Le bagne d’Edenia
Jean-Pierre Garen
220 pages Fleuve Noir - 1974 - France SF, Fantasy - Roman
Intérêt: *
Ce court roman de science-fiction reproduit de très près
la trame du Comte de Monte-Cristo, transposé dans
un futur galactique. Ed (Edmond) Tand (le début de Dantès
à l’envers) est un jeune lieutenant à bord du vaisseau
spatial Betelgeuse. Juste avant de mourir, le commandant
nomme Ed à sa place, de préférence au premier lieutenant.
Mais dès l’escale suivante, Ed est arrêté, accusé d’être
un trafiquant de Phim, une drogue redoutable qui fait
depuis quelque temps des ravages dans les planètes de
l’Union Terrienne. Une quantité de drogue ayant été
trouvée dans sa cabine, Ed est envoyé sur la planète
prison d’Edenia.
Celle-ci
est un véritable enfer. Elle est infestée de mantes
monstrueuses qui attaquent les hommes dès qu’ils se
risquent hors de la base. Les prisonniers sont condamnés à
chasser les mantes dont ils doivent tuer un certain nombre
pour avoir le droit de manger. Ed se révèle d’une habileté
redoutable dans la chasse aux mantes, chasse qu’il mène en
faisant équipe avec un vieux prisonnier, Abe (abbé) Raf
(le début de Faria à l’envers), que tout le monde
considère comme fou. Abe est un scientifique de génie. Il
trouve le moyen d’élaborer un dispositif à base de pierres
dotées de propriétés électromagnétiques capable de forcer
à atterrir un vaisseau spatial passant dans les parages
(!). Avant de mourir, il livre à Ed le secret de ce
dispositif, qui lui permettra un jour de s'évader, ainsi
que celui d’une découverte scientifique fabuleuse: un
laser tout puissant capable de remplacer les armements les
plus sophistiqués. Il fait également comprendre au jeune
homme que ses collègues à bord du Betelgeuse, y compris sa
fiancée Line, sont responsables de la machination qui l’a
fait envoyer sur Edenia.
Pendant ce temps, des envahisseurs venus d’une autre
galaxie, les Xuls, attaquent les planètes de l’Union
Terrienne qui vont de défaite en défaite. Les pierres
électromagnétiques d’Ed forcent à atterrir près de lui un
petit vaisseau occupé par une extraterrestre. Celle-ci lui
apprend qu’elle fait partie d’une race asservie par les
Xuls. Elle lui révèle également que le Phim est une drogue
introduite par ces derniers pour affaiblir les peuples
qu’ils comptent envahir. Elle prend Ed dans son vaisseau
et ils vont de concert récupérer l’arme secrète d’Abe Raf
sur l’astéroïde où elle était cachée. Ed va alors aider
son peuple, les Kaliens, à se débarrasser des Xuls grâce à
son arme.
Quelque temps plus tard, un vaisseau kalien prend contact
avec les humains. Tor, le Kalien qui le dirige (dont on
comprend tout de suite que c’est Ed qui a pris cette forme
extraterrestre), affirme vouloir établir des relations
commerciales entre les deux peuples. Il fait connaissance
des dirigeants de la Terre parmi lesquels figurent les
anciens compagnons d’Ed à bord du Betelgeuse, qui ont fait
des carrières fulgurantes et sont devenus puissants et
richissimes. Tor/Ed découvre que ses anciens compagnons de
bord trahissent l’humanité: l’un, devenu chef de l’armée,
est à la solde des Xuls, l’autre, homme d’affaires, dirige
le trafic de Phim… Il révèle leur trahison aux autorités,
aide les Terriens à battre les Xuls et repart pour
toujours couler des jours heureux chez les Kaliens.
Le bagne d’Edenia est un roman typique de la
science-fiction Fleuve Noir de l’époque: intrigue assez
naïve, écriture rapide, noms propres extraterrestres
plutôt kitsch... La trame copie directement celle de Monte-Cristo
en la simplifiant évidement beaucoup. Le livre n’est
cependant pas sans qualités. La première partie, sur la
planète Edenia, est en fait très réussie. L’écosystème
imaginé par Garen autour des mantes est convainquant, et
les épreuves terribles que subit son héros pour s’adapter
à cette planète infernale et y survivre sont
impressionnantes. L’auteur y a d’autant plus de mérite que
tout cela constitue une création propre par rapport au
roman de Dumas. La seconde partie consacrée à la vengeance
(qui ne fait qu’un tiers du volume) est en revanche
nettement moins réussie.
Extrait de la deuxième partie La vengeance,
chapitre II Premier contact
Le ministre des Affaires galactiques et le grand amiral
suivirent le Président. Tor et Gals restèrent face à face,
car Crrill semblait se désintéresser de la situation et
Colson, pas encore revenu de sa surprise, essayait
d'imaginer les problèmes qu'il aurait à résoudre.
- Pourrai-je savoir, demanda Gals avec un sourire de
façade, quel genre de biens vous désirez acquérir?
Le Kalien parut réfléchir.
Si notre séjour devait se prolonger quelques semaines, je
ne voudrais pas être à la charge de votre gouvernement. Je
souhaite donc ouvrir un compte et je pense que vous êtes
également banquier.
Mes affaires personnelles nécessitant de constants
mouvements de fonds, j'ai cru préférable, effectivement,
de posséder la meilleure banque de toute l’Union.
Tor sortit d'une poche un sac bien gonflé dont il étala le
contenu devant Gals. Une dizaine de diamants roulèrent sur
la table. Le banquier ferma un instant les yeux, ébloui.
Chacune des pierres avait au moins la taille d'un œuf de
poule!
Je crois savoir que sur Terre ces cailloux ont une
certaine valeur, dit négligemment Tor.
Gals les examina soigneusement et constata qu'ils étaient
de la plus belle eau.
Effectivement ! Si vous me chargez de les vendre, je
pourrai en tirer cinq millions de dols, pièce. Le dol est
notre unité monétaire.
Tor acquiesça et appela Colson.
Capitaine, je dispose d'un crédit de cinquante millions de
dols chez monsieur Gals. Veuillez me trouver avant ce soir
une villa proche de la capitale avec un terrain assez
vaste pour faire atterrir mon astronef. Vous me procurerez
également un véhicule rapide pour que je puisse facilement
visiter votre cité.
Colson allait protester, invoquant la difficulté d'une
telle tâche, , lorsque Gals lui saisit le bras.
Taisez-vous, murmura-t-il, je vais vous aider.
Sans avoir remarqué le manège, Tor poursuivit:
Nous attendrons le résultat de vos démarches dans notre
astronef où nous prendrons un peu de repos.
Gals, au moment de prendre congé, dit :
Je ne doute pas que le brave capitaine exécute
ponctuellement vos ordres, mais voulez-vous me faire
l'honneur de venir ce soir dans ma modeste demeure. Je
compte réunir quelques amis qui seront enchantés de faire
votre connaissance.
Soit, accepta le Kalien. Veuillez indiquer à Colson le
lieu et l'heure exacte, car je déteste être en retard.
Puis très digne, il prit le bras de sa compagne et sortit.
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