The Three Musketeers: Updated, Illustrated, and Unapologetically Diverse
Scott Fitzgerald Gray Aviv Or (illustrations)
626 pages Autoédition - 2021 - Canada Roman
Intérêt: 0
Les trois mousquetaires fidèlement reproduit de
la première à la dernière ligne mais en version
« woke »: c’est ce que propose The Three
Musketeers: Updated, Illustrated, and Unapologetically
Diverse, que l’on pourrait traduire par: Les
trois mousquetaires: mis à jour, illustré et fièrement
placé sous le signe de la diversité. Une
entreprise carrément héroïque…
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Athos
Porthos - Aramis
D'Artagnan
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Relisant adulte le roman de Dumas qu’il avait adoré à
l’âge de douze ans, l’auteur Scott Fizgerald Gray a été
effaré de constater, ce qui lui avait échappé quand il
était enfant, que « Dumas et Maquet ont fait de
tous les personnages principaux du livre, héros et
méchants, des hommes blancs hétérosexuels ».
Pourquoi les deux auteurs s’étaient-ils abstenus de
faire de certains de ces personnages « des gens
de couleur, non binaires ou LGBTQ+ »? se
demande Gray dans sa préface. Ne considérant évidemment
pas l’absence de femmes chez les mousquetaires ou de
Noirs chez les Gascons comme des éléments de réponse
suffisants, l’auteur attribue cet égarement de Dumas
(qui pourtant était Noir, souligne-t-il) au « conservatisme
systémique » qui prévalait alors dans
l’industrie naissante de la littérature d’aventure.
Un tel scandale ne pouvait durer et Gray a entrepris de
« corriger les questions de sexe, de genre,
d’orientation et de représentation » des
personnages pour produire un livre qui, il en est
absolument certain, « ressemble à celui que
Dumas et Maquet auraient écrit s’ils avaient pu le
faire ». Gray s’est inspiré en fait du
feuilleton The Musketeers réalisé par la BBC en
2014. Dans cette série télévisée, excellente au
demeurant, le rôle de Porthos est joué par un acteur
noir, en une sorte de clin d’œil aux origines familiales
de Dumas. Et Gray d’ajouter que s’il avait été
responsable de la réalisation du feuilleton, il serait
allé beaucoup plus loin: « j’aurais transformé
deux des mousquetaires en femmes. Et j’aurais fait des
gens de couleur avec la moitié des personnages de la
série. Et j’aurais fait des LGBTQ+ avec la moitié de
ces personnages hommes, femmes, personnes de couleur
et blancs ». Un programme méticuleusement
appliqué avec ce The Three Musketeers: Updated,
Illustrated, and Unapologetically Diverse.
L’auteur - qui revendique en fait un rôle d’éditeur - a
repris le texte d’une ancienne traduction en anglais des
Trois mousquetaires réalisée en 1853 par William
Robson (qui présente l’avantage d’être dans le domaine
public). Sans rien changer à l’histoire, il s’est
employé à modifier les personnages en fonction de ses
objectifs. Leur sexe et leurs orientations sexuelles
sont précisés dans le texte, tandis que la couler de
leur peau est surtout montrée dans les illustrations,
fort jolies d’ailleurs, réalisées par la graphiste
britannique Aviv Or.
Voici donc les caractéristiques des principaux
personnages revus et corrigés. D’Artagnan est une femme
de couleur. Athos est une femme blanche. Porthos est un
homme noir. Aramis est de sexe indéterminé, de couleur.
On les appelle donc ainsi: Madame d’Artagnan, Madame
Athos, Monsieur Porthos, Maître Aramis (le terme
« maître » présente l’avantage de s’appliquer
dans tous les cas d’orientation sexuelle). Richelieu est
noir, lui aussi de sexe non précisé. Milady devient un
homme blanc, qui répond au nom de Milord. Tréville est
un homme, marié à un autre homme, Monsieur Vaslin.
Constance Bonacieux reste femme mais devient noire, tout
comme son mari qui s’appelle désormais Monsieur Bouquet
(sans doute pour que Constance ne porte pas le nom de
son mari).
