Rita Hayworth and Shawshank Redemption in Different seasons
Stephen King
93 pages 1982 - États-Unis Nouvelle
Intérêt: *
Cette longue nouvelle – ou ce bref roman – de l’auteur
de best-sellers Stephen King est un cas bien particulier
en ce qui concerne les centres d’intérêt de ce site: les
points de vue sont très partagés sur les relations que
l’on peut établir entre ce texte et Le comte de
Monte-Cristo.
L’histoire est racontée par Red,
un meurtrier enfermé dans le pénitencier de Shawshank,
et qui est le débrouillard de la prison, celui qui a des
contacts avec l’extérieur et peut se procurer aux
prisonniers, moyennant finances, ce dont ils ont besoin.
Son récit est consacré à un autre prisonnier, Andy
Dufresne. Cet homme, foncièrement honnête et droit, a
été condamné à mort pour le meurtre de sa femme et de
l’amant de celle-ci. Un meurtre qu’il n’a pas commis,
mais pour lequel tout l’accusait.
Condamné à la perpétuité, Andy découvre l’horreur de la
prison: la promiscuité, les violences sexuelles,
l’arbitraire total des gardiens, la violence
omniprésente… Au bout d’un certain temps, il acquiert un
statut privilégié dans l’établissement grâce à ses
compétences professionnelles: ancien banquier, il
conseille les gardiens et le directeur sur leurs
problèmes financiers, fiscaux et juridiques. Ce qui lui
vaut un traitement de faveur: protection contre les
violences, cellule individuelle, etc.
Reste que le jour où, par le biais d’un nouvel arrivant,
il recueille des informations susceptibles de permettre
d'identifier le vrai coupable, le directeur de la prison
– un homme particulièrement sadique – l’empêche de les
utiliser (voir extrait ci-dessous).
Après une effroyable crise de rage, sa vie de prisonnier
continue comme avant. Jusqu’à ce que, beaucoup plus
tard, Andy disparaisse de la prison: il apparaît alors
que le prisonnier modèle a consacré quelque vingt-cinq
ans à préparer une stupéfiante évasion. Après quoi, il
est parti au Mexique, vivre de ses économies qu’il avait
réussi à dissimuler avant sa condamnation.
Ce récit est-il démarqué de Monte-Cristo? Nombre
de lecteurs en sont persuadés. Les points communs sont
évidents: l’innocent injustement condamné,
l’emprisonnement épouvantable, l’évasion extraordinaire…
La présentation du texte dans l’encyclopédie en ligne
Wikipedia est catégorique: «cette histoire est une
version modernisée du Comte de Monte-Cristo
d’Alexandre Dumas», affirme-t-elle.
Un spécialiste comme Gennady Ulman considère que les
similitudes vont beaucoup plus loin: Red initie Andy à
la vie en prison, tandis que ce dernier le fait profiter
de sa culture, les deux hommes jouant chacun vis-à-vis
de l’autre le rôle de l’abbé Faria envers Edmond Dantès;
l’évasion d’Andy est une terrible vengeance envers le
directeur de la prison, qui évoquerait à la fois
Villefort et Danglars; Rita Hayworth – dont le nom
apparaît dans le titre car Red a procuré à Andy un
poster de l’actrice pour orner le mur de sa cellule –
serait le symbole de Mercédès, la fiancée d’Edmond
Dantès; à la fin de l’histoire, Andy est libre et
profite de son argent, comme Monte-Cristo…
Il n’en demeure pas moins que le récit de King diffère
très profondément selon moi de celui de Dumas, sur des
points essentiels. Le fait qu’Andy n’est pas victime
d’un complot mais plutôt d’un concours de circonstances
est une première différence fondamentale. Il en résulte
logiquement une autre, tout aussi importante: après son
évasion, Andy n’entreprend aucune vengeance.
Les interminables années d’emprisonnement, enfin, n’ont
apporté à Andy ni des pouvoirs ou connaissances
exceptionnels, ni la moindre fortune (l’argent dont il
profite après son évasion a toujours été le sien).
Bref, un hommage à Monte-Cristo dans lequel il
n’y a ni complot, ni transformation de la victime, ni
enrichissement, ni vengeance, ne saurait, à mon sens,
être véritablement un hommage à Monte-Cristo. Ce
qui n’empêche en rien le texte de King d’être absolument
passionnant !
Extrait
Andy was silent for a moment, and then he burst out:
"Well, it's a chance, isn't it?"
"Yes, of course it is. So just for a moment, Dufresne,
let's assume that Blatch exists and that he is still
ensconced in the Rhode Island State Penitentiary. Now
what is he going to say if we bring this kettle of fish
to him in a bucket? Is he going to fall down on his
knees, roll his eyes, and say: 'I did it! I did it! By
all means add a life term onto my charge!'?"
"How can you be so obtuse?" Andy said, so low that
Chester could barely hear. But he heard the warden just
fine.
"What? What did you call me?"
"Obtuse!" Andy cried. "Is it deliberate?"
"Dufresne, you've taken five minutes of my time — no,
seven — and I have a very busy schedule today. So I
believe we'll just declare this little meeting closed
and—"
"The country club will have all the old time-cards,
don't you realize that?" Andy shouted. "They'll have
tax-forms and W-twos and unemployment compensation
forms, all with his name on them! There will be
employees there now that were there then, maybe Briggs
himself! It's been fifteen years, not forever! They'll
remember him! They will remember Blatch! If I've
got Tommy to testify to what Blatch told him, and Briggs
to testify that Blatch was there, actually working
at the country club, I can get a new trial! I can—"
"Guard! Guard! Take this man away!"
"What's the matter with you?" Andy said, and Chester
told me he was very nearly screaming by then. "It's my
life, my chance to get out, don't you see that? And you
won't make a single long-distance call to at least
verify Tommy's story? Listen, I'll pay for the call!
I'll pay for—"
Then there was a sound of thrashing as the guards
grabbed him and started to drag him out.
"Solitary," Warden Norton said dryly. He was probably
fingering his thirty-year pin as he said it. "Bread and
water."
And so they dragged Andy away, totally out of control
now, still screaming at the warden; Chester said you
could hear him even after the door was shut: "It's my
life! It's my life, don't you understand it's my life?"
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