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L’Elisir di Vita (Joseph Balsamo)
Fantasia tragica

Ugo Fleres

68 pages
A. Puccio Editore - 1914 - Italie
Opéra - opérette

Intérêt: **

 

 

Un grand merci à François Rahier, grand spécialiste du théâtre d’Alexandre Dumas, d’avoir rédigé pour pastichesdumas cet article sur une oeuvre inspirée de Dumas écrite en italien, langue que je ne lis pas.
P. de J.

Au début de l’été de 1912, plusieurs articles de la presse spécialisée française, dont Le Monde artiste et L’Excelsior, évoquent la découverte d’un opéra inédit d’Alexandre Dumas père, L’Elisir di Vita, qui devrait bientôt être créé en Italie. L’information est développée ensuite à Rome dans un long article de la revue annuelle Picenum en 1913. L’œuvre elle-même est créée au Théâtre communal de Bologne le 20 novembre 1914, et le livret publié la même année à Milan, sous le titre L’Elisir di Vita, fantasia tragica. Tre atti di Alessandro Dumas (padre). Versione libera di U. F. per la musica di Antonio Lozzi. Les initiales U. F. sont celles de Ugo Fleres, qui avait été aussi le librettiste de Lozzi pour une Bianca Cappello peut-être inspirée de l’œuvre éponyme de Dumas, ou de la pièce que son ami Francesco Dall’Ongaro en avait tirée.

À aucun moment les différents articles n’indiquent que l’opéra est tiré très librement de quelques chapitres du roman Joseph Balsamo, ce qui est manifeste à la lecture du livret. Mais la revue Picenum, qui résume fidèlement l’intrigue, cite bien sûr le nom des principaux personnages, Giuseppe Balsamo, Lorenza, Althotas…

Mais Dumas est-il réellement l’auteur de ce livret d’opéra ?

Premier roman de la tétralogie des Mémoires d’un médecin, le roman Joseph Balsamo a été publié en 1846. Ce n’est qu’à partir de 1859 que Dumas commence à évoquer une adaptation théâtrale du roman, mais jamais dans sa correspondance il n’évoque une version lyrique. Le drame, achevé par son fils, sera joué en 1878 (bien après la mort de Dumas en 1870). La bibliographie dramatique de Dumas est riche en surprise, fantômes de pièces jamais écrites, pièces perdues ou prétendument brûlées mais finalement retrouvées, et manuscrits autographes découverts depuis quelques années et à propos desquels l’auteur ne s’était jamais exprimé. Quid, alors, de cet opéra ?

Les articles de 1912 suggèrent une date d’écriture oscillant entre 1850 et 1860, et un séjour à Naples au cours duquel Dumas aurait été sollicité par un musicien napolitain en vogue.

« L’auteur d’Antony, lit-on dans Le Monde artiste du 6 juillet 1912, écrivit un livret dont l’existence vient d’être révélée aujourd’hui seulement. Le manuscrit porte ce titre : L’Élixir de la vie – fantaisie tragique – un acte en trois parties d’Alexandre Dumas. Ce manuscrit était resté dans les papiers du compositeur, et ses héritiers l’auraient laissé enseveli sous les poussières du temps […] si le hasard ne l’avait mis sous les yeux du jeune maestro Lozzi [qui] le jugea digne de retenir toute l’attention des artistes. Quoique écrit en prose, aucun doute n’était possible sur la nature de l’ouvrage. À côté du nom des personnages, de la main même de Dumas, on lit les mots : ténor, soprano, baryton ; et, presque à chaque scène, des notes indiquant le commentaire orchestral nécessaire à l’action et l’importance que devait avoir la musique. Au milieu de ces longues didascalies, on lit souvent ce simple mot "Orchestre " ».

L’article explique ensuite comment Lozzi, après s’être mis en règle avec les ayants droits du commanditaire italien et de l’auteur français, fit traduire le texte en divisant l’action en trois parties, « La Veille », « Le Sommeil » et « Le Sang », au lieu de la condenser en une seule nuit comme dans l’original dumasien. Le texte, d’autre part, est rendu en vers italien, alors que l’original était en prose. Ces précisions de l’auteur de l’article français laissent supposer qu’il s’appuie sur des sources italiennes fiables et de première main, donc sur le témoignage de quelqu’un qui aurait pu directement examiner le manuscrit, le compositeur sans doute. Mais ces sources, ainsi que le manuscrit original, sont inaccessibles.