Grande innovation: Louis XIII devient une femme noire,
Louise, son épouse Anne d’Autriche restant une femme
blanche. La France est donc dirigée par « les
reines », la reine Louise et la reine Anne.
Une remarque faite en passant semble indiquer que c’est
un couple de rois qui règne sur l’Espagne.
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La reine Anne et
la reine Louise
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D'Artagnan et
Constance
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Milord et Ketty
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Parmi les personnages secondaires, on peut relever que
Jussac devient une femme, tout comme le duc de
Trémouille, des Essarts, Felton ou encore Grimaud.
D’autres personnages ne changent pas de sexe mais de
comportement. Quand d’Artagnan quitte le foyer familial,
c’est sa mère, ancienne guerrière, qui lui donne son
épée et ses conseils, tandis que son père,
vraisemblablement homme au foyer, pleure et lui donne
son baume merveilleux.
Ces transformations des personnages ne changent
strictement rien aux relations entre eux. La reine Anne
a beau être mariée à la reine Louise, elle est amoureuse
de Buckingham (resté un homme). D’Artagnan femme aime
aussi bien Constance que Milord.
En fait, comme déjà indiqué, rien ne change dans le
récit qui demeure de bout en bout la traduction des Trois
mousquetaires (un peu abrégée sans doute). Tout
juste Gray a-t-il ajouté un épilogue de quelques pages
où il évoque l’évolution future des personnages après la
fin du roman en introduisant bizarrement quelques
modifications: on y apprend que d’Artagnan vivra de
longues années avec Ketty (appelée Kitty dans ce livre),
ou que Rochefort aura été tué en duel aussitôt après le
siège de La Rochelle.
L’ensemble de cette entreprise de transformation
littéraire laisse pantois. Comme on peut le constater
sur pastichesdumas, les exemples d’œuvres littéraires
jouant avec le sexe des mousquetaires sont nombreux:
c’est le cas notamment de Musketeer space, The
secret lily, Le secret d’Aramis,
All
for one (A gender-bent take on The three
musketeers), ou encore All
for one (A Shifter Reverse Harem Retelling of
The Three Musketeers). Plusieurs de ces
romans, mettant en scène la transformation de l’histoire
qui résulte de celle des personnages, sont d’ailleurs
très réussis.
Rien de tout cela avec la version de Gray. Les
changements radicaux appliqués à de multiples
personnages n’ont aucun impact sur leur personnalité et
leur comportement. Il s’agit de modifications purement
cosmétiques - ou idéologiques - dont l’auteur ne tire
aucun conséquence. D’Artagnan femme se comporte
exactement comme d’Artagnan homme (elle se montre aussi
infâme en trompant Milord pour coucher avec lui ou en
jouant de la passion qu’éprouve pour elle la petite
Ketty) et ainsi de suite. Il aurait pu être intéressant
d’expliquer comment, dans une France parallèle, la
moitié de la population était noire, ou encore comment
fonctionne une monarchie avec deux reines à sa tête. Sur
ce dernier point, une remarque est faite en passant.
Étant donné qu’il est nécessaire que « les
reines donnent un héritier à la couronne de France »,
il faudra sans doute passer un « traité de
conception » avec un prince étranger pour
produire l’héritier. Il eut été intéressant
d’approfondir mais l’on en reste là, et c’est a priori
l’unique exemple d’allusion à un impact des changements
de sexe et de genre injectés dans le récit.
Notons que cette démarche purement mécanique donne lieu
à des acrobaties de vocabulaire assez étonnantes
destinées à éviter toute connotation de genre. Le mot
« gentle » replace celui de « gentleman »
et désigne indifféremment hommes et femmes; le mot
« ser » est utilisé à la place de
« sir »; « nieve »
s’applique indifféremment à neveu et nièce; « auncle »
se substitue à « aunt » (tante) et
« uncle » (oncle). S’agissant des
personnages dont le sexe n’est pas déterminé, on parle
d’eux au pluriel de façon à ne pas avoir à employer
« il » ou « elle ». Du
genre: « Avez-vous vu le cardinal de Richelieu?
