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Le double jeu de d’Artagnan

Philippe Froget

126 pages
Les Editions du Panthéon - 2021 - France
Pièce de thêatre

Intérêt: 0

 

 

 

Voici une bien étrange pièce de théâtre. Pendant les trois-quarts de sa longueur, elle se présente comme une mise en scène de quelques épisodes de la vie du mousquetaire, avant de basculer brutalement.  

La pièce commence avec une scène typique d’auberge où le jeune d’Artagnan fait connaissance simultanément d’un homme d’épée, le comte de Blisseborne, qui devient son ennemi mortel, et d’Athos, alors cadet dans les gardes et ambitionnant de devenir mousquetaire, comme d’Artagnan. Le Gascon rencontre ensuite la marquise de Chanlecy (nom de l’épouse du d’Artagnan historique) qui le recommande à Tréville et lui fait découvrir les œuvres de Corneille. Vient ensuite une rencontre entre Tréville, d’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis (aucun de ces derniers n’étant encore mousquetaire). Tréville teste les capacités au combat de d’Artagnan et dans la foulée nomme instantanément mousquetaires Athos, Porthos et Aramis et bombarde d’Artagnan, qu’il vient de voir pour la première fois, directement capitaine des mousquetaires (!).

Suivent diverses scènes de combats, de heurts avec Blisseborne, de séduction de la part de la marquise, qui est amoureuse de d’Artagnan. Jusque là, rien que de très classique (mise à part l’absurdité de la nomination éclair de d’Artagnan à la tête des mousquetaires). Mais tout bascule, donc, lors de la quinzième scène de cette pièce qui en compte vingt. D’Artagnan s’adresse à la Voix, quelque part en direction du ciel, comme il le fait de temps en temps depuis le début. Il dit à cet interlocuteur invisible qu’il veut tout arrêter, sortir de ce hangar et sauter dans le premier TGV disponible. La voix mystérieuse essaye de l’en dissuader en lui disant qu’elle est « le maître du jeu » (voir extrait ci-dessous).

Dans les scènes suivantes, d’Artagnan retrouve successivement les autres personnages (les mousquetaires, Tréville, la marquise…) et leur annonce là encore qu’il veut arrêter. Tous affectent de ne pas comprendre ce qu’il dit et le traitent comme un fou, lui répétant qu’il doit « terminer son histoire ». Finalement, Blisseborne le défie pour un combat à mort, combat qui se tiendra simultanément à l’épée et en alexandrins, chaque combattant devant à son tour composer des vers en se battant (ce qui évoque bien sûr le célèbre duel de Cyrano de Bergerac). D’Artagnan perd et va être tué quand les lumières s’éteignent. La scène finale voit les différents personnages en costumes modernes s’en aller en faisant quelques commentaires sur « leur d’Artagnan d’aujourd’hui » dont il parlent comme d’un client, confirmant qu’il s’agissait tout du long d’une espèce de jeu de rôle (d’Artagnan lui-même emploie cette expression vers la fin de la pièce) où un joueur est confronté à des acteurs professionnels.

L’ensemble de la pièce laisse perplexe. On ne voit absolument pas ce que l’auteur a voulu dire, à part procéder à une mise en abyme au premier degré. La quatrième de couverture annonce que la pièce dévoile une facette des « aspirations et des passions » de d’Artagnan et « qui se cache vraiment derrière le héros national » : on ne trouve rien de tout cela à l’arrivée.

 

Extrait de la scène XV

Dans la salle d'armes du jeu de Paume

D'ARTAGNAN
Vous êtes là ?

LA VOIX
Bien entendu, je suis là, près de toi, comme d'habitude. Ne t'ai-je pas dit au début de cette histoire que je serais toujours à tes côtés ?

D'ARTAGNAN
C'est bon pour moi, j'arrête. C'est fini, définitivement.

LA VOIX
Charles, encore un coup au moral ? Nous allons en discuter.

D'ARTAGNAN
Non, c'est plus profond. Vous avez entendu, j'arrête. Je jette l'éponge.

LA VOIX
Tu veux dire que tu souhaites faire une pause ?

D'ARTAGNAN
Ne faites pas celui qui ne comprend pas.

LA VOIX
Charles, enfin ! Tu ne vas pas tout remettre en question à la première proposition indécente !

D'ARTAGNAN
Ça n'a rien à voir avec une proposition. J'arrête. Je me change. J'enfile mon jean, je mets mes baskets, je sors de ce hangar, je prends le métro ou un taxi pour la gare de Lyon et je saute dans le premier TGV disponible.

LA VOIX
Charles, tu sais que tout cela est impossible tant que tu n'es pas allé au bout de l'histoire, impossible.

D'ARTAGNAN
Et moi, je vais vous démontrer que c'est tout à fait possible.

LA VOIX
Non, Charles. Je me dois de te rappeler que c'est même risqué, très risqué. Tu n'es pas seul, dans cette histoire. Je ne réponds pas de tous. Nul ne sait ce qui peut t'arriver.

D'ARTAGNAN
Je prends le risque.

LA VOIX
Ce n'est pas prendre un risque, Charles, c'est courir vers une issue fatale.

D'ARTAGNAN
Ne me raccompagnez pas, je trouverai la sortie tout seul.

LA VOIX
Charles, je ne suis pas ton père. Je n'ai pas de conseil à te donner sur la manière de mener ta vie. Mais je suis le maître du jeu. Alors, je te le dis : fais comme bon te semble, mais il n'y a qu'une sortie possible, c'est d'aller jusqu'au bout de l'histoire.

D'ARTAGNAN
L'histoire est déjà finie.

LA VOIX
Tu n'as pas terminé ton histoire, Charles. Mes mains dans les tiennes.

 


 

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