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Barcelona y sus misterios
Premier volume

Antonio Altadill

688 pages
1860 - Espagne
Roman

Intérêt: **

 


Cet épais roman dû à la plume d’Antonio Altadill (1828-1880) constitue un parfait exemple de l’influence que Le comte de Monte-Cristo a eu sur les auteurs de romans feuilletons du vivant de Dumas. Publié en 1860, Barcelona y sus misterios s’inspire en effet largement de Monte-Cristo pour sa trame générale, même s’il s’en différencie de façon significative. L’œuvre compte deux volumes (le second ayant été publié en 1861) dont seul le premier est clairement basé sur l’histoire d’Edmond Dantès. Les deux sont accompagnés de fort belles illustrations réalisées en chromolithographie.

L’histoire commence en 1844 à Barcelone. Diego Rocafort est un jeune homme heureux. Ouvrier tisserand, il est amoureux de la belle Clara et vice-versa. Celle-ci est courtisée par ailleurs par Nicolás Turella, un artisan. Mais surtout, l’infâme Roberto convoite également la belle. Jaloux de Diego, il le dénonce aux autorités en tant que conspirateur républicain. Arrêté, Diego est embarqué sans jugement avec tous les vrais conspirateurs pour les Philippines.

Au large de l’Afrique, une tempête provoque le naufrage du bateau. Diego est le seul rescapé. Il est sauvé par Tomas Ponce, maître d’équipage d’un bateau négrier qui passait par là. Ponce se prend d’affection pour lui. Mais le capitaine du navire est une affreuse brute qui déteste Diego et le vend comme esclave à un roi de tribu africaine.

Diego vit donc onze ans en esclavage, fort maltraité. Il ne tient que par sa volonté de se venger du capitaine et de revoir sa fiancée. Il finit par s’évader, est récupéré par un autre navire négrier et débarque pile dans le village des Caraïbes où s’est installé des années plus tôt Tomas Ponce. Celui-ci est sur le point de mourir. Aimant Diego comme son fils, il fait de lui son légataire universel, à la condition de consacrer la majeure partie de son argent à faire le bien. Or, de l’argent il en a beaucoup, l’ancien marin ayant récupéré le butin d’un redoutable pirate. Cet argent a été placé dans une banque à Londres.

Diego va dans cette ville récupérer sa fortune puis se rend à Cuba pour tenter de retrouver le capitaine dont il veut se venger (c’est bien plus prioritaire apparemment que de revoir sa fiancée). Ne réussissant pas à le retrouver, il décide d’aller à Barcelone.

Il y arrive avec plein d’argent sous le nom d’Augusto Mendoza, venu des Amériques. Il apprend que sa mère est morte quatre jours après son départ onze ans plus tôt. Il recrute Daniel, un serviteur totalement dévoué, habile, tout à fait dans le style de ceux de Monte-Cristo, capable par exemple de lui installer en une matinée un appartement somptueux. Il se présente chez le plus important banquier de la ville, don Pedro Sans, avec un crédit énorme de la part de sa banque John Thompson de Londres.

A la suite de diverses circonstances, il s’intéresse à une famille qui vit dans la misère, ayant été ruinée justement par le capitaine négrier qui l’a vendu en esclavage. Celui-ci vit maintenant sous le nom de don Pedro Blanco à Barcelone dont il est l’homme le plus riche. Diego apprend aussi que sa fiancée à épousé son rival de jadis, qui a fait fortune en devenant un grand banquier et est devenu le baron Nicolás de Turella. Quant à Roberto, le jaloux qui l’a dénoncé, il est toujours infâme, fait jeter en prison la pure jeune fille de la famille ruinée parce qu’il la convoite, etc.

Diego va voir l’ancien capitaine esclavagiste sans se faire reconnaître (personne ne le reconnaît) mais lui fait comprendre qu’il sait tout de son passé de négrier et complice de pirates et qu’il en a des preuves. Menaçant de tout révéler, il fait chanter Blanco. Il le contraint à loger gratuitement la pauvre famille puis lui explique qu’il va l’obliger à devenir vertueux. Par exemple en vendant ses voitures et ses chevaux pour donner l’argent aux pauvres (voir extrait ci-dessous).

Simultanément, il noue des relations mondaines avec la bonne société de Barcelone, le banquier, son ex-fiancée Clara, etc. Il réalise que les rois de la Bourse de Barcelone sont Turella (son rival devenu époux de sa fiancée), Blanco (le capitaine esclavagiste) et Sans, le banquier. Quant au chef de la police qui l’avait condamné à l’exil, il magouille sous le nom de don Jaime Hernandez. Turella dirige une activité de fausse monnaie, réalisée par Roberto.

