Il faut sauver la Reine !
Daniel Picouly Frédéric Pillot (illustrateur)
238 pages Albin Michel - 2014 - France Humour - Roman
Intérêt: *
Ce petit roman est une réécriture animalière des Trois
mousquetaires ou plus précisément de l’épisode
des ferrets de la reine. Les personnages sont tous des
oiseaux de Paris. D’Artagnan est Little Piaf, un
moineau. Les trois autres mousquetaires sont des
« zozios » tandis que les gardes du cardinal
sont des pigeons. Constance devient Obstinée, une
pervenche/oiseau lingère de la reine Grande Tourterelle,
etc. Tous ces oiseaux nichent sous les toits de Paris
mais se comportent comme leurs modèles humains.
L’histoire reproduit donc à
grands traits le début des Trois mousquetaires
avec quelques divergences notables comme une plongée
dans les geôles du cardinal. Le voyage à Londres,
effectué sur le dos d’un albatros, permet aussi à Little
Piaf/d’Artagnan d’apprendre qu’il est le neveu de
l’équivalent de Buckingham.
Ecrit pour un jeune public, le livre est parsemé de
notes et encadrés pédagogiques qui vont d’explications
sur la façon de faire les révérences à la Cour jusqu’au
texte de La vie en rose d’Edith Piaf, chantée
dans un cabaret de la capitale. Très étrangement dans un
livre destiné à des enfants, une page entière détaille
les pires tortures pratiquées dans les temps anciens.
Pas très convaincant, Il faut sauver la
Reine ! bénéficie malgré tout de deux
atouts : une écriture enlevée et les abondantes
illustrations de Frédéric Pillot aux innombrables
détails.
Extrait de l’Episode 10 L’aigue-marine
Bouquinette,
Obstinée, Little Piaf et les Zozios sont réfugiés dans
un coin d’obscurité sur le balcon des appartements
privés de la Reine. A travers la fenêtre, ils observent
ce qui se passe à l’intérieur. Ce qu’ils voient les
inquiète. La Reine, en tenue de nuit, est en
conversation animée avec le Roi, qui paraît fort fâché.
A la lueur des chandelles, son visage si doux
d’ordinaire est fermé et sévère.
Il tient à la main l’écrin de velours bleu du Sublime
Semainier. Il est vide. En retrait, près de la cheminée,
le Cardinal se tient silencieux, humble, la mine fort
ravie par la dispute.
— Qu’est-ce qu’ils se disent?
— C’est facile à imaginer, Little Piaf.
— Parle pour toi, Obstinée. Tu connais tous les petits
secrets de la Reine.
— Little Piaf a raison. D’ailleurs, il serait temps que
tu nous les révèles.
— Je ne peux pas, Bouquinette.
— Et pourquoi ?
— J’ai peur que vous n’aimiez plus notre Reine quand
vous saurez.
On s’insurge, on s’émeut, on se vexe. Comment Obstinée
peut-elle penser ça ? On s’engage, on promet, on jure :
jamais rien ne pourra altérer l’amour indéfectible de
chacun pour la Reine.
— Alors, je veux bien vous le dire : la Reine a un
amoureux !
Un coup de tonnerre s’abat sur le palais, des éclairs
déchirent le ciel, les jardins s’enflamment, l’incendie
gagne, court la façade, saute sur le balcon et embrase
Bouquinette, Little Piaf et les ZoZios. Bientôt, il n’en
reste plus que des statues calcinées prêtes à tomber en
cendre, grillées de stupéfaction.
— Vous voyez, je savais bien que vous ne l’aimeriez
plus dès que vous apprendriez son secret.
Bouquinette est triste. Parfois, il vaut mieux ne rien
savoir.
— Moi, je trouve que c’est la meilleure nouvelle de la
journée !
On regarde DesVosges, sans savoir quoi penser.
— Allons, mes amis, soyons francs ! Chacun sait que le
Roi ne s’intéressait pas à la Reine et la délaissait
pour d’autres distractions. C’est un secret
d’hirondelle...
— De polichinelle !
— Merci, Bouquinette... La Reine a un amoureux ! C’est
formidable ! Cela devrait nous réjouir. Qu’est-ce qui
peut arriver de mieux que d’être amoureux ?
On cherche. On ne trouve pas. On crie « Hourra ! ».
Mais en silence. Ce n’est pas le moment de se faire
repérer par le Cardinal, resté seul avec la Reine.
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