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Le fils de d’Artagnan
Suite des Trois mousquetaires

Paul Féval fils

249 pages
1914 - France
Roman

Intérêt: *

 

Premier des nombreux romans inspirés de Dumas écrits par Féval fils, Le fils de d'Artagnan porte en sous-titre, en toute simplicité, Suite des Trois mousquetaires. Il s'agirait plutôt, en fait, d'une"suite du Vicomte de Bragelonne", puisque l'action se déroule après la mort de d'Artagnan. Le livre n'en ignore pas moins complètement la mort d'Athos, à la fin de la trilogie de Dumas, et le fait apparaître, toujours en activité chez les mousquetaires, longtemps après la disparition de d'Artagnan.

Le fils de d'Artagnan, prénommé Georges, est issu des amours du fringant mousquetaire et d'une orpheline italienne, Térésina, rencontrée lors d'uns mission diplomatique à Rome. Séparé de sa mère, seul au monde, Georges se retrouve à Paris, où il est hébergé par Planchet, devenu aubergiste, avant d'être adopté par Athos.

D'Artagnan junior ne joue cependant pas le rôle principal dans le roman qui porte son nom. L'essentiel du récit se concentre sur les malheurs du comte René d'Ablincourt, de sa femme Inès de Sandoval et de leur fille Marie.

Persécutés par l'infâme baron de Souvré, les trois sont séparés les uns des autres seize ans durant, avant de se retrouver miraculeusement, avec l'aide de Georges d'Artagnan.
Le récit repose intégralement sur des coïncidences toutes plus ahurissantes les unes que les autres, sans le moindre souci de vraisemblance dans le déroulement de l'histoire. Il s'interrompt sur l'enlèvement de Marie par Souvré, juste après que sesparentsse soient - et l'aient - retrouvés, de façon à annoncer la suite, La vieillesse d'Athos. Même si le livre n'est pas mal écrit, il s'agit là du plagiat typique desMousquetaires, dépourvu d'inspiration et de créativité.

Cela n'a pas empêché l'ouvrage d'être publié à l'étranger. Voir ci-dessous les couvertures d'une édition en langue tchèque (1925) et d'une édition espagnole en trois volumes, aimablement communiquées par Peter Richter, ainsi que la couverture des Editions Ollendorff.

 Voir les arbres généalogiques de d'Artagnan et Athos

 

Extrait du chapitre 6 Une créature de M. de Louvois

Un jour, qu'ayant franchi les Pyrénées, en compagnie de deux écuyers qui formaient son escorte, (le baron de Souvré) était rentré en France et avait atteint la Gascogne, il s'arrêta à l'entrée d'un village qui avait nom Blessac.

Quand il y arriva, il était seul ayant, par caprice sans doute, fourni un assez long temps de galop qui l'avait momentanément séparé de sa suite.

Avisant une auberge, la seule, d'ailleurs qui existât, il héla un jeune garçon, assis au soleil et dans la chevelure blonde duquel l'astre, à son déclin, mettait des reflets pourprés.

- Holà! manant, - cria-t-il. - Viens ça!

Celui à qui s'adressaient ces mots ne répondit pas.

Le baron de Souvré, fronçant le sourcil, reprit en élevant davantage la voix:

- M'as-tu entendu, drôle?.. viens ça!

L'adolescent, dont le costume et la tournure semblaient révéler qu'il était d'unecondition au-dessus de celle des villageois, regarda alors autour de lui et, se voyant seul, ne douta plus que ces paroles fussent à son adresse.

Lentement, il se leva, secoua les boucles d'or qui entouraient son visage d'enfant, s'approcha de l'insolent qui venait de l'apostropher et, presque souriant, lui demanda:

- Ce n'est pas à moi que vous parlez, n'est-ce pas, monsieur?

- Si fait!

- Ah!... Et vous m'appelez ...?

- Drôle!... manant! - répondit le baron, trop heureux d'éclabousser un vilain. - Mais, trêve de verbiage et réponds-moi!

- Oh!... oh!... oh!... - fit par trois fois le jeune garçon, en montant la gamme. - Avant cela, monsieur, vous plairait-il de descendre de votre monture?

- Et pourquoi, s'il te plaît?

- Pour que je vous fasse rentrer dans la gorge les insolences que vous m'avez gratuitement prodiguées, - répliqua le blondin, qui commençait à s'échauffer et dont le sang s'était subitement porté au visage.

