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Monte-Cristo
Les réécritures du Comte de Monte-Cristo prolifèrent ces dernières années. Pour s’en tenir à la décennie qui s’achève, on peut citer I,Nemo, Professor Montgomery Cristo, Le roi sombre, Captain of the Monte Cristo, Lord Gwynplaine, autant de romans très différents les uns des autres mais calqués plus ou moins complètement sur celui de Dumas. Le Monte-Cristo de Vergès vient allonger la liste, avec une particularité : il s’agit d’une transposition totalement au premier degré, qui semble considérer que le fait d’être démarquée ouvertement du Comte de Monte-Cristo dispense de tout effort en matière d’intrigue et de personnages. Le héros, Marc Visani, est un petit magouilleur qui trafique des voitures d’occasion avec son associé Nassim. Il vit une relation tumultueuse avec sa compagne Vanessa, une jeune femme à la beauté renversante mais aussi assoiffée de sexe que d’argent. Celle-ci a une liaison avec un brillant avocat, maître Dutreil, qui a un lourd secret à protéger. Les deux complices organisent un traquenard qui fait passer Marc pour un assassin. Il est condamné à sept ans de prison, Vanessa ayant témoigné contre lui et maître Dutreil, qu’il a choisi, en toute ignorance, comme avocat, ayant saboté sa défense. En prison, Visani partage sa cellule avec un vieil homme surnommé « le Banquier ». Cadre de banque, ce dernier a été arrêté pour avoir organisé le braquage d’un convoi de fonds. Ses complices sont restés en liberté et le butin de plus de dix millions d’euros n’a jamais été retrouvé. Les deux hommes se lient d’amitié, le Banquier fait l’éducation de Visani et lui confie le secret de la cachette du butin avant de mourir de maladie. Une fois sorti de prison, Marc file récupérer l’argent, se débarrasse des anciens complices du Banquier qui se doutent bien qu’il a le secret du butin, et organise sa vengeance contre Vanessa, maître Dutreil et son ancien associé Nassim. Le fait que le schéma romanesque soit complètement copié sur Le comte de Monte-Cristo est totalement revendiqué. Quand Visani raconte son histoire au Banquier, celui-ci lui explique qu’elle ressemble beaucoup à celle d’Edmond Dantès. Il lui fait lire le roman de Dumas et le baptise « Monte-Cristo », surnom que tout le monde se met à utiliser. L’auteur revient sans cesse sur le parallèle entre les deux histoires. Cela donne des remarques comme « C'est seulement au petit matin quand il s'endormit qu'il releva de nouveau la stupéfiante similitude de son histoire avec celle du comte de Monte-Cristo, notamment l'épisode où l'abbé Faria dans la cellule du château d'If raconte à Dantès où est caché le trésor de Monte-Cristo » ou bien « si on a lu le livre d’Alexandre Dumas, ‘le Comte de Monte-Cristo’, on imagine naturellement que l'homme qui se faisait appeler Jean-Eric de Baudray n'était pas Jean-Eric de Baudray, mais évidemment Marc Visani » ou encore « pour se venger, Marc Visani tenait à rester le plus fidèle possible à l'intrigue du livre d'Alexandre Dumas dont il s'était projeté les nombreux films tournés autour de ce roman. (…) En s'inspirant étroitement du roman d'Alexandre Dumas, Marc Visani endossa un costume de prêtre. » Le problème, c’est que l’auteur semble penser que s’être placé ainsi sous le patronage d’un chef d’œuvre de la littérature suffit à faire un bon roman. Dans ce Monte-Cristo, l’effort de transposition est minime et l’intrigue est relâchée. Visani a beau savoir que les complices du Banquier vont le guetter à sa sortie de prison et sont prêts à tout pour récupérer l’argent, il file tout droit chercher le butin sans se rendre compte qu’il est filé. Lui qui n’a jamais été violent de sa vie élimine deux tueurs patentés en quelques heures. Il intrigue sous le nom d’abbé Busoni, sans que personne ne fasse le lien avec le roman de Dumas, alors même qu’il est connu sous le nom de Monte-Cristo. Il lui suffit d’un coup de téléphone pour égarer complètement un policier pourtant présenté longuement dans les chapitres précédents comme particulièrement perspicace, acharné et retors. Etc., etc. Le recours à la facilité dans la construction de l’intrigue s’observe aussi quand, pour permettre au lecteur d’apprendre les mécanismes du complot contre Marc, l’auteur donne à lire une longue conversation entre Vanessa et l’avocat où ils se racontent dans les plus petits détails comment ils ont procédé. Une conversation à la crédibilité nulle puisqu’ils ont tout fait ensemble. Souvent vulgaire dans l’écriture, comportant de nombreuses fautes d’orthographe, le roman bénéficie tout de même de quelques moments amusants : la façon dont le Banquier corrige les fautes de français de son codétenu, par exemple, ou encore la vengeance que Visani inflige à son ancien associé en détruisant par une maladresse simulée les voitures de luxe qu’il vend dans son garage.
