Les dix jours impossibles
Philippe Ebly
160 pages Bibliothèque Verte - 1988 - Belgique SF, Fantasy - Roman
Intérêt: *
Ce petit roman destiné à de jeunes lecteurs a été publié
dans la Bibliothèque Verte. Il s’agit du neuvième et
dernier volume de la série « Les évadés du
temps » imaginée par Philippe Ebly. Cette série
raconte les aventures de quatre adolescents un peu
particuliers: Didier et Thierry, deux ados
« normaux », Kouroun venu d’un monde
parallèle, et Noïm, être magique aux pouvoirs
extraordinaires. Les quatre amis voyagent dans le temps
grâce à l’aide fournie par une entité mystérieuse, un
« muwgh ».
Dans Les dix jours
impossibles, ils se font envoyer en 1597 parce que
Thierry veut s’incarner (momentanément) dans la peau de
Richelieu, alors adolescent (oui, c’est aussi un pouvoir
que leur confère leurs expéditions dans le temps…). Mais
par suite d’un petit dérapage, les ados se retrouvent en
1618 et dans un monde parallèle : ce n’est pas Louis
XIII qui a succédé à son père Henri IV mais son frère
Gaston, devenu Gaston Ier. Quelque peu affolés, il leur
faut trouver le moyen de revenir dans la bonne trame
temporelle…
Dans leur errance à travers Paris, ils tirent d’un
mauvais pas un autre garçon de leur âge, un jeune
gentilhomme du nom de René d’Herblay - le futur Aramis -
avec qui ils se lient d’amitié. Les cinq jeunes gens se
lancent dans un périple à travers le temps, qui les
emmène dans un futur inquiétant peuplé de mutants à
quatre yeux, avant de revenir dans le passé à temps pour
sauver de la maladie le dauphin futur Louis XIII,
empêchant ainsi sa mort prématurée et donc son
remplacement sur le trône par son frère Gaston. Tout
rentre dans l’ordre.
Ce court roman de science-fiction/fantastique repose sur
des personnages et une intrigue passablement biscornus
et pas très convaincants. Son principal intérêt, en
fait, tient au personnage d’Aramis. On le voit jeune
aristocrate désargenté, plein d’ambitions, aux dehors
charmeurs et à la volonté de fer. Ayant compris, à
l’attitude de ses amis venus du futur (ce qui ne le
perturbe pas plus que ça) qu’il deviendrait un jour un
personnage célèbre, il ne leur demande pas de détails
mais se contente d’apprendre, à son grand plaisir, qu’il
finira duc (voir extrait ci-dessous). Et le jeune Aramis
n’hésitera pas à changer de trame temporelle pour suivre
ses nouveaux amis…
Merci à Mihai-Bogdan
Ciuca de m'avoir signalé ce texte.
Extrait du chapitre 8
« Qui prend la première garde?
- Moi! répondirent Aramis et Didier, presque en même
temps.
- D’accord. Dans deux heures, ce sera mon tour avec
Noïm. Après, nous verrons.»
Cinq minutes plus tard, Kouroun, Noim et Thierry
dormaient tranquillement, tandis qu'Aramis et Didier
surveillaient les environs. Pendant la première
demi-heure, aucun des deux ne parla. Ensuite Didier
chuchota une question, puis une autre. Aramis répondit
et, très vite, il en vint à se livrer un peu car la nuit
est propice aux confidences.
« Non, Didier. Ne t'imagine pas que je sois riche. Je
suis gentilhomme, assurément, mais Herblay n'est pas un
vrai château. C'est un petit manoir dont la toiture
prend l'eau. Et où le seigneur est presque aussi pauvre
que ses paysans. »
Tout en se confiant ainsi, Aramis ne cessait d'observer
les ruines autour de lui d'un regard toujours attentif.
« Si je suis mousquetaire plus tard, il faudra que
j'achète mon équipement, et ce n'est pas rien. Un bon
cheval vaut cent pistoles, et un domestique coûte trente
sous par jour. Cet argent-là ne tombera pas du ciel, et
ce ne sont pas les quelques métairies d'Herblay qui
pourront le fournir. Non, Didier. Ce n'est pas gai
d'être noble quand on n'est pas riche. Mais, corbleu! Je
ne veux pas continuer ainsi. Je ferai ma fortune à
travers tout, ou j'y perdrai la vie. »
Il y avait de l'amertume dans sa voix, et Didier préféra
changer de sujet.
(…)
Aramis reprit la parole.
« Écoute-moi, Didier. L'autre soir, à l'auberge de l'Ane
Rouge, tu m'as dit que je serais célèbre plus tard. Dans
sept ou huit ans. Cela, tu l'as lu quelque part?
- Oui.
- Et tu sais sans doute beaucoup d'autres choses dont tu
n'as pas voulu parler.
- Oui. »
Aramis se tut, regardant longuement autour de lui, comme
s'il hésitait à poser d'autres questions.
« Écoute, dit-il encore. Je ne veux pas te demander ce
qui va m'arriver. Ces choses-là, il ne faut pas chercher
à les connaître trop tôt. Mais j'aimerais quand même en
savoir un peu plus.
- Bien sûr! » fit Didier.
A son tour, il hésita. Puis il se décida.
«Voilà! Tu changeras de nom trois fois dans ta vie.
Bientôt, on t'appellera Aramis, et ça durera quelques
années.
- Bien. Continue.
- Ensuite, tu seras Monseigneur d'Herblay. Et plus tard…
- Beaucoup plus tard?
- Oui. Longtemps après, on t’appellera duc d'Alaméda. »
Aramis observait les ruines à ce moment précis - et
Didier crut d'abord qu'il n'avait pas entendu la
dernière phrase, car il resta quelques instants sans
prononcer un mot, ni faire un seul geste. Puis il répéta
simplement, à voix très basse:
« Duc... En es-tu sûr? Vraiment sûr?
- Oui.
- Merci, Didier. Rien ne pouvait me faire plus de
plaisir que cela. Mais à présent, regarde là-bas. »
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