Les Fils des Mousquetaires Grand récit de cape et d’épée adapté du film RKO en Technicolor Les Fils des Mousquetaires
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50 pages La Gazette provençale - 1952 - France Roman
Intérêt: *
Le film américain At sword's point réalisé par
Lewis Allen en 1952 a été diffusé en France la même
année sous le titre Les Fils des Mousquetaires.
Curieusement, ce film qui n’a pas marqué l’histoire du
cinéma a été exploité sous de multiples formes en
France. On recense en effet un roman
photo Les Fils des Mousquetaires assez
copieux sorti en 1964, une très courte bande
dessinée parue sous le même titre en 1957 et enfin
une version romanesque.
Celle-ci a accompagné
la diffusion du film dès 1952. Publié dans le quotidien
La Gazette provençale, ce feuilleton a fait l’objet de
dix-neuf livraisons qui se sont étagées entre le 17 juin
et le 8 juillet. Le roman, qui n’est pas signé,
s’accompagne d’un sous-titre éloquent: Grand récit
de cape et d’épée adapté du film RKO en Technicolor
Les Fils des Mousquetaires. La longueur du texte
correspond à une cinquantaine de pages de livre environ.
Cette « novélisation » réalisée à une époque
où le terme n’existait pas se veut fidèle au film. Son
contenu est très proche de la version roman photo assez
détaillée avec ses 53 pages. L’intrigue se déroule dans
un cadre historique très différent de la réalité. Après
la mort de Louis XIII, la régente Anne d’Autriche est
persécutée par l’infâme duc de Nayvalle (bizarrement
nommé ainsi dans le roman alors qu’il s’agit du duc de
Lavalle dans le film), devenu l’homme fort du pays.
Celui-ci a comme objectif de forcer la reine à le
laisser épouser sa fille (imaginaire) Henriette. La
reine est persuadée que si elle accepte, le duc
s’arrangera ensuite pour provoquer le décès du jeune roi
Louis XIV afin de devenir roi à son tour en tant
qu’époux de la princesse Henriette. A titre de
précaution, elle a mis le jeune roi à l’abri dans un
lieu tenu secret. Mais la pression du duc de Nayvalle se
fait de plus en plus forte, avec l’assassinat des
proches de la reine. Désespérée, elle ne voit plus
qu’une solution: demander l’aide des fameux quatre
mousquetaires qui l’ont si bien servie jadis…
Elle leur envoie donc des
émissaires mais pour diverses raisons, aucun des quatre
hommes ne peut intervenir. Qu’à cela ne tienne: leurs
enfants les remplacent. Ça tombe bien: d’Artagnan,
Porthos et Aramis ont des fils qui leur ressemblent
comme deux gouttes d’eau, à tel point qu’on les appelle
du nom de leur père. En ce qui concerne Athos, on voit
arriver un jeune homme fin et élégant qui se présente
comme son fils jusqu’à ce que la vérité éclate: il
s’agit en fait de sa fille, Claire. Celle-ci, qui se bat
aussi bien qu’un homme, entend bien participer à
l’aventure. Autrement dit, les quatre mousquetaires de
Dumas sont remplacés par trois clones et une incarnation
féminine pour Athos.
De nombreuses
péripéties s’ensuivent: les quatre jeunes gens tentent
de mettre Henriette à l’abri, échouent, sont faits
prisonniers. Pour les sauver de la mort, la reine
accepte le mariage de sa fille avec le duc de Nayvalle
(!) mais Claire prend la place de la princesse pendant
la cérémonie nuptiale. Finalement, alors que le duc
retient prisonniers le dauphin et la princesse, les
héros lèvent une petite armée de volontaires pour
prendre d’assaut le château du duc. Tout finit bien et
d’Artagnan va pouvoir filer le parfait amour avec
Claire…
Il est possible que le film soit une réussite de par sa
mise en scène. Mais le roman qui en est tiré n’est pas
un succès. Le récit manque de cohérence et n’est pas
vraiment bien écrit. Autant se reporter au roman photo
pour se faire une idée de l’œuvre d’origine.
Merci à Mihai-Bogdan
Ciuca de m’avoir signalé ce texte.
Extrait du chapitre II
Il n'y avait pas une
demi-heure que (d’Artagnan) chevauchait, lorsqu'il
entendit le bruit d'une galopade derrière lui : trois
hommes à cheval le suivaient manifestement. Il s'arrêta;
les trois hommes aussi. Il repartit, toujours suivi.
Alors il s'arrêta de nouveau et mit pied à terre. Les
trois hommes le rejoignirent : ils portaient la livrée
des gardes.
- Pourquoi me suivez-vous, messieurs ?
- Notre chemin est sans doute le même...
- Et où allez-vous ?
- A Bordeaux.
- Menteurs ! Vous lui tournez le dos...
- Les gardes du duc de Nayvalle ne mentent pas,
sachez-le.
- Sachez alors qu'un mousquetaire de la reine n'aime pas
à être suivi par les gardes du duc.
- Un mousquetaire ! Il se prend pour son père...
Et les trois hommes rirent aux éclats. Furieux,
d'Artagnan dégaina et, de sa rapière, vint claquer la
cuisse d'un cavalier. Les gardes sautèrent alors de
cheval et, en une seconde, éclata une rixe d'une rare
violence. Les épées voltigeaient avec une cliquetis
assourdissant. Les hommes se rendirent bien vite compte
qu'ils avaient affaire à un bretteur d'une prodigieuse
virtuosité. Il ne fallut pas cinq minutes à d'Artagnan
pour envoyer « ad patres » ses trois agresseurs. Avec
beaucoup de calme, il essuya la lame de son épée et de
sa dague, toutes deux ruisselantes de sang et, remontant
sur son cheval, poursuivit sa route.
Soudain, au détour d
une jolie route ombragée d'ormes, il aperçut, allongé
sur l'herbe d'un pré en bordure, un couple, bouche
contre bouche, qui devait se murmurer de bien doux
secrets. La fille, généreusement décolletée, était
blonde et fraiche et de toute évidence guère farouche.
Son partenaire était élégamment mis avec un joli visage,
presque féminin. D'Artagnan descendit de cheval et
s'approcha des amoureux sylvestres.
- J’espère que je ne vous dérange pas...
- C’est ton mari ? souffla le jeune homme à la belle.
- Mais non…
- Que voulez-vous ?
- On m'a dit que je trouverais M. Aramis en ces lieux.
- Aramis, c'est mol et vous, qui êtes-vous ?
- D’Artagnan, pour vous servir.
- D’Artagnan ! Je vous attendais justement. Vous
remplacez votre père et moi le mien. Mais avant de
partir, un dernier baiser, chérie.
Le galant Aramis lutina quelques secondes encore la
jolie fermière puis partit avec d'Artagnan pour quérir
Porthos.
Ils furent accueillis dans un petit manoir par le
célèbre compagnon de leurs pères, mais le terrible et
bon géant ne put se lever de son fauteuil où le retenait
une crise, d'ailleurs chronique de goutte.
- Vous survenez ici comme les fantômes d un passé loin.
Ainsi, voici leurs fils... Petit, cria-t-il d'une voix
de stentor.
- Oui, père, et l'on vit entrer un colosse qui
ressemblait comme deux gouttes d'eau au mousquetaire.
- Je te présente Aramis et d'Artagnan et puisque je ne
puis quitter ce damné fauteuil, tu vas partir avec eux
pour le service de Sa Majesté.
Les trois jeunes hommes se serrèrent la main avec
effusion puis reprirent en cœur la devise qui avait été
celle de leurs pères : « Un pour tous ! Tous pour un !
».
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