq chapitres aux aventures de ce héros très ordinaire dans les mondes des Trois mousquetaires, d’un roman noir à la Chandler, des Malheurs de Sophie, de Dostoïevski et de Tarzan.

Pour son premier vœu, Levasseur se retrouve à Paris en 1627. Il y fait très vite la connaissance des quatre mousquetaires. Mais pour sa plus grande consternation, ces hommes ne ressemblent guère aux héros de son live. Ils sont lâches, malhonnêtes, intrigants. Ils lui expliquent d’amblée comment ils comptent se renflouer en volant eux-mêmes les ferrets de la reine et en se faisant payer par elle pour les retrouver (voir extrait ci-dessous) !

Amoureux fou de la reine, Anselme décide de se retourner contre les mousquetaires qui l’ont tant déçu et de récupérer les ferrets pour les lui rendre. Une poursuite s’ensuit vers Armentières où les mousquetaires ont caché les bijoux. Au bout du compte, Anselme finira par éliminer les quatre mousquetaires, tous plus ignobles les uns que les autres.

 

Ce pastiche – écrit, donc, dans le style de Dumas – est savoureux. L’effet comique provoqué par le « retournement » de l’image des mousquetaires héroïques et liés par une indéfectible amitié fonctionne parfaitement (on voit même les trois mousquetaires tenter de trahir d’Artagnan parce que « notre part sera toujours plus grande si, au lieu de la découper en quatre, elle n’est divisée qu’en trois » !). La lecture des Aventures fabuleuses d’Anselme Levasseur est d’autant plus recommandée que les autres chapitres sont tout aussi réussis, avec en particulier une version croquignolesque des Malheurs de Sophie et un pastiche frénétique de Dostoïevski.

Merci à Joël Garnaud de m’avoir signalé ce livre.

 

Extrait du chapitre 1

— Ce n'est pas tout ça, dit Athos, mais que devient notre affaire ?

D'Artagnan regarda Anselme.

— Monsieur, vous avez honnête visage et, comme tous les militaires, je me pique de psychologie ; aussi, si ces messieurs sont d'accord, je vais vous mettre dans la confidence.

— Tous pour un, un pour tous, s'exclamèrent ensemble Athos, Porthos et Aramis.

Anselme s'inclina.

— Voilà, poursuivit d'Artagnan, vous n'ignorez pas que notre solde à tous est fort maigre ; aussi, pour arrondir notre magot, nous avons trouvé une combine qui, sandious, si elle réussit, va remplir notre bourse d'une belle quantité de pistoles. Vas-y Aramis, toi qui causes bien.

Depuis leur arrivée, Aramis ne quittait pas Anselme des yeux ; il approcha sa chaise de ce dernier et sa cuisse frotta contre celle de Levasseur.

— Arrête ce manège, Chevalier, dit Athos d'une voix altérée.

Porthos se mit à rire.

— Ne faites pas attention, Messire Anselme, l'ami Athos est jaloux comme un tigre.

Anselme, abasourdi, s'écarta et d'Artagnan éternua à nouveau.

— Ma camomille, dit-il, faites-moi chauffer ma camomille.

Tandis que Porthos se levait, Aramis rejeta en arrière ses longs cheveux bouclés et commença d'une voix affûtée.

— C'est simple, on pique les ferrets à la Reine, on prévient le Roi qu'elle les a donnés à Buckingham, elle s'affole et elle vient nous chercher pour la sortir du pétrin. Nous, on dit qu'on va essayer de les retrouver mais que ça va coûter cher. Elle nous donne de l'argent et on les lui rapporte. On reçoit une récompense et on a sa reconnaissance éternelle.

Il effleura ses longs cils de ses doigts effilés pour en accentuer la courbure, et se tut.

— Voilà l'histoire, dit d'Artagnan. Acceptez-vous d'être des nôtres pour mener à bien cette entreprise ?

Anselme, suffoqué, ouvrit la bouche pour répondre lorsque Athos l'en empêcha.

— La moitié du travail est faite, j'ai pu hier m'introduire dans les appartements de la Reine sans qu'elle l'ait su, et m'emparer des ferrets. Ils sont en lieu sûr.

 


 

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