L’enfant des mousquetaires
Jean Demais Maxime La Tour
221 pages Collection du livre national - Tallandier - 1929 - France Roman
Intérêt: 0
La première page de L'enfant des mousquetaires, signé de Jean Demais seul, est précédée de la note suivante:
Je m'étais souvent demandé ce qu'avait bien
pu faire d'Artagnan pendant les vingt années qui séparent
"Les trois mousquetaires" de "Vingt ans après",
de notre maître Dumas père. J'ai cherché...
j'ai trouvé... Voici.
J. D.
L'enfant des mousquetaires est le fils caché de Mazarin
et Anne d'Autriche, que Mazarin
a fait à la Reine pour assurer son pouvoir sur elle et
a ensuite fait disparaître. Trouvé par D'Artagnan,
le bébé, nommé Noël, a été
adopté par la compagnie des mousquetaires (sans que personne
ne sache ses origines).
Devenu adolescent, il rencontre le jeune Louis XIV. Entre eux,
amour "fraternel" et instinctif immédiat. Mazarin
imagine de faire assassiner Louis XIV et de le remplacer par
son propre fils, Noël, qu'il retrouve. Echec. Mazarin le
fait alors enfermer à la Bastille. On croit un moment
qu'il est devenu le Masque de Fer.
Mais finalement, Noël se retire du monde, en toute amitié
avec Louis XIV.
Le récit est absurde, à base de coïncidences et de
hasards miraculeux, qui se succèdent sans interruption. D'Artagnan est constamment présent, mais aucun des trois
autres mousquetaires.
Le même éditeur, Tallandier, a publié en
1953 dans la collection "Le roman héroïque" un volume portant le même titre mais signé
de Maxime La Tour (le texte est probablement antérieur,
La Tour semblant avoir publié essentiellement dans les
années 20 et 30). Il s'agit en fait du livre de Demais, fortement condensé (en 128 pages).
Le texte d'origine a été largement coupé,
sans aucune réécriture. La version La Tour ne comprend
donc que des phrases écrites par Demais...
Extrait du chapitre 9 Les deux amis (version
La Tour)
Le
coeur de Noël se mit à battre bien fort lorsqu'il
aperçut derrière l'angle de la chapelle de Bourbon
le haut pignon d'ardoise de la porte du Louvre flanquée
de ses deux massives tourelles à créneaux... C'était
donc derrière ces murailles rébarbatives que respirait
celui auquel, sans l'avoir jamais vu, il s'était donné
corps et âme, celui pour lequel il aurait voulu verser
jusqu'à la dernière goutte de son sang.
D'Artagnan franchit le pont jeté sur le fossé de
la rue d'Hosterich, - ou mieux d'Autriche comme on commençait
déjà à l'appeler à cette époque,
- s'engagea sous la porte principale du château, toujours
suivi de Noël.
Le jeune homme eut un frisson en pénétrant sous
cette voûte, monumentale et sombre; quelques archers qui
jouaient aux dés sur les dalles se levèrent et
présentèrent leurs piques, la pointe en bas, au
lieutenant des mousquetaires, qui leur rendit leur salut en portant
la main à son feutre.
Cette entrée de la demeure royale était vraiment
sinistre; elle s'éclairait vaguement par des portes percées
à droite et à gauche, qui s'ouvraient sur de vastes
jeux de paume.
D'Artagnan ouvrit une petite porte à judas grillagé.
Dès le seuil, Noël fut saisi à la gorge par
une odeur de tabac et distingua vaguement, à travers l'atmosphère
embrumée de fumée, une salle basse et voûtée
éclairée à un bout par une fenêtre
à vitraux enchâssés dans des mailles de plomb.
Ce réduit n'était autre que le corps de garde de
messieurs les mousquetaires.
Pour l'instant, ces gentilshommes attendaient leur tour de garde
en fumant, en buvant et en poursuivant d'interminables parties
de cartes, toutes occupations fort propres à tuer le temps.
- Ah ça! mes amis, dit d'Artagnan, après avoir
soigneusement refermé la porte, voici le temps venu de
tenir la promesse que nous avons faite à notre fils.
Je vous ai dit comment ce freluquet m'ayant réduit à
merci, hier, en loyal assaut, j'ai été dans l'obligation
de souscrire à ses volontés.
Ainsi donc, d'Espujac, mon bon, il te faut pour cette fois céder
ton tour de garde... et ta casaque à cet apprenti mousquetaire...
Sois tranquille, tu n'auras pas à t'en repentir...
- Ma foi, s'écria le jeune gentilhomme, à qui d'Artagnan
venait de s'adresser, je n'en doute pas un instant.
Viens ici, mon petit Noël, je vais te donner l'investiture.
Et, en un tour de main, le fils des mousquetaires fut revêtu
de la riche dalmatique bleu de roi, au milieu de laquelle, sur
la poitrine et sur le dos, s'étalait la croix d'argent
avec flammes et galons du même métal.
Une horloge tinta:
- Allons, dit d'Artagnan, je vais, messieurs, vous disposer moi-même.
Il tira son épée, sortit du corps de garde suivi
par un détachement de six gentilshommes.
On traversa la grande cour, encombrée de valets, d'hommes
d'armes et de courtisans.
Puis on pénétra dans une immense galerie qui s'ouvrait
par une porte d'angle dans le bâtiment faisant face à
l'entrée.
D'Artagnan laissa trois gentilshommes sur les degrés de
la petite galerie, en disposa deux sur le pont qui franchissait
le fossé reliant la façade du château aux
poternes et vint placer Noël à l'autre bout du jardin,
devant une petite poterne.
- Ici, dit le Gascon à l'oreille du jeune homme, tu ne
risqueras pas d'être dérangé par quelque
allée et venue inopportune. Allons, continua-t-il, je
te laisse. Ouvre l'oeil et si le roi approchait, soit ferme et
ne te dérobe pas, par crainte de te rendre suspect.
Et, sur ces paroles, d'Artagnan s'éloigna, traversa les
poternes et disparut par le péristyle de la petite galerie.
Il y avait déjà quelques instants que Noël
poursuivait sa faction; rien ne venait plus troubler le silence
du beau jardin que le bruit du jet d'eau retombant dans le bassin
central et le pépiement des moineaux voletant dans les
allées sablées.
Tout à coup le jeune homme entendit un froissement de
fer: les deux mousquetaires, qui étaient de garde sur
le petit pont, avaient tiré leurs épées
et s'immobilisaient, la lame pointant vers le ciel, et la coquille
à la hauteur du visage.
- Mon Dieu! pensa Noël, le salut! C'est le roi.
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