Le déjeuner des trois mousquetaires Comédie en un acte
Meryem Cecil
67 pages 1935 - France Humour - Pièce de thêatre
Intérêt: 0
Note: l’édition en notre possession
est datée de 1935, mais il s’agit de la sixième
édition de l’ouvrage. Celui-ci ne semblant pas figurer
dans les fichiers de la Bibliothèque nationale, nous
ne savons pas de quand date la première édition.
Cette brève pièce de théâtre repose sur un argument
des plus simples: d’Artagnan vient d’être reçu mousquetaire
et veut fêter l’événement avec ses trois amis. Problème:
aucun n’a le moindre argent pour financer les agapes et
les commerçants du quartier refusent de faire crédit à
Planchet.
Pour tenter de trouver des fonds, les mousquetaires
entreprennent alors de donner des cours particuliers à
des boutiquiers des environs: Aramis donne des leçons de
bonnes manières à un marchand de laine qui doit faire
des démarches en haut lieu; Porthos enseigne quelques
notions d’escrime à un charcutier qui veut se battre;
Athos fait des vers pour un apothicaire qui courtise une
belle. Mais dans les trois cas, les élèves sont
tellement lamentables que les mousquetaires refusent
d’être payés, ce qui n’arrange pas leurs affaires.
Heureusement, Planchet sauve la situation au prix d’un
grand sacrifice: il vend la recette de salmis de bécasse
de sa grand-tante à un restaurateur, en échange d’un
somptueux déjeuner. Mais au moment où les quatre
mousquetaires, ravis, vont se mettre à table, ils sont
convoqués toute affaire cessante chez le cardinal
Richelieu. Ils abandonnent donc le repas et c’est
Planchet qui le mange.
Dépourvu de la moindre invention et originalité, et d’un
humour plutôt indigeste, ce Déjeuner des
Mousquetaires est parfaitement incolore, inodore
et sans saveur (voir extrait après l'encadré).
Tel n'est pas le cas de cet autre Déjeuner des
trois mousquetaires:
Dans son numéro du 15 septembre 1908, le journal L’Art
culinaire, organe officiel de la Société des
cuisiniers français, publie le menu suivant:
Le Déjeuner des Trois-Mousquetaires
OEUFS POCHES SUR LANGUE A LA MILADY
HOMARD A LA DE WINTER
JAMBON DE PRAGUE AU VIN DE PORTHOS
CANETON A LA D'ARTAGNAN
SALADE CROMWELL
FONDS D’ARTICHAUTS ARAMIS
GLACE ATHOS
GAUFRETTES BONACIEUX
FROMAGE PLANCHET
FRUITS DES JARDINS DE BUCKINGHAM
PETITS FOURS MORDAUNT
Grands Crus des Caves des Trois-Mousquetaires
BEAUJOLAIS ET GRAVES EN CARAFE
CHABLIS, VOUVRAY
SAINT-NICOLAS DE BOURGUEIL
BEAUNE, POMARD, SAINT-ESTEPHE
CHATEAU PIADA (Ht-BARSAC 1900)
(RECOMMANDE PAR ALEXANDRE DUMAS PERE)
CHAMPAGNE COSTE-FOLCHER
(CUVE RESERVEE LOUIS XIII)
CAFE RICHELiEU
LIQUEUR ET FINE BRAGELONE
Ce menu, suivi de quelques explications sur la
nature des plats, est accompagné des précisions
suivantes:
Ce menu a été servi à l'occasion de l'ouverture du
Café des Trois-Mousquetaires, et offert par les
entrepreneurs et fournisseurs à M. et Mme Chapel,
propriétaires de plusieurs maisons de même fondées
à cette enseigne héroïque.
Les quarante couverts dressés dans une salle fort
bien décorée de panneaux, genre tapisserie,
reproduisant les principales aventures du roman
fameux d'Alexandre Dumas père.
Sur le centre de la table quatre épées étaient
disposées pour recevoir un chapeau de mousquetaire
renversé dans lequel on avait dressé les « fruits
du Jardin de Buckingham ».
Les bouts de tables étaient représentés par des
bottes de Mousquetaire, éperonnées, remplies de
fleurs.
