La tour de Nesle grand roman historique tiré du célèbre drame de Frédéric Gaillardet et Alexandre Dumas
Henri Demesse
1760 pages Jules Rouff et Cie Editeurs - 1880 - France Roman
Intérêt: *
Note: la date indiquée n'est qu'une hypothèse. Le livre lui-même n'est pas daté et il n'apparaît dans aucune bibliographie.
Cet ouvrage est une véritable curiosité. Par
sa taille, déjà:1760 pages grand format, de quoi
décourager les meilleures volontés de lecture!
Par son contenu, ensuite. Le dos du volume affiche: La Tour de
Nesle, Gaillardet et Dumas.
Or, l'ouvrage portant ce nom et signé de ces deux auteurs
n'est rien d'autre qu'une pièce de théâtre
d'une centaine de pages... La page de garde de ce monstrueux
volume est légèrement plus explicite, portant la
mention: La Tour de Nesle, grand roman historique tiré
du célèbre drame de Frédéric Gaillardet
et Alexandre Dumas.
Il faut en fait attendre la page 1759 pour que le mot de l'énigme
soit révélé, sous forme d'une postface intitulée:
"A Messieurs Jules Rouff et Cie, Editeurs". Un texte
suffisamment curieux pour mériter d'être reproduit
in extenso, puisqu'il s'agit d'un véritable manifeste
du plagiat...
Chers Messieurs,
Quand, munis de tous les droits qui vous assuraient l'exclusive
autorisation indispensable, vous avez voulu donner au public,
en livraisons illustrées, La Tour de Nesle, vous
avez estimé que - après le succès de la
récente publication de mon roman Marguerite de Bourgogne,
pour lequel j'avais amassé tant de documents sur l'admirable
fin du XIIIème siècle... connaissant l'époque
aussi complètement qu'il était nécessaire
pour la reconstituer autant que possible dans une oeuvre d'imagination
- j'étais tout indiqué pour écrire le roman
qui devait être tiré du célèbre drame
de Frédéric Gaillardet et Alexandre Dumas.
J'ai accepté les propositions que vous m'avez adressées,
dans ce sens, tout heureux que j'étais de contribuer à
répandre, et à faire apprécier, sous une
forme nouvelle, ce chef d'oeuvre de la scène française.
Toutefois, me disant que tous les personnages que j'allais faire
évoluer, et toutes les scènes dans lesquelles ils
évolueraient, appartenaient à Frédéric
Gaillardet et Alexandre Dumas... me disant, de plus, tout d'abord,
que La Tour de Nesle, sous sa forme de roman, ne constituerait
qu'une adaptation du drame, j'ai pensé qu'il convenait
que l'oeuvre, tant et si justement réputée, ne
portât que les noms, seuls, de ses auteurs.
De son vivant, le grand et immortel conteur Dumas eut vingt collaborateurs
anonymes - ne se flattait-il pas d'avoir des collaborateurs comme
Napoléon avait des généraux? - parmi lesquels,
et pour ne citer que les plus connus, on peut nommer: Paul Meurice,
Auguste Maquet, Théophile Gautier, Gérard de Nerval,
Paul Lacroix, G. de Cherville, Paul Bocage, Hippolyte Auger,
etc... etc... Rien de plus honorable, pour moi, que de pouvoir
me dire, aussi, le collaborateur, anonyme, de cet homme, qui
fut, selon l'expression bien connue: "une force de la nature".
Il m'a fallu plus de deux années pour écrire le
roman que l'on vient de lire.
Puis-je déclarer, à présent, que, ces deux
années, je les ai vécues en me répétant,
de plus en plus, chaque jour, que, contrairement à mes
prévisions premières, je faisais mieux qu'une oeuvre
d'adaptateur?
Ainsi que je me l'étais proposé, j'ai suivi, il
est vrai, très scrupuleusement - comme il convient quand
on touche à une oeuvre si connue et si puissamment composée
- les scènes du célèbre drame; mais j'ai
dû lui donner, sous la forme du roman, des développements
considérables qui m'appartiennent absolument: on s'en
rendra compte, exactement, en lisant le drame, et le roman, séparément.
Bref, la publication achevée, il me paraît que je
peux, sans scrupules, et, même, me voilà convaincu
que je dois, pour augmenter, légitimement, mon bagage
littéraire de ce qui m'appartient, revendiquer la part
que j'ai apportée à l'oeuvre sous sa forme nouvelle,
et me dire - ce que je fais ici, avec votre agrément,
chers Messieurs - l'auteur du roman La Tour de Nesle,
tiré du célèbre drame de Frédéric
Gaillardet et Alexandre Dumas.
Henri Demesse |