Pour résumer, nous disposons d’un livret, en vers italiens, présenté comme une « versione libera », une « version libre », donc une adaptation, d’un texte de Dumas dont l’original français est perdu. En l’état, cette adaptation ne saurait figurer dans l’édition du Théâtre complet d’Alexandre Dumas père publiée par les Classiques Garnier. Elle est sans doute plus proche de ces pièces tirées des romans de Dumas, avec son accord, mais sans sa collaboration, et dont il ne revendiquait pas la paternité pour cette raison. Ne s’agirait-il pas alors d’un élégant pastiche ?


Analyse

L’Elisir di Vita emprunte librement sa matière, dans un joyeux désordre, aux chapitres LVI, LVII, LXXXIII, LXXXIV, CXXXI, CXXXIII et CXXXIV du roman Joseph Balsamo. La scène est à Paris, en 1770. Les personnages sont les suivants :

Althotas
Giuseppe Balsamo
Lorenza
La Du Barry
Les chefs des maçonneries anglaises, américaines, suisses, espagnoles, suédoises et polonaises
Fritz, domestique de Balsamo
Un chanteur (à l’extérieur)
Un courrier


Acte premier : La Veille

(Emprunts libres aux chapitres LVI La double existence : le sommeil, LVII La double existence : la veille et LX L’Élixir de vie.
Décor à compartiments : à droite, le salon de Balsamo ; à gauche, le laboratoire de l’alchimiste.

Aux cris de « Eureka ! Eureka ! », le vieil alchimiste Althotas appelle son jeune disciple Acharat (Balsamo) pour lui révéler qu’il vient de trouver le secret de l’élixir de vie. Il ne lui manque qu’un ingrédient : le sang d’une vierge. Il pense à la jeune fille que Balsamo a enlevée et qui vit avec eux, Lorenza. Balsamo en est amoureux, et utilise en même temps ses dons de voyance pour servir son entreprise de conspiration contre la monarchie de Louis XV en France. Le projet d’Althotas révulse Balsamo, qui refuse. Fritz prévient alors Balsamo de l’arrivée de ses invités ; il sort.


Acte deuxième : Le Sommeil
(Emprunts libres aux chapitres CXXXIII Le jugement, mais aussi LXXXIII Le courrier et LXXXIV Évocation).
Salle des gardes, chez Balsamo.

Balsamo reçoit les envoyés des maçonneries de différents pays pour s’entretenir avec eux des détails de la conspiration. Survient la comtesse du Barry offrant ses services à Balsamo. Puis, un courrier de son ennemie, la duchesse de Grammont, au duc de Choiseul son frère, prouvant leur trahison, dont Balsamo prend connaissance grâce aux dons de voyance de Lorenza. Balsamo reste seul avec Lorenza : scène d’amour.


Acte troisième : Le Sang
(Emprunts libres aux chapitres CXXXI Le sang, CXXXIV L’homme et Dieu).
Décor à compartiments du premier acte.

Au petit matin, Balsamo, rappelé par la comtesse du Barry, laisse seule un moment Lorenza. Althotas entraine la jeune fille dans son laboratoire et la tue. De retour, Balsamo découvre le corps de son amante et révèle à l’alchimiste qu’elle n’était plus vierge. Désespoir de Balsamo. Devenu fou, Althotas incendie son laboratoire et se jette dans la fournaise.

François Rahier

Merci à Mihai-Bogdan Ciucă, qui nous a fait connaitre cette œuvre, nous a communiqué les articles de presse et apporté son aide pour nous procurer le texte du livret italien.


Extrait de l’acte deux
(traduction en français ci-dessous)

Il sonno

Salone d'armi a pianterreno. Al primo piano, in fondo, un loggiato dal cui ultimo arco, a destra, scende un' ampia scala. Sotto il loggiato, in mezzo, l'ingresso a volta donde s’intravede l'atrio. Un'altra porta a sinistra.

Negli angoli, panoplie; alle pareti, trofei e stemmi; attorno, poltrone in cuoio; nell'ingresso, due cassapanche. Nel mezzo, un lampadario acceso.

