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Milady de Winter
Cette longue bande dessinée comprend deux tomes parus respectivement en 2010 et 2012. Elle consiste en une relecture de l’histoire des Trois mousquetaires du point de vue de Milady. Auteure complète, scénario et dessin, Agnès Maupré ne se contente pas d’une simple réhabilitation de la « méchante » du roman : elle livre un récit subtil qui montre comment Milady, plongée « dans un monde de chiens », a été amenée à « devenir un loup ». Le livre s’ouvre sur une image choc : le corps nu de Milady pendu à une branche d’arbre, c’est-à-dire la fameuse scène où Athos, ayant découvert accidentellement la marque infâmante que porte son épouse, l’exécute aussitôt. Autant dire qu’il s’agit de montrer d’emblée au lecteur que, quels que soient les crimes que la jeune femme a commis, elle a aussi quelques circonstances atténuantes… Dans le monde de violence, dominé par les hommes, où elle évolue, Milady doit sans cesse se battre pour survivre. Parce qu’elle ne se résigne pas à être ballotée au gré des événements et des décisions prises par d’autres, il lui faut « choisir de devenir dure », comme l’explique Agnès Maupré dans l’interview qu’elle a accordée à pastichesdumas.Un choix qui s’impose à elle, elle qui n’a guère eu d’occasions de choisir, et qui en entraine d’autres : devenir espionne plutôt que demeurer veuve et mère toute sa vie. A cet égard, la rencontre avec le cardinal Richelieu, qui la prend à son service, marque un tournant dans l’existence de la jeune femme. Le livre accorde une place centrale à la relation qu’entretient Milady avec son enfant (Mordaunt, qui joue un rôle important dans Vingt ans après). Refusant initialement la maternité, rejetant son bébé, elle finit par l’accepter et en fait son confident. En lui distillant au passage quelques leçons de vie à sa manière : « tu seras malheureux, tu seras seul : tu peux seulement choisir si tu seras fort ou faible », lui lance-t-elle. Ayant choisi d’être « dure », Milady reste enfermée dans une solitude poignante. Son absence d’amis ou de relations affectives se manifeste de façon pathétique quand, ayant fait prisonnière Constance Bonacieux (une déviation par rapport au roman de Dumas), elle décide d’en faire sa meilleure amie – avant de l’assassiner. Car Agnès Maupré ne cherche nullement à gommer les actes les plus noirs de son héroïne. Le meurtre de Constance n’a pas d’excuses mais une explication : quand on a choisi d’être dur, on ne peut plus s’arrêter… Elément frappant pour un livre dérivé des Trois mousquetaires : ces derniers interviennent relativement peu. Il faut attendre plus de 50 pages pour voir apparaître d’Artagnan. Et celui-ci, ainsi que ses camarades (eux au moins ont des amis), en prennent pour leur grade. D’Artagnan, en particulier, est montré comme totalement inconséquent, volage, trompant toutes les femmes et sans scrupule – au point d’être complètement désavoué par ses amis mousquetaires quand il leur révèle par quelle tromperie il s’est introduit dans le lit de Milady. Cette chronique de la vie d’une femme qui porte son irrésistible beauté comme une malédiction est servie par un dessin tout en finesse, véritable écrin pour des dialogues – et des monologues – étincelants. Une très grande réussite dans le registre des relectures de Dumas en bande dessinée: un peu l'équivalent en BD du remarquable Milady, mon amour de Yak Rivais en roman.
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