Extrait du chapitre 12 Attends un peu, après quatorze ans de captivité, Dantès parvient à s'évader du château d'If et à retrouver le trésor puis revenir quelques années après, devenu riche et puissant. Sous le nom de comte de Monte-Cristo, il décide de se venger de ceux qui l'ont fait accuser et envoyer en prison. C'est bien ce que tu veux faire, Marc, comme le comte de Monte-Cristo? Je ne pense qu'à ça depuis près de trois ans à me venger de cette garce et de son avocat de mes deux. Je vais les exploser en sortant, tout comme Nassim, mon associé. Pas un mot, pas une visite. J'aurais bien besoin de l'argent qu'il me doit, ragea Marc. La vengeance est mauvaise conseillère. Je ne vis que pour ça. C'est ce qui me permet de tenir. La nuit, je rêve que je les tue! Une moue barra le visage marqué du Banquier. Il avait l'air fatigué. Il poursuivit, la voix lente et sans souffle. C'est incroyable cette coïncidence avec le roman de Dumas. Tu as été trahi par Nassim avec qui tu travaillais et qui correspond à Caderousse matelot au côté de Dantès avec Danglars qui, lui, briguait le poste de capitaine de bateau à sa place. Tu as été trahi par ton avocat qui correspond à la fois au procureur Gérard de Villefort qui le fait emprisonner au château d'If et au comte de Morcef (sic), ancien compagnon de Dantès et amoureux de sa fiancée épousée pendant la captivité de ce dernier. En revanche dans le roman, Dantès n'est pas trahi par sa fiancée Mercedes comme tu l'as été. Mercedes comme les voitures? Une Mercos? Drôle de prénom! s'étonna Marc presque guilleret. C'est le créateur de la marque allemande qui a appelé ses voitures ainsi parce que sa fille, dont la mère était espagnole, s'appelait Mercedes. J'savais pas. Voyant le banquier soupirer en levant les yeux au plafond, Marc effectua d'office la correction. Ta Mercedes s'appelle Vanessa si j'ai bien compris et elle t'a bien possédé, ce qui n'est pas le cas de Mercedes dans le livre d'Alexandre Dumas. Il la retrouve sa Mercedes? Oui mais c'est trop tard. Car Dantès ou le comte de Monte-Cristo si tu préfères est torturé sur la question du droit à faire justice. Par ailleurs, il est tombé amoureux d'une autre femme. C'est vrai, c'est plutôt étrange cette similitude entre cette histoire et la mienne. Encore plus que tu ne crois car le vieux fou qu'il rencontre en prison, s'appelle Faria et tu sais quel est mon vrai nom? Tiens, c'est vrai, on ne me l'a jamais dit et je ne l'ai jamais demandé, s'étonna Marc. C'est presque Faria à une lettre près, c'est Farina, Pierre Farina, lâcha le Banquier, un impalpable sourire aux lèvres. Marc éclata de rire. Ça fait italien comme le carrossier. Tu ne vas pas me dire, comme dans le roman de ton Alexandre Dumas, que tu connais l'endroit ou est caché un fabuleux trésor? Une lumière fugitive traversa les yeux fiévreux du Banquier. Tu ne crois pas si bien dire! |
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