- Qu'est-ce à dire? - s'écria M. de Souvré avec hauteur.

- Allons, houst! Pied à terre et vivement! - continua le petit homme en saisissant l'une des bottes du cavalier.

Celui-ci, qui tenait une houssine, la leva sur l'impertinent.

Mais, avant qu'elle n'ait atteint le but, brusquement tiré de sa selle, il vidait les étriers et allait s'étaler tout de son long sur la route poudreuse.

Le baron poussa un retentissant juron et se releva en mettant l'épée à la main.

La vue de la lame brillante ne parut pas trop impressionner le garçon, qui se contenta de faire quelques pas en arrière et cria:

- Papa Manifou! passez-moi ma brette!

La porte de l'auberge s'ouvrit. Une bonne et loyale figure de vieillard apparut en demandant:

- Qu'y a-t-il, chevalier?

- Ma brette!... vite! - répéta le jouvenceau, - ou je vais être assassiné!

A ce moment, le baron hors de lui, fondait sur l'enfant. Une seconde encore, et le petit blondin allait être transpercé, quand l'épée de l'insolent gentilhomme vola en éclats sous le choc du lourd bâton sur lequel s'appuyait le vieillard l'instant précédent.

- Patience, monsieur, - prononça en même temps ce dernier, en allant se placer entre l'antagoniste du jeune homme et les tronçons de sa rapière. - Patience! Quand l'enfant aura la sienne, on vous fournira une autre lame et vous n'aurez rien perdu en attendant, bagasse!

Parlant ainsi, il se tenait les bras croisés devant le gentilhomme furieux et le fixait froidement.

- Arrière! - hurla le baron.

Le blondin, qui s'était élancé dans la maisonnette, en ressortait, tenant deux vieilles rapières, grossièrement façonnées et dont les derniers des reîtres n'eussent pas voulu se servir.

Il en jeta une aux pieds de M. de Souvré.

Le vieillard s'effaça.

- Ramassez cette épée! - dit-il, - et que la danse commence!... Mordious! le chevalier Georges va vous enseigner une "courante" dont vous n'avez pas la plus légère idée!

Le baron se saisit de l'arme et, comme le vieillard et l'enfant croyaient qu'il allait tomber en garde, ils l'entendirent crier:

- A moi! sus à ces manants!

Les deux écuyers arrivaient au galop sur le lieu de la scène.

Celui que papa Manifou appelait le "chevalier Georges" se précipita au-devant des survenants qui avaient dégainé, et déjà les fers se choquaient quand les habitants de Blessac, attirés par le bruit, firent irruption.

En somme, c'était un des leurs qu'on attaquait, et un gros luron qui, de loin, avait été témoin de l'agression, avait eu le temps de raconter ce qui s'était passé.

L'émulation guerrière gagna les villageois. Ils se ruèrent sur les trois assaillants, en opposant à leurs épées des fourches, des pelles et des fléaux.

- Laissez-les-moi! Laissez-les-moi donc! - hurlait le jeune garçon en se démenant comme un diable. - Je veux châtier comme il le mérite cet impudent butor et faire un pas de conduite à ses valets.

Mais un rempart vivant s'était dressé devant lui, le contraignant à abandonner la partie.
Les femmes et les enfants, est-il besoin de le dire, surexcités par l'exemple, n'étaient pas les moins acharnés à cette besogne inaccoutumée.

Ils firent voler une telle grêle de pierres que les deux écuyers n'eurent que bien juste le temps de tourner bride et encore ne purent-ils qu'à grand peine se frayer un passage à travers la cohue déchaînée contre eux.

Le baron de Souvré, surtout, se fit remarquer par sa promptitude à sauter sur son cheval et à piquer des deux, en abandonnant sur le champ de bataille non seulement une épée brisée, mais aussi la vieille rapière qu'on avait eu la loyauté de lui offrir pour vider sa querelle.

Il était parvenu à rompre le cercle des paysans et, suivi de ses écuyers, s'élançait déjà sur la route qui se déroulait devant lui, quand le père Manifou, mécontent de n'avoir pu assister à la leçon de "courante" qu'il avait annoncée, lui lança comme suprême satisfaction:

- Tu as insulté le chevalier en bravache et tu fuis en lièvre!... Rappelle-toi, bagasse! que tu as été culbuté par le fils de d'Artagnan!



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