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Le fils de d’Artagnan
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Extrait du chapitre 6 Une créature de M. de Louvois
Un jour, qu'ayant franchi les Pyrénées, en compagnie
de deux écuyers qui formaient son escorte, (le baron de
Souvré) était rentré en France et avait
atteint la Gascogne, il s'arrêta à l'entrée
d'un village qui avait nom Blessac.
Quand il y arriva, il était seul ayant, par caprice sans
doute, fourni un assez long temps de galop qui l'avait momentanément
séparé de sa suite.
Avisant une auberge, la seule, d'ailleurs qui existât,
il héla un jeune garçon, assis au soleil et dans
la chevelure blonde duquel l'astre, à son déclin,
mettait des reflets pourprés.
- Holà! manant, - cria-t-il. - Viens ça!
Celui à qui s'adressaient ces mots ne répondit
pas.
Le baron de Souvré, fronçant le sourcil, reprit
en élevant davantage la voix:
- M'as-tu entendu, drôle?.. viens ça!
L'adolescent, dont le costume et la tournure semblaient révéler
qu'il était d'unecondition au-dessus de celle des villageois,
regarda alors autour de lui et, se voyant seul, ne douta plus
que ces paroles fussent à son adresse.
Lentement, il se leva, secoua les boucles d'or qui entouraient
son visage d'enfant, s'approcha de l'insolent qui venait de l'apostropher
et, presque souriant, lui demanda:
- Ce n'est pas à moi que vous parlez, n'est-ce pas, monsieur?
- Si fait!
- Ah!... Et vous m'appelez ...?
- Drôle!... manant! - répondit le baron, trop heureux
d'éclabousser un vilain. - Mais, trêve de verbiage
et réponds-moi!
- Oh!... oh!... oh!... - fit par trois fois le jeune garçon,
en montant la gamme. - Avant cela, monsieur, vous plairait-il
de descendre de votre monture?
- Et pourquoi, s'il te plaît?
- Pour que je vous fasse rentrer dans la gorge les insolences
que vous m'avez gratuitement prodiguées, - répliqua
le blondin, qui commençait à s'échauffer
et dont le sang s'était subitement porté au visage.
- Qu'est-ce à dire? - s'écria M. de Souvré
avec hauteur.
- Allons, houst! Pied à terre et vivement! - continua
le petit homme en saisissant l'une des bottes du cavalier.
Celui-ci, qui tenait une houssine, la leva sur l'impertinent.
Mais, avant qu'elle n'ait atteint le but, brusquement tiré
de sa selle, il vidait les étriers et allait s'étaler
tout de son long sur la route poudreuse.
Le baron poussa un retentissant juron et se releva en mettant
l'épée à la main.
La vue de la lame brillante ne parut pas trop impressionner le
garçon, qui se contenta de faire quelques pas en arrière
et cria:
- Papa Manifou! passez-moi ma brette!
La porte de l'auberge s'ouvrit. Une bonne et loyale figure de
vieillard apparut en demandant:
- Qu'y a-t-il, chevalier?
- Ma brette!... vite! - répéta le jouvenceau, -
ou je vais être assassiné!
A ce moment, le baron hors de lui, fondait sur l'enfant. Une
seconde encore, et le petit blondin allait être transpercé,
quand l'épée de l'insolent gentilhomme vola en
éclats sous le choc du lourd bâton sur lequel s'appuyait
le vieillard l'instant précédent.
- Patience, monsieur, - prononça en même temps ce
dernier, en allant se placer entre l'antagoniste du jeune homme
et les tronçons de sa rapière. - Patience! Quand
l'enfant aura la sienne, on vous fournira une autre lame et vous
n'aurez rien perdu en attendant, bagasse!
Parlant ainsi, il se tenait les bras croisés devant le
gentilhomme furieux et le fixait froidement.
- Arrière! - hurla le baron.
Le blondin, qui s'était élancé dans la maisonnette,
en ressortait, tenant deux vieilles rapières, grossièrement
façonnées et dont les derniers des reîtres
n'eussent pas voulu se servir.
Il en jeta une aux pieds de M. de Souvré.
Le vieillard s'effaça.
- Ramassez cette épée! - dit-il, - et que la danse
commence!... Mordious! le chevalier Georges va vous enseigner
une "courante" dont vous n'avez pas la plus légère
idée!
Le baron se saisit de l'arme et, comme le vieillard et l'enfant
croyaient qu'il allait tomber en garde, ils l'entendirent crier:
- A moi! sus à ces manants!
Les deux écuyers arrivaient au galop sur le lieu de la
scène.
Celui que papa Manifou appelait le "chevalier Georges"
se précipita au-devant des survenants qui avaient dégainé,
et déjà les fers se choquaient quand les habitants
de Blessac, attirés par le bruit, firent irruption.
En somme, c'était un des leurs qu'on attaquait, et un
gros luron qui, de loin, avait été témoin
de l'agression, avait eu le temps de raconter ce qui s'était
passé.
L'émulation guerrière gagna les villageois. Ils
se ruèrent sur les trois assaillants, en opposant à
leurs épées des fourches, des pelles et des fléaux.
- Laissez-les-moi! Laissez-les-moi donc! - hurlait le jeune garçon
en se démenant comme un diable. - Je veux châtier
comme il le mérite cet impudent butor et faire un pas
de conduite à ses valets.
Mais un rempart vivant s'était dressé devant lui,
le contraignant à abandonner la partie.
Les femmes et les enfants, est-il besoin de le dire, surexcités
par l'exemple, n'étaient pas les moins acharnés
à cette besogne inaccoutumée.
Ils firent voler une telle grêle de pierres que les deux
écuyers n'eurent que bien juste le temps de tourner bride
et encore ne purent-ils qu'à grand peine se frayer un
passage à travers la cohue déchaînée
contre eux.
Le baron de Souvré, surtout, se fit remarquer par sa promptitude
à sauter sur son cheval et à piquer des deux, en
abandonnant sur le champ de bataille non seulement une épée
brisée, mais aussi la vieille rapière qu'on avait
eu la loyauté de lui offrir pour vider sa querelle.
Il était parvenu à rompre le cercle des paysans
et, suivi de ses écuyers, s'élançait déjà
sur la route qui se déroulait devant lui, quand le père
Manifou, mécontent de n'avoir pu assister à la
leçon de "courante" qu'il avait annoncée,
lui lança comme suprême satisfaction:
- Tu as insulté le chevalier en bravache et tu fuis en
lièvre!... Rappelle-toi, bagasse! que tu as été
culbuté par le fils de d'Artagnan!
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