Pour compléter l'originalité de ce repas, les
maîtres d’hôtel personnifiaient les quatre
célèbres valets : Planchet, Bazin, Mousqueton,
Grimaud.
Une animation sans égale a régné, avec le concours
harmonieux d'un phonographe exécutant les airs
connus
Pour être un brave
mousquetaire…
Enfin la cave, des mieux « dégarnie » par les
multiples visites des valets, fournit une
artillerie de « canons » bien modernes, provoquant
surtout des explosions de gaité, assurément plus
franche que celles du siège de la Rochelle.
L'âme du bon Dumas, - auteur culinaire autant que
littérateur de génie, comme chacun sait - a dû
tressaillir dans l'au delà où ce souvenir est allé
l'évoquer.
Merci à Mihai-Bogdan
Ciuca pour m'avoir fourni cette curiosité
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Extrait de la scène 6
Graffondu entre et salue gauchement en tirant sa
jambe droite en arrière.
ARAMIS, à Planchet.
C'est... ce marchand qui a sollicité l'honneur de
m'être présenté?
GRAFFONDU.
Oui, Monsieur! Nicaise Graffondu, marchand de laine,
établi rue des Bourdonnais à l'enseigne...
ARAMIS, l'interrompant.
Graffondu! Il me semble, mon ami, que votre personne
ne s'accorde pas trop avec votre nom, et que votre gras
n'est pas entièrement fondu.
GRAFFONDU.
Monsieur veut rire.
ARAMIS.
Donc, votre ambition serait d'apprendre les belles
manières?
GRAFFONDU, humblement.
Si c'était un effet de la bonté de Monsieur!
ARAMIS.
Et vous voudriez tout d'abord savoir comment on salue
une belle dame.
GRAFFONDU, avec un signe de la tête.
Oui.
ARAMIS.
Eh bien, mon cher ami, voilà.
Il prend son chapeau et fait un salut très élégant,
la plume de son feutre balayant presque la terre.
Graffondu essaye de l'imiter.
ARAMIS.
Mais non, mais non; vous n'y êtes pas du tout, mon
brave homme. Vous avez l'air de l'âne qui veut jouer de
la flûte.
Reprenant sa démonstration.
Voilà! l`air tout à la fois dégagé, respectueux,
aimable, gracieux, coquet! De l'aisance, morbleu! de la
suffisance au besoin! Content de la dame, et surtout
content de vous-même. Un air enfin qui dise que vous lui
offrez votre bourse, votre personne et votre vie en même
temps que votre salut.
GRAFFONDU, ahuri.
Tant de choses que cela dans un seul coup de chapeau!
ARAMIS.
Sans doute, tant que cela, et bien d'autres choses
encore!
Il recommence sa démonstration. Graffondu essaye
encore une fois.
ARAMIS.
Plus bas, donc, plus bas! Vous avez bien de la peine à
plier l'échine! Est-ce qu'elle est traversée par une
barre de fer?
GRAFFONDU, voulant s'incliner très bas, tombe sur
les genoux.
ARAMIS.
Quel lourdaud!
GRAFFONDU recommence à plusieurs reprises et
toujours aussi maladroitement. A part:
Ma foi! j'y renonce: j'aime presque autant perdre mon
procès! (Haut.) Néanmoins... (Il tire sa
bourse.) Monsieur voudra-t-il accepter?
ARAMIS, refusant.
Non, Monsieur Graffondu. En voilà assez! Je ne saurais
accepter de l'argent pour une leçon qui n'a pas eu de
meilleur résultat. Si vous vous présentez devant la dame
ainsi que vous venez de le faire, il se pourrait qu'elle
vous accueillît fort mal. Je me ferais scrupule de me
faire payer le camouflet que vous ne pouvez manquer de
recevoir ! Si j'ai même un dernier conseil à vous
donner, c'est de ne pas lui procurer ce spectacle.
Croyez-moi, retournez rue des Bourdonnais et continuez à
vous occuper de votre commerce en aunant du drap; si
j'en crois vos joues rebondies, il est des plus
prospères. Renoncez donc à la cour!
Entre Porthos; Graffondu, en les saluant, manque
encore de tomber, puis il sort.
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