All'alzarsi della tela Balsamo discende per la scala. I Capi della Massoneria Inglese (1°), Americana (2°), Svizzera (3°), Spagnuola (4°), Svedese (5°), Polacca (6°) si tengono in disparte ammantellati; altri framassoni sul davanti, in due gruppi.

BALSAMO
ai Capi

O fratelli, inoltratevi; ciascuno
col nome della patria si presenti
a me che son la Francia.

I. CAPO
avanzandosi e scoprendosi

Io l'Inghilterra.

II. CAPO
Gli Stati Uniti.

IV. CAPO
La Spagna.

V. CAPO
La Svezia.

VI. CAPO
La Polonia.

III. CAPO
La Svizzera.

BALSAMO
V'invito,
prima di tutto, a recitar con me
la preghiera di rito.

insieme con tutti gli altri, inginocchiandosi

Gesù che m' hai redento,
ascolta il giuramento.

Giuro spezzare i vincoli
del sangue e dell'amore;
siami legge il silenzio
e palestra il dolore;
schiavo solo dell'Ordine
per cui libero io sono,
su me poter non abbiano
nè cattedra, nè trono;
e se la fede infrangere
dovessi un sol baleno,
il ferro in cor mi penetri,
mi assideri il veleno.

Gesù che m' hai redento,
suggella il giuramento.

rialzandosi

Ora di quel che ho fatto
nell'anno oggi spirato,
renderò conto esatto.

I. CAPO
Perdona l'impazienza: per abbattere
questo ministro, nulla?

BALSAMO
Ancora nulla,
ma ascoltatemi…..

Fritz entra dal fondo, impacciato

Ebbene,
chi viene ad interrompere
l'opera nostra?

FRITZ
Una dama.....

BALSAMO
Su, spiègati.

FRITZ
È la contessa Du Barry….


Extrait de l’acte deux

Le Sommeil

Salle d’arme au rez-de-chaussée. Au premier plan, au fond, un balcon d’où descend, à droite, une ample volée de marches. Sous le balcon, au milieu, le hall d’entrée. Une autre porte, à gauche.

Dans les angles, panoplies ; aux murs, trophées et écussons ; autour, fauteuils en cuir ; dans l’entrée, deux bahuts. Au milieu, un lampadaire allumé.

Au lever du rideau, Balsamo descend par l’escalier. Les Chefs de la Maçonnerie anglaise (1°), Américaine (2°), Suisse (3°), Espagnole (4°), Suédoise (5°), Polonaise (6°) se tiennent à l’écart, enveloppés de leurs manteaux ; les autres francs-maçons sont devant, en deux groupes.

BALSAMO, aux Chefs.

Ô frères, entrez ; et que chacun
Avec le nom de sa patrie se présente
À moi qui suis la France.

Ier CHEF, s’avançant et se découvrant.

Moi, l’Angleterre.

IIe CHEF

Les États-Unis.

IVe CHEF

L’Espagne.

Ve CHEF

La Suède.

VIe CHEF

La Pologne.

IIIe CHEF

La Suisse.

BALSAMO

Je vous invite,
Avant toute chose, à réciter avec moi
La prière du rite.

(Ensemble, avec tous les autres, à genoux.)

Jésus qui m’a racheté
Écoute le serment.

Je jure de briser les chaînes
Du sang et de l’amour ;
Que pour moi la loi soit le silence
Et ma couche la douleur ;
Je suis l’esclave de l’Ordre
Par lequel j’ai été rendu libre,
Qu’il n’y ait sur moi
Ni chaire, ni trône ;
Et si cette foi je devais  
Un jour la briser
Que le fer en mon cœur pénètre,
Que le poison me hante.

Jésus qui m’a racheté
Scelle ce serment.

(Se relevant.)

Maintenant de ce que j’ai fait
Dans l’année aujourd’hui expirée
Je rendrai un compte exact.

Ier CHEF

Pardonnez mon impatience ; pour abattre
Ce ministre, rien encore ?

BALSAMO

Encore rien,
Mais écoutez-moi…

(Fritz entre, empressé.)

Eh bien,
Qui vient interrompre
Notre cérémonie ?

FRITZ

Une dame…

BALSAMO

Qui, dis-moi.

FRITZ

C’est la comtesse Du Barry…
(traduction F. R.)

 

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