Les exploits de Capestoc
Rodolphe Bringer
308 pages 1936 - France Roman
Intérêt: *
Deuxième volet des aventures d’Henri de Capestoc, après
Un cadet de Gascogne. Copie conforme de
d’Artagnan, ce jeune gascon est venu faire fortune à
Paris, où sa vaillance et son habileté aux armes lui ont
valu de devenir lieutenant des gardes de Richelieu.
Dans ce volume, d’Artagnan
lui-même joue un grand rôle. Capestoc se trouve embarqué
dans une aventure compliquée, reposant sur une
succession de coïncidences plus monstrueuses les unes
que les autres. Ayant récupéré par hasard des documents
établissant le haut lignage d’une fille abandonnée à la
naissance, il est sauvé d’un traquenard par une jeune
comédienne-enfant trouvée. Poursuivi par les sbires de
Cinq-Mars, il confond ce dernier en s’emparant du traité
qu’il a signé avec l’Espagne et en prouvant ainsi à
Richelieu, et donc à Louis XIII, sa trahison. Il
apparaît alors que Cinq-Mars n’était qu’un enfant de
paysan, et que la véritable enfant de ses parents
n’était autre que… la jeune comédienne. Bon sang, mais
c’est bien sûr!
D’Artagnan intervient tout au long du récit. D’abord
sur un mode antagoniste: d’Artagnan et Capestoc occupent
des fonctions strictement symétriques chez le Roi et le
cardinal, et sont donc naturellement rivaux.
Ils cherchent donc à plusieurs
reprises à se battre en duel, mais en sont à chaque fois
empêchés par un événement extérieur. Jusqu’à ce que
finalement, reconnaissant leur bravoure mutuelle, ils
deviennent amis. Dès lors, d’Artagnan aide Capestoc dans
sa lutte contre Cinq-Mars.
Agréablement écrit, ce récit n’en est pas moins dépourvu
de toute originalité.
Extrait du chapitre dix Comment l'honnête
Cadéac servait M. de Capestoc
Comme (Capestoc) allait sortir du palais du gouverneur,
il se trouva sur le seuil de la porte avec M. d’Artagnan
qui avait dans les mousquetaires du roy le même grade
que Capestoc dans les gardes de l'Eminence.
Nous l'avons dit, entre les mousquetaires et les gardes
régnait une mésintelligence que rien ne pouvait calmer.
La sourde inimitié de Louis XIII et de Richelieu était
peut-être la cause de cette rivalité. Mais, quel qu’en
fût le motif, ces deux corps d'élite vivaient
continuellement en guerre, et il ne se passait guère de
jour que, malgré les édits, les gardes et les
mousquetaires n'en vinssent aux mains.
Jusque-là, Capestoc et d'Artagnan, les deux officiers
des deux régiments ennemis, avaient paru se tenir en
dehors ces haines inassouvies qui mettaient sans cesse
l’épée à la main de leurs soldats. Soit qu'ils
jugeassent ces duels indignes d'eux, soit qu'ils eussent
égard à leur titre de compatriotes, car d'Artagnan était
cadet de Béarn, c’est-à-dire Gascon comme Capestoc,
jusqu'à cette minute ils avaient vécu sur le pied d une
froide politesse, évitant toute relation.
Mais, ce soir-là, le hasard les mettait face à face sur
le seuil de cette porte, et tout de suite la question se
posa de savoir lequel céderait le pas à l'autre.
Pour un empire, Capestoc n'eût point voulu s'effacer
devant l'officier des mousquetaires et le laisser passer
devant lui, et il lut la même résolution dans l'œil de
d'Artagnan, qui pensait sans nul doute qu'un
mousquetaire de Sa Majesté devait avoir le pas sur un
garde du cardinal. Si grand fût-il, Richelieu ne
passait-il pas après Louis XIII? Que faire?
— Parfandious! Monsieur, fit Capestoc, en saluant
d'Artagnan, jusqu'ici nous avons vécu en paix: mais
voici, je pense, qui va nous mettre en guerre.
— Pourquoi cela? demanda d'Artagnan avec une exquise
politesse.
— Et parce que je sais que vous avez l'intention de
passer devant moi, et que je suis bien résolu à ne point
souffrir ce que je considérerais comme un outrage.
— Oh! oh! vous êtes pointilleux, à ce que je vois,
monsieur le lieutenant!
— Eh! mordioux! Monsieur le lieutenant, je suis Gascon,
et vous devez me comprendre!
— Je vous comprends si bien que je me ferais tuer
plutôt que de vous céder le pas.
— C est aussi mon intention!
— Alors, Monsieur... fit d'Artagnan galamment, en
tirant à demi sa rapière.
— Hé! sangdious! grommela Capestoc, un duel dans cette
antichambre, à deux pas du roy et du cardinal! Vous
voulez donc nous faire embastiller?
— Bah! la Bastille est loin.
— Oui, mais à défaut de la Bastille, vous n'êtes pas
sans savoir, Monsieur, que Lyon a le château de
Pierre-Encise.
— Pourtant, Monsieur, fit le chevalier d'Artagnan, non
sans un peu de dépit, il faut que nous nous battions
pour trancher cette question; à moins que vous ne
vouliez demeurer devant cette porte jusqu'à l’heure où
sonneront les trompettes du Jugement dernier.
— Hé! monsieur d'Artagnan, sortons d'abord, nous nous
égorgerons après.
— Alors, vous me cédez le pas? fit le mousquetaire
railleur.
— Mon Dieu oui. Comme je suis sûr de vous tuer tout à
l’heure, c’est bien le moins que je vous donne cette
petite satisfaction dont vous serez bien empêché de vous
vanter.
— En ce cas, répondit d'Artagnan en reculant d'un pas,
c’est à moi de vous céder la place, car je compte bien
avoir l’honneur de vous laisser sur le terrain.
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