Marie Michon Comédie-vaudeville en deux actes
Adolphe de Leuven Louis-Émile Vanderburch
26 pages 1846 - France Pièce de thêatre
Intérêt: *
Voici une pièce de théâtre des plus bizarres. Elle se
présente comme une « comédie-vaudeville en deux
actes tirée de la seconde partie des Mousquetaires
d’Alexandre Dumas ». C’est-à-dire de Vingt ans
après. Très courte, elle n’adapte en fait à la
scène qu’un bref épisode de ce long roman: celui de
l’évasion du duc de Beaufort de la Bastille. La pièce a
été rédigée immédiatement après la publication du roman
(1845) par deux auteurs proches de Dumas. Adolphe de
Leuven avait notamment écrit avec Dumas lui-même La cour du roi
Pétaud, une parodie de Henri III et sa
cour. Et Leuven et Vanderburch ont également écrit
avec Dumas Sylvandire,
version théâtrale de son roman du même nom.
Marie Michon
reprend donc les principaux éléments de l’évasion de
Beaufort. Comment le duc est embastillé, comment sa
maîtresse Marie de Montbazon cherche à le faire évader…
Le plan repose sur l’introduction de Grimaud, le valet
d’Athos, à la Bastille comme geôlier du duc, puis la
livraison d’un énorme pâté renfermant poignards et
échelle de corde pour permettre l’évasion.
Tout cela est bien conforme à Vingt ans après,
avec les adaptations nécessaires pour passer du roman à
la scène. Les scènes de comédie abondent, notamment
quand il s’agit de berner Laramée, le sergent chargé de
surveiller le duc: Marie de Montbazon, qui se fait
passer pour une blanchisseuse, n’a guère de mal à
séduire le soldat, assurant ainsi le succès de
l’opération.
Cette pièce est cependant assez étrange. En premier
lieu, la démarche consistant à tirer une adaptation
théâtrale d’un tout petit épisode d’un épais roman n’a
rien d’évident: pourquoi avoir choisi ce passage
relativement secondaire, dans lequel n'apparait
d'ailleurs aucun des quatre mousquetaires? Ensuite, le
titre donné la pièce est carrément surréaliste. Marie
Michon, dans Les trois mousquetaires et Vingt
ans après, est un nom utilisé par la duchesse de
Chevreuse, maîtresse d’Aramis et mère du vicomte de
Bragelonne (qu’elle a eu avec Athos). Dans la pièce de
Vanderburch et Leuven, c’est Marie de Montbazon qui
utilise ce pseudonyme, sans la moindre justification. Ce
n’est nullement le cas dans le roman, bien au contraire:
dans Vingt ans après, il est fortement question
de Marie Michon, la « vraie », en plein milieu
du récit de l’évasion de Beaufort. L’utilisation de ce
nom pour en affubler Marie de Montbazon est donc
parfaitement incompréhensible.
Entrecoupée de nombreuses parties chantées, cette
« comédie-vaudeville » n’apporte pas grand
chose, donc, même si elle constitue un aimable
divertissement.
Merci à Mihai-Bogdan
Ciuca de m'avoir signalé ce texte.
Extrait de l’acte deux, scène huit
BEAUFORT.
Approchez, mon enfant, approchez !
LARAMÉE.
Elle est intimidée, monseigneur... Vous comprenez, elle
n’a jamais vu de prince d’aussi près...
BEAUFORT.
Un pauvre prisonnier ne peut faire peur à personne.
MARIE, balbutiant.
Mon... monseigneur.
LARAMÉE, bas, à Marie.
Ne craignez rien ; il est très bon enfant au fond.
Il prend le carton de dentelles des mains de Marie.
BEAUFORT.
Ah ça ! est-ce qu’elle a appris à parler à la même
école que Grimaud ?
LARAMÉE, la poussant.
Voyons donc !... un peu de courage !...
Il va poser le carton de dentelles sur l’armoire, au
fond.
MARIE, s’approchant, les yeux baissés.
Pardon, pardon, monseigneur... c’est que... en me
trouvant auprès de vous... je tremble malgré moi.
Elle lève les yeux, en lui faisant signe de se
contraindre.
BEAUFORT, jetant un cri.
Ah !
MARIE, très bas.
Prudence !
LARAMÉE, revenant.
Hein !... Qu’est-ce que vous avez donc ?...
Bon ! je parie que c’est la surprise !... Vous
ne vous attendiez pas à la trouver si jolie !...
BEAUFORT, cherchant à se calmer.
Hum ! hum ! elle n’est pas mal !...
LARAMÉE.
Je crois bien !
BEAUFORT.
D’assez beaux yeux, pour des yeux de cabaret.
MARIE, faisant la révérence.
Monseigneur est bien bon...
BEAUFORT.
Nous avons aussi bien que cela à la cour.
LARAMÉE.
À la cour, parce qu’elles ont de plus beaux habits...
Mais mettez-moi donc une robe de soie et des bijoux à
cette fille-là !... elle aura l’air d’une reine
quand elle voudra.
BEAUFORT, avec intention.
Non, non, elle est fort bien sous ce costume...Elle
aurait toutes les parures du monde, que cela ne
l’embellirait pas à mes yeux !...
LARAMÉE.
Cependant...
MARIE.
Oh ! monseigneur a raison.
Air de l’Ermite de Saint-Avelle.
Loin d’en rougir, je me sens fière
De ce modeste ajustement ;
Car de l’homme que je préfère
Il me rapproche en ce moment.
Oui, j’aime mieux, je le confesse,
Ce simple habit qui me pare aujourd’hui,
Que le manteau de la duchesse,
Qui me séparerait de lui ;
Oui, le manteau de la duchesse
M’exilerait bien loin de lui !
LARAMÉE.
Comme c’est délicat !... Comprenez-vous
l’allusion ? Elle veut dire qu’elle m’aime, et que,
si elle était grande dame, elle ne pourrait pas aspirer
à ma main.
BEAUFORT.
Parbleu ! je l’entends bien ainsi !... Voyons
maintenant votre ouvrage, Marie Michon.
Laramée va chercher les dentelles. Pendant ce temps,
Marie et Beaufort échangent vivement quelques signes.
Je vous préviens que je suis très difficile.
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