Continuant à le faire chanter, Diego oblige Blanco à faire des dons de plus en plus importants. Blanco se rebelle: il le capture avec l’aide de Roberto et don Jaime: ses trois pires ennemis se retrouvent donc ensemble. Il demeure enfermé dans une cave pendant de nombreux jours. Effondré, sans aucune ressource car il n’aurait jamais imaginé que Blanco pourrait réagir. Heureusement, Daniel réussit à le libérer. Diego met trois mois à se remettre de sa captivité. Il les passe chez lui, il ne vient pas à ses ennemis l’idée d’aller l’y chercher…

Quand il réapparaît, il retourne s’occuper de la famille pauvre, de plus en plus misérable. Le fils de dix ans, Ramon, en a été réduit à devenir cireur de chaussures. Il travaille en fait chez un véritable esclavagiste qui exploite les enfants. Diego met bon ordre à tout cela.

Diego recommence à imposer sa volonté à Blanco sans prendre la moindre précaution (alors que Blanco pourrait facilement le faire assassiner). Il l’oblige à octroyer la liberté aux centaines d’esclaves qu’il possède dans ses plantations des Caraïbes. Roberto enlève le fils de Clara pour l’obliger à payer une rançon.

Costumé en riche Mexicain, Diego attire Roberto et Jaime (l’ex-chef de la police) dans un piège: un cambriolage où ils se retrouvent les mains transpercées par des pointes de fer défendant un coffre. La police les arrête. Diego se fait reconnaître d’eux comme Diego Rocafort. Il fait libérer l’enfant, le rend à Clara. Celle-ci reconnaît enfin Diego. Ils s’aiment toujours mais il ne veut pas retourner en arrière… Nicolas meurt de l’émotion du retour de son fils (!). Diego se fait reconnaître de Blanco qui meurt. Il fait ses adieux à Clara et part aux Amériques, accompagné par le fidèle Daniel.


Comme on le voit, les analogies avec Monte-Cristo sont multiples et évidentes: la trahison, les années de captivité effroyable, le retour sous une nouvelle identité, les moyens financiers considérables, la récompense des bons, le châtiment des méchants, les identités multiples… Bien écrit, bien mené, le récit fonctionne plutôt bien en dépit de certaines incohérences, coïncidences et naïvetés. La transformation de Diego n’est guère compréhensible. Alors que le tout Barcelone s’extasie sur l’élégance, la distinction des manières de ce mystérieux Augusto Mendoza, on se demande comment le simple artisan des débuts a pu se transformer ainsi pendant ses années d’esclavage en Afrique (on peut souligner l’absence d’un « abbé Faria » dans cette histoire, Tomas Ponce ne lui apportant que de l’argent). Son manque total de réaction quand il est fait prisonnier par Blanco est tout aussi étrange que la passivité de ce dernier, la plupart du temps, envers le chantage exercé sur lui par Diego.

Dans les divergences intéressantes par rapport au modèle dumasien, on peut citer surtout une idée amusante: la différence d’approche de Diego envers l’ancien capitaine esclavagiste. Il se fait connaître tout de suite en tant qu’ennemi et décide de faire de lui un modèle de vertu en l’obligeant à se défaire de ses biens, pas du tout la même approche que la ruine de Danglars provoquée par des fausses informations boursières!

Autre aspect important du roman: il appartient à la famille des « mystères » de grandes villes suscitée par le succès des Mystères de Paris d’Eugène Sue (1842) et qui a vu la parution des Mystères de Londres, de Marseille, de Naples, de Berlin, etc. Conformément aux lois du genre, Altadill livre de nombreuses descriptions de la ville et des évocations réussies de sa sociologie, depuis les milieux de la Bourse et du théâtre jusqu’au monde misérable des enfants cireurs de chaussures.


Un peu moins long que le premier avec 538 pages, le second volume se passe entièrement à Barcelone. On y retrouve Roberto qui s’évade de prison. Pour éviter d’y retourner, il devient indicateur de police, organisant des cambriolages qu’il dénonce aussitôt. L’histoire est centrée sur les deux prétendants de Clarita de Turella, la fille de Clara. Il y a d’un côté Fernando Aguilar, étudiant pauvre mais honnête, homme de cœur et de parole. Il est amoureux fou de Clarita qui le lui rend bien. De l’autre côté, le fiancé officiel est Carlos Sans, fils du banquier vu dans le premier volume. Le banquier est mort, Carlos est son seul héritier. Débauché, malhonnête, il perd toute sa considérable fortune au jeu. Clara est tiraillée entre les deux: elle apprécie le caractère de Fernando mais ne sait rien des turpitudes de Carlos et penche pour celui-ci.