Leurs éminences m’ont envoyé chercher ». Ce
qui introduit parfois une confusion certaine quand au
caractère isolé ou multiple de la personne dont il est
question… Dans un monde où l’on ne peut jamais présumer
du sexe de la personne que l’on rencontre, on l’appelle
« maître », et l’intéressé peut alors
préciser par exemple : « je suis Madame
d’Artagnan ».
Plaqué ainsi de façon complètement gratuite, ce
bouleversement des sexes et des origines qui n’influe en
rien sur le récit n’a évidemment aucun intérêt. Les
autres romans énumérés ci-dessus qui abordent des
thématiques similaires font tous preuve à des degrés
divers d’imagination et de créativité: des qualités dont
The Three Musketeers: Updated, Illustrated, and
Unapologetically Diverse est totalement dépourvu.
Extrait du chapitre 6 Queen Louise and Monsieur
de Treville
“You mean me to think,” said the Queen Louise, “that the
cardinal’s guards went thither to fight amongst
themselves?”
“I do not accuse them, majesty. But I leave you to judge
what five armed blades could possibly be going to do in
such a deserted place as the neighborhood of the
Carmes-Deschaux.”
“I shall judge, yes. And I judge that you are right,
Treville. You are right!”
“Then, upon seeing my musketeers, they changed their
minds, and forgot their private hatred in favor of
partisan hatred. For your majesty cannot be ignorant
that the musketeers, who belong to the queens and no one
but the queens, are the natural enemies of the guards,
who belong to the cardinal.”
“Yes, Treville, yes,” said Louise in a melancholy tone.
“But it is very sad, believe me, to hear all this talk
of the cardinal yearning to become a third head beneath
the French crown, as it were. I tell you, all this talk
will come to an end, Treville, it will come to an end.
But you were saying, then, that the guards sought a
quarrel with the musketeers?”
“I say that it is probable that things did fall out so,
but I will not swear to it, majesty. You know how
difficult it is to discover the truth. And unless one be
endowed with that admirable instinct which causes the
Queen Louise to be named ‘the Just’…”
“You are right, Treville. But they were not alone, your
musketeers. They had a youth with them?”
“Yes, majesty. So that three of the queens’
musketeers — and one of them wounded — along
with this youth not only maintained their ground against
five of the most terrible of the cardinal’s guards, but
absolutely brought four of them to earth.”
“Why, this is a victory,” said the queen, all radiant.
“A complete victory.”
“Yes, majesty.”
“Four warriors. One of them wounded, and another a
youth, say you?”
“A youth of not yet twenty, but who proved herself so
admirably on this occasion that I will take the liberty
of recommending her to your majesty.”
“How does she call herself?”
“D’Artagnan, majesty. She is the scion of one of my
oldest friends — a warrior who served your
royal parents, of glorious memory, and who fought under
the king your father.”
“And you say this young Gascon proved herself well? Tell
me how, Treville. You know how I delight in accounts of
war and fighting.” As she said so, Louise twisted her
curls proudly, placing her hand upon her hip.
“Majesty,” said Treville, “as I told you, Madame
d’Artagnan is little more than a youth. And as she has
not the honor of being a musketeer, she was dressed as a
civilian. The guards of the cardinal, perceiving her
youth and that she did not belong to the corps, invited
her to withdraw before they attacked.”
“So you may plainly see, Treville,” interrupted the
queen, “it was they who attacked.”
“That is true, majesty. There can be no more doubt on
that point. They called upon her then to withdraw, but
she answered that she was a musketeer at heart, entirely
devoted to your majesties. And that therefore, she would
remain with the musketeers.”
“Brave young soul,” murmured the queen.
“Well, she did remain with them. And your majesty has in
this d’Artagnan so firm a champion that it was she who
gave Jussac the terrible sword thrust which has made the
cardinal so angry.”
“She who wounded Jussac!” cried the Queen Louise. “She,
a youth! Treville, that’s impossible!”
“It is as I have the honor to relate it to your
majesty.”
“Jussac — one of the finest blades in the realm?”
“Well, majesty, for once, Madame de Jussac found her
better.”
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