Les trois mousquetaires - D’Artagnan
Christine Féret-Fleury
250 pages Flammarion Jeunesse - 2023 - France Roman
Intérêt: *
Ce roman constitue la « novélisation » du film de
Martin Bourboulon, autrement dit, le « roman
du film ». Une opération éditoriale qui s’inscrit
dans le cadre de la vaste campagne promotionnelle
entourant la sortie de cette superproduction début avril
2023.
Contrairement au film qui
vise les publics de tous les âges, le roman est
expressément destiné aux adolescents et pré-ados
« dès 9 ans ». Il est publié chez Flammarion
Jeunesse et a été écrit par Christine Féret-Fleury,
auteure spécialisée dans la littérature jeunesse. Le
livre comprend un cahier central de seize pages avec des
photos du film.
Comme le veut le principe même de la
« novélisation », le roman reproduit
scrupuleusement le film. Ce qui a l’avantage de
permettre de retrouver quelques-unes des belles
répliques comme « Le roi n’a pas d’amis. Il n’a
que des sujets et des ennemis » ou encore
celle de Louis XIII à propos des galères: « je
n’y suis jamais allé mais il paraît que c’est pire que
l’Angleterre! ».
Conformément au film, cette version des Trois
mousquetaires comprend de nombreuses similitudes
avec la roman originel de Dumas: les personnages
principaux, bien sûr, mais aussi des séquences
essentielles comme les trois duels de d’Artagnan avec
les trois mousquetaires à son arrivée à Paris ou
l’épisode des ferrets de la reine.
On y retrouve aussi les différences importantes
apportées par les scénaristes du film, Matthieu
Delaporte et Alexandre de la Patellière. L’histoire est
fermement ancrée dans le contexte des guerres de
religion, qui ne sont plutôt qu’une toile de fond chez
Dumas. Athos appartient à une famille protestante et a
un frère, Benjamin, qui est l’un des chefs d’un complot
visant à créer une république protestante séparée du
royaume de France. On assiste à la machination qui fait
condamner Athos pour meurtre (même si l’on ne comprend
pas davantage que dans le film qui l’a montée et
pourquoi), à son évasion et à l’attentat contre la vie
du roi. On voit Athos (toujours lui) accompagner
d’Artagnan en Angleterre. On voit aussi comment dès le
début, d’Artagnan s’est trouvé impliqué dans le complot
monté par Milady contre Anne d’Autriche.
Le roman est écrit de façon très professionnelle par
Christine Féret-Fleury dont le nom n’apparaît nulle part
sur la couverture. L’auteure n’est en fait mentionnée
qu’une seule foie, sur la page de titre intérieure, sous
la mention « Texte de Christine
Féret-Fleury ». Dépourvu de toute créativité, le
livre a pour seule raison d’être de donner à lire à un
ado qui aurait aimé le film. Ce qui est une
justification en soi. Encore eût-on apprécié de voir
figurer quelque part à l’intention des jeunes lecteurs
une incitation à lire le roman de Dumas…
Extrait du chapitre 2
Autour de la table, les esprits s’échauffent.
- Nous devons débarrasser le royaume de ces hérétiques !
crie le vieil homme qui, le premier, a appuyé les propos
de Gaston d'Orléans.
- Ce n'est donc pas une guerre que vous voulez, réplique
le roi, mais une croisade !
- Un Dieu ! Un pays ! Une religion ! scande son frère,
très exalté.
Exaspéré, Louis XIII abat son poing sur la table; la
maquette de l'église vacille.
- Assez, messieurs ! crie-t-il. Cela suffit ! Je
n'ordonnerai pas une nouvelle Saint-Barthélemy.
Gaston d'Orléans baisse les yeux.
- Les cloches de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois
sonneront cette fois pour célébrer vos noces, Gaston, et
non pour donner le signal du massacre des protestants,
comme ce fut le cas le 23 août 1572. Vous parlez de
Dieu, mais dois-je vous rappeler, mon frère, que notre
père a été tué par des mains catholiques ? Vous devriez
vous méfier de vos amis dévots.
- Votre Majesté insinuerait-elle que... commence le
comte de Chalais.
- Je n'ai pas à insinuer, tranche Louis XIII. Je suis le
roi.
Après avoir consulté Gaston d'Orléans du regard, le
comte s'approche de son souverain, conciliant.
- La noblesse ne demande qu'à se battre pour vous, sire.
Nous sommes vos vrais amis, et...
D'une voix glaciale, le cardinal de Richelieu, resté
jusque-là en retrait, le coupe :
- Le roi n'a pas d'amis. Il n'a que des sujets et des
ennemis. Il est temps de montrer qu'ici, nous sommes
tous ses sujets. N'est-ce pas ?
Son regard d'aigle fait le tour de l’assemblée. Les
têtes s'inclinent, certaines de mauvaise grâce. La reine
reste impassible. Le comte de Chalais, cachant mal sa
fureur d'être ainsi rabroué, se tourne vers une femme
âgée, de grande allure, qui s'est tenue à l'écart du
débat. Richement vêtue d'une robe surchargée de
broderies, elle se tient très droite sur son siège.
C'est Marie de Médicis, la reine-mère.
- Madame, commence-t-il, je vous implore de...
Mais cette fois encore, il ne parvient pas à se faire
entendre.
- Le cardinal de Richelieu a raison, tranche la veuve
d'Henri IV. Le roi est l'oint du Seigneur. Lui seul
décide du destin de notre foi et de la France.
Louis XIII approuve simplement de la tête, puis fait
signe au cardinal de le suivre. Tous deux quittent la
salle du Conseil sous le regard furieux de Gaston
d'Orléans, qui fulmine :
- Il se croit Louis le Juste, il n'est que Louis le
Faible !
- Vous avez appris à parler fort, mon fils ? le rabroue
Marie de Médicis en braquant sur lui son regard
impitoyable. Vous croyez vous adresser à votre frère,
mais vous parlez au roi. Apprenez donc à vous taire et
peut-être vous écoutera-t-on…
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