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The Long Arm of Mannister

E. Phillips Oppenheim

278 pages
Little, Brown & Co - 1908 - Royaume-Uni
Roman

Intérêt: *

 

Ce roman a-t-il sa place sur pastichesdumas? La question pourrait être âprement débattue… Pour: il s’agit d’une pure histoire de vengeance que l’on peut voir comme s’inscrivant dans la lignée du Comte de Monte-Cristo. Contre: les différences avec le roman de Dumas sont profondes et l’on ne peut pas considérer que toutes les histoires de vengeance sont tirées de Monte-Cristo… Pour, en définitive: il ne fait guère de doute que la vengeance d’Edmond Dantès a directement inspiré l’auteur qui cite lui-même Monte-Cristo dans son livre; le roman est de fort bonne qualité; il n’est pas sans intérêt de donner sur pastichesdumas un exemple de ce type de roman influencé par Monte-Cristo sans en être une transposition complète - ce qui ne veut pas dire que toutes les histoires de vengeance trouveront à l’avenir leur place sur ce site!

The Long Arm of Mannister est une œuvre de l’écrivain britannique E. Phillips Oppenheim (1866-1946), auteur d’une très abondante production de romans policiers et d’espionnage, dont un autre roman inspiré par Monte-Cristo: Mr. Wingrave, millionnaire. Bizarrement, le livre est généralement catalogué comme un recueil de nouvelles dans la nomenclature des œuvres de l’écrivain alors qu’il s’agit incontestablement d’un roman. Mais il se trouve que les dix chapitres ont été publiés successivement d’octobre 1907 à août 1908 dans la revue The Cosmopolitan et que chacun contient un épisode complet de la vengeance du héros, d’où un aspect de « nouvelles ». Il n’en demeure pas moins que chaque chapitre enchaîne sur les précédents et que la lecture de l’un d’entre eux pris au hasard n’aurait guère de sens. L’histoire a bien un début et une fin avec les chapitres 1 et 10.

Le premier chapitre est consacré à la fuite désespérée d’un couple dans une région désolée. Un ennemi les pourchasse méthodiquement, apparemment depuis de longs mois et tout autour de la planète. Epuisés, à bout de forces, incapables de réagir, l’homme, Sinclair, et la femme, Christine, sont enfin rejoints par leur ennemi qui, sont-ils persuadés, va les tuer. Il n’en est rien. Ce dernier, Mannister, veut quelques informations. On comprend que Christine était l’épouse adorée de Mannister. Sinclair l’a séduite, amenant Mannister à quitter l’Angleterre. Et pendant son absence, un groupe d’amis de Sinclair et de Mannister s’est employé à dépouiller ce dernier de sa fortune. Celui-ci oblige donc Sinclair à lui donner le nom des huit autres conjurés. En échange, il laisse la vie sauve au couple, se déclarant satisfait de les voir psychologiquement détruits par la terreur et le remords qu’ils éprouvent.

Les huit chapitres suivants sont consacrés à la description de la vengeance imaginée par Mannister à l’encontre de chacun de ses huit ennemis, l’un après l’autre. Différentes à chaque fois, les modalités de ces vengeances sont adaptées à chaque cas particulier. Une accusation de vol empêche tel ennemi de conclure un beau mariage qui l’aurait sauvé de la misère. Mannister en pousse un autre à monter une escroquerie avant de faire échouer celle-ci. Il fait prendre la main dans le sac un troisième en plein cambriolage, l’amenant à se suicider, et ainsi de suite. Une fois les coupables châtiés, le dernier chapitre donne lieu à un « happy end »: Mannister comprend que son épouse ne l’a quitté pour Sinclair que parce qu’elle a été trompée et manipulée. Il pardonne et les deux se retrouvent.


Les différences entre The Long Arm of Mannister et Le comte de Monte-Cristo sont évidemment gigantesques. Il n’y a rien dans le roman britannique qui corresponde à l’emprisonnement au château d’If, à l’abbé Faria, à la transformation de Dantès en quasi surhomme, ni même à la découverte du trésor. Très curieusement, l’auteur ne donne aucun détail sur les malversations financières dont Mannister a été victime. Tout ce que l’on en sait, c’est qu’elles ont été substantielles mais sans le ruiner. Quand il entame sa vengeance, il dispose encore de moyens financiers importants, plus que ses ennemis qui sont tous plus ou moins en difficultés financières.

