Mademoiselle la Mousquetaire
Alphonse Brown Zier (illustrateur)
190 pages Charavay, Mantoux, Martin - Librairie d’Education de la Jeunesse - 1896 - France Roman
Intérêt: *
Roman de cape et d'épées de série qui s'appuie, comme
bien d'autres, sur les histoires de mousquetaires de Dumas et le personnage
de d'Artagnan.
L'héroïne de ce récit, qui se passe pendant la Fronde,
est Clémence de Choisery, belle jeune fille orpheline qui est l'unique
héritière d'un très riche domaine, la «châtellenie» de
Laspeyres. Située en Guyenne, cette terre présente une particularité:
elle est régie par la loi salique, du Moyen-Age, qui prévoit
notamment qu'une femme ne peut en hériter que si elle se marie et
que son époux est agréé par le roi et deux princes
du sang.
Clémence de Choisery entreprend donc de faire reconnaître à la
fois son héritage et ses fiançailles avec le mousquetaire
Armand de Tanlay. Pour ce faire, il lui faut l'accord de la régente,
Anne d'Autriche, de duc d'Orléans et du prince de Condé.
Mais en ces temps de Fronde, ces trois personnages ont des relations complexes
et ne sont jamais ensemble dans le même camp. En outre, la fortune
de Clémence suscite bien des convoitises et différents prétendants,
dont un parent de Mazarin, rêvent d'épouser la belle de gré ou
de force pour s'emparer de sa fortune.
Face à ces complots et intrigues, Clémence s'appuie sur
quelques amis: Armand de Tanlay, bien sûr, mais aussi son cousin,
mousquetaire également, Charles d'Aubignac, et le chef de ces deux
hommes, d'Artagnan.
Quand la troupe des mousquetaires est appelée par son devoir à s'éloigner
de Paris, d'Artagnan accepte d'y «intégrer» Clémence,
afin de ne pas la laisser sans protection. La jeune fille se costume en
mousquetaire et se grime en homme. D'où le titre du livre. Notons
au passage que s'il arrive à Mademoiselle la mousquetaire de se
battre une ou deux fois, elle n'en demeure pas moins pour l'essentiel une
jeune fille désemparée, qui a fort besoin d'appuis masculins.
Bien des péripéties se succèdent, sans grande surprise,
jusqu'au happy end final.
Peu original, bien que convenablement écrit, le livre n'est pas
passionnant. Même si son rôle est important dans le déroulement
de l'histoire, d'Artagnan est un peu en retrait. Il conseille, protège
et soutient Clémence et ses amis, mais agit relativement peu.
Extrait de la deuxième partie Pendant la Fronde , chapitre
1 Mousquetaire!
Ce que femme veut, assure un vieux proverbe, Dieu le veut, c'est-à-dire,
s'accomplit toujours. Or, Clémence de Choisery ayant décidé qu'elle
endosserait la casaque de mousquetaire, et qu'elle se mettrait sous la
sauvegarde de messieurs d'Aubignac et de Tanlay, parvint à ses fins
en moins de quelques jours. - Elle déploya tant d'ingéniosité,
elle conduisit si bien ses démarches, qu'elle réussit à se
faire agréer par le capitaine de la compagnie des mousquetaires,
comme une sorte d'auxiliaire non astreint aux charges du métier.
Ce capitaine était, ainsi que nous l'avons dit, monsieur d'Artagnan,
dont les aventures chevaleresques ont été contées
par l'un de nos plus illustres romanciers. Son esprit vif et primesautier
s'éprenait volontiers des situations offrant de l'imprévu,
et alors il refusait rarement ses bons offices. Du reste, il aimait les
jeunes gens, surtout ceux qu'il connaissait particulièrement ou
qu'il avait sous ses ordres. Par amitié pour Armand de Tanlay, par
considération pour Charles d'Aubignac, et enfin, par bonté d'âme,
il écouta favorablement la requête de Clémence et lui
dit:
- A partir d'aujourd'hui, mademoiselle, vous avez un ami de plus. Jamais
je ne négligerai l'occasion de vous être utile et de vous
servir.
- Cousine, retenez bien ces paroles de monsieur d'Artagnan, interrompit
le lieutenant, car il n'en est pas prodigue... s'il promet de vous aider,
comptez sur son concours absolu.
- Oh! Oh! fit le capitaine en souriant, ne nous engageons pas à fond...
et surtout, ne crions pas victoire avant de combattre l'ennemi. D'abord,
il est prudent d'étudier sa force, sa valeur...
- Quoi qu'il advienne, capitaine, répondit Clémence, je
me souviendrai que vous m'avez offert spontanément votre appui,
et je vous en garderai la plus vive reconnaissance... En outre, je m'emploierai
activement pour vous prouver que je mérite votre protection.
- Mademoiselle, répliqua sérieusement d'Artagnan, il m'est
agréable de vous voir en ces dispositions, car, en face d'ennemis
puissants, il faut de la persévérance, de la fermeté et
une hardiesse à toute épreuve.
- J'en aurai!... Ce n'est pas seulement mes biens que je défendrai,
mais aussi les aspirations les plus intimes de mon coeur, ou, plutôt,
le bonheur de toute ma vie.
- Très bien... Vous avez l'âme d'un vrai mousquetaire!
- C'est une recrue qui fera honneur à notre compagnie, ajouta
d'Aubignac.
Désormais certaine d'être «enrôlée»,
c'est-à-dire de pouvoir suivre les mousquetaires, tout en conservant
sa liberté d'action, Clémence de Choisery commanda un uniforme
chez un tailleur renommé, et attendit Perriche pour compléter
son équipement.
Celui-ci arriva bientôt.
C'était un vieux soldat dans la meilleure acception du mot: courageux
comme un lion, soumis et fidèle comme un caniche. Malgré les
cinquante ans qui pesaient sur sa tête blanche, il avait encore cette
verdeur qui, chez certains hommes, paraît une seconde jeunesse. En
apprenant les causes pour lesquelles Clémence de Choisery remplaçait
les vêtements de son sexe par un costume masculin, il ne manifesta
aucune surprise.
- Tu comprends, mon brave Perriche, lui dit la jeune fille, que je serais
bien niaise si je n'essayais de me défendre contre ceux qui convoitent
ma fortune... seule, j'étais impuissante; j'ai cherché des
alliés.
- Vous avez agi sagement, mademoiselle, répondit Perriche.
- Mes alliés sont des mousquetaires du roi. On ne saurait rencontrer
des natures plus loyales.
- Si les amis de monsieur d'Aubignac, que j'ai connu autrefois, lui ressemblent
tant soit peu, vous ne vous repentirez pas de votre choix.
- L'un d'eux est monsieur d'Artagnan, capitaine, l'autre est monsieur
de Tanlay, enseigne de la compagnie.
- Monsieur d'Artagnan a la réputation d'un excellent officier...
Monsieur de Tanlay appartient à l'une des meilleures et des plus
nobles familles de France... Un Tanlay ne peut déchoir.
- Alors, tu m'approuves?
- Oui, je vous approuve au nom de votre oncle vénéré,
monsieur de Terlunde.
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