Heureusement, Diego revient à Barcelone. Il fait la connaissance de Fernando et prend son parti. Il rachète à ses créanciers toutes les dettes de Carlos Sans et révèle à Clara que son futur gendre est monstrueusement endetté. Les fiançailles sont rompues, Carlos est déshonoré. Il essaye de s’en sortir en rejoignant une société secrète, sorte de franc-maçonnerie. Mais c’est une supercherie: les pseudos maçons lui extorquent ses derniers fonds. Il se suicide. Clara va trouver Diego qui meurt dans ses bras. Roberto retourne en prison et est tué, Clarita épouse Fernando.

Mis à part le rachat des dettes de Carlos Sans pour l’acculer à la ruine, qui évoque le rachat des dettes de l’armateur Morrel par Monte-Cristo pour le sauver, ce deuxième volume ne ressemble plus guère au roman de Dumas. Diego fait une brève apparition vers la page 300 et n’intervient réellement dans l’histoire qu’à partir de la page 378. C’est dire que son rôle devient presque secondaire. Une bizarrerie: dans le premier volume, Clara reconnaît dans Diego son ancien fiancé mais dans le second elle ne le reconnaît pas.
Merci à John Rimbauld de m’avoir signalé ce livre.


Extrait du premier volume, deuxième partie Barcelona, chapitre XIII La Bolsa

—En fin, explíquese V. de una vez, exclamó Blanco, diga V. lo que quiere, lo que pretende de mí, y sepa yo á qué atenerme!...

—¡Oh! no es cosa de un día: todo en el mundo ha de venir por sus pasos. Lo que yo me propongo, ya puede V. conocerlo; es hacerle mudar completamente de vida: que á la soberbia de hoy, suceda la humildad y la mansedumbre; que á la codicia, reemplaze la caridad y la largueza; y el odio de muchos hacia el opulento que, nadando en oro, no se apiada de nadie, se convierta en amor de todos al hombre que sabe emplear el exceso de su fortuna en el socorro de los pobres y desgraciados.

El señor Blanco estaba confuso ante estas palabras de Diego.

—Y empezando hoy mismo la obra de su regeneración, porque V. ya no es joven, y tenemos que andar un poco todavía, va V. á mandar ahora mismo lo que yo le prevenga.

El señor Blanco palideció de nuevo.

—Llame V. inmediatamente á su mayordomo, y déle la orden de vender en seguida los carruajes y caballos que tiene V. para su regalo.

—¡Cómo!

—Lo que V. oye.

—¿Y cómo voy yo á andar luego?...

—¡Pues qué? ¿son tan malas las calles de Barcelona?

—¡Oh! ¡esto es horrible!

—Además que esa vida poltrona que V. hace, no puede serle provechosa, y el mejor día un ataque apoplético... ¡ah! ¡Dios nos libre!...

Esta horrible ironía de Diego acababa de exasperar á Blanco.

—¿Pero qué se dirá cuando se sepa que yo he vendido mis carruajes sin comprar otros?

—Hay un medio muy fácil de evitar malas interpretaciones. Yo pienso en todo, y no he de dejar que el nombre de V. desmerezca en ningún asunto. El producto de la venta se mandará entero á la Casa de Caridad.

—¡A la Casa de Caridad!

—¿Hay nada tan honroso para V.?

—¿Pero V. sabe cuánta es la suma que se sacará de todo?...

—No he pensado en ello; pero comprendo que no tendrá V. toda su fortuna en carruajes y caballos.

—¡Ah! ¡eso es imposible!

—¿Resiste V.? Norabuena. Adiós, señor D. Pedro.

Y Diego hizo ademán de salir del gabinete.

—¡Ah! ¡oiga V.!

Diego se paró, sin decir palabra, y mirando severamente á la cara de Blanco.

—Se mandarán á la Casa de Caridad ocho ó diez mil duros que puede valer todo!...

—Pero, es que V. debe comprender, insistió Diego, que no importa tanto á mi objeto la limosna, como el modo de sacarla. Es preciso que sea de lo que resulte de la venta de los carruajes y caballos.

—¡Sea!

—Llame V., pues, al mayordomo, y déle la orden.

El señor Blanco alargó su mano trémula á un timbre que tenía sobre la mesa, y el mayordomo se presentó.

—Quiero vender todos mis carruajes y caballos, y es preciso que sea hoy.

—¡Vender los carruajes y caballos! exclamó asombrado el mayordomo.

—¿No lo has oído? gritó Blanco con ira.


 

 

 

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