Au chapitre de la vengeance aussi on trouve des différences importantes: Mannister ne dissimule pas son identité, il n’est pas tout puissant et ses adversaires sont plutôt minables. Et pourtant, la « marque de Monte-Cristo » apparaît clairement. Mannister monte une vengeance spécifique contre chacun de ses ennemis. Pour ce faire, il enquête soigneusement sur eux et utilise leurs faiblesses, leurs secrets cachés pour les retourner contre eux. Ils tombent victimes de leurs propres turpitudes plus que de machinations montées de bout en bout par Mannister. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les conjurés ne savent pas, au début, quoi penser du retour de celui-ci. Ils pensent qu’il ne connaît pas leur rôle dans le complot dont il a été victime, ne sachant pas que Sinclair a tout avoué. Si bien qu’ils affectent d’accueillir le revenant parmi eux comme un ami. Ce dernier joue au chat et à la souris avec eux, affectant les relations les plus cordiales, tout comme Monte-Cristo avec ses ennemis à Paris. Et puis, au fur et à mesure de la chute de leurs associés, les « survivants » réalisent petit à petit que Mannister est bien revenu pour se venger (voir extrait ci-dessous).

L’esprit du roman de Dumas se retrouve donc bien dans The Long Arm of Mannister. Ce n’est d’ailleurs certainement pas un hasard si Oppenheim cite deux fois Monte-Cristo, au début et à la fin de son roman. La première fois, Mannister explique à Sinclair que la conjuration ne l’a pas réellement ruiné (c’est la trahison de son épouse qui l’a vraiment atteint): « vos amis ont dû être un peu déçus. Je n’ai jamais voulu garder tous mes œufs dans le même panier. Ils me regardaient comme une sorte de Monte-Cristo mais j’avais plus d’une grotte au trésor ». Et vers la fin de sa vengeance, il médite ainsi: « un par un, les gens qui m’ont volé en ont payé le prix. Je crois qu’il faut que je m’arrête très vite ou je vais commencer à penser que je suis un descendant de Monte-Cristo ».

De profondes différences combinées à une nette influence: Mannister mérite de figurer parmi les romans inspirés par le chef d’œuvre de Dumas. D’autant que sa lecture est fort réjouissante: bien écrit, assez bref, sa structure en épisodes distincts le rend très rythmé. Enfin, Oppenheim évoque fort bien ce milieu très particulier des jeunes gens oisifs et désargentés évoluant aux lisières du « beau monde » de l’Angleterre des années 1900, toujours prêts à monter un mauvais coup pour préserver leur style de vie.
Merci à John Rimbauld de m’avoir signalé ce livre.

Extrait du chapitre VII The regeneration of Jacobs

"Is this a conspiracy of three?" (Mannister) asked, smiling genially at them. "You seem to be discussing some awful deed."

Hambledon sat down heavily in his seat, and little Jacobs clutched at the tablecloth, but Sophy de la Mere, after her first start, faced him bravely enough.

"I have just been told about poor Colin," she said. "It was rather a shock to me."

Mannister shrugged his shoulders.

"It was a most unfortunate occurrence," he said, "but better men than he have suffered for making love to two women at the same time. One must pay for one's luxuries, you know. Don't you agree with me, Hambledon?"

"One has always to pay, of course," Hambledon muttered, "but it was a great price. They say that he is blind for life, and that he has sworn never to be seen upon the streets."

"The streets will be the purer then," Mannister answered calmly. "I am afraid that I am not a sentimentalist. I have yet to find the man or the woman who knew Colin Stevens and was not the worse for it."

Sophy de la Mere patted her dog's head for a moment, and looked absently up the room to where her two admirers were sitting.

"Justice," she said, "is sometimes cruel, and justice seems to have been rather busy amongst us lately, Mr. Mannister. Let me see. There is Colin Stevens, blind and disfigured for life. Polsover, disgraced and exiled. Traske, robbed of an heiress and a chance of reformation, cleaning boots at a Toronto railway station. Then there is John Dykes, degenerated into a burglar and dead — temporary insanity, the jury said, but it was very nearly felo de se. Sinclair, gone God knows where. Rundermere, starving at a gambling hell in Cairo. Justice indeed seems to have been rather busy amongst our friends just lately — or should you call it retribution!"

Mannister smiled thoughtfully.

"Certainly," he remarked, "we have been unfortunate. Still, you and our friends Hambledon and Jacobs here, remain."

Sophy de la Mere looked him squarely in the face.

"For how long?" she answered. "Whose turn is it next?"


 

 

 

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