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Fannie et sa rivale

Raymond Dumay

350 pages
Julliard - 1955 - France
Roman

Intérêt: *

 

Après avoir été très présent dans les deux premières aventures de Fannie (Bonjour Fannie et Fannie à Paris) et avoir fait une brève apparition dans la troisième (Les amours de Fannie), Alexandre Dumas était complètement absent du quatrième volume (Fannie en Orient). Heureusement, il y en a un cinquième: Fannie et sa rivale. Dans les toutes premières lignes de ce roman, on voit apparaître un « homme qui, malgré la chaleur de la nuit d’été s’enveloppait étroitement de son manteau sombre »… Et cet homme n’est autre que notre écrivain préféré! 

Fannie et sa rivale renoue donc avec les premiers volumes en faisant de Dumas un personnage du roman. C’est le cas, en fait, dans grosso modo les cent premières pages qui se passent à Paris. L’action se situe pendant la révolution de 1830, à laquelle Dumas a participé activement. Il raconte d’ailleurs en détail dans Mes Mémoires comment il a vécu cet épisode de l’histoire de France. Raymond Dumay, auteur des aventures de Fannie, la petit écuyère au charme torride, a manifestement lu de près ces Mémoires de Dumas et s’en est inspiré pour reconstituer les événements et l’ambiance de l’époque. 

Comme dans les premiers romans de la série, Dumas ne figure pas parmi les principaux personnages de l’intrigue. Mais il apparaît beaucoup au second plan, donnant de la crédibilité à l’ensemble. Les scènes de bataille dans les rues de Paris, où Dumas se démène, sont très vivantes. Les lecteurs des Mémoires de l’écrivain retrouveront aussi avec plaisir la scène où Dumas va récupérer des armes historiques sans prix que les émeutiers sont en train de piller au musée de l’Arsenal (voir extraits ci-dessous). 

Très bien campé par Dumay, qui était un fin connaisseur de l’écrivain et de son oeuvre, Dumas joue ici encore une fois le rôle d’un ami proche de Fannie, amoureux d’elle (comme tout le monde) sans espoir d’être payé de retour. 

L’intrigue centrale du roman porte, comme toujours, sur les relations amoureuses de la jeune femme, les complots auxquels participe son entourage (où tout le monde est, à des degrés divers, révolutionnaire), etc. Au bout d’une centaine de pages, le récit bifurque vers l’Inde, où Fannie va connaître de multiples aventures des plus exotiques (mais sans y emmener Dumas, malheureusement). 

Un sixième et dernier volume, La revanche de Fannie, se passe, lui, essentiellement en Amérique. Comme pour le quatrième, Alexandre Dumas n’y apparaît pas du tout, même si Fannie mentionne à quelques reprises le nom de son grand ami. 

Bénéficiant d’un charme un peu désuet, l’ensemble de ces romans gagne à être connu: aventures échevelées, personnages attachants au premier rang desquels l’irrésistible écuyère, complots en tout genre, le tout sur fond de reconstitution très documentée du Paris du début du XIXème siècle. Avec en prime, donc, la présence d’un Alexandre Dumas très bien rendu, variable selon les volumes mais très substantielle dans les deux premiers. 

 

Extrait du chapitre 2 « Car cette heure est suprême… » 

Ce fut dans la rue Saint-Honoré que Fannie aperçut devant elle une silhouette familière. 

— Parbleu, c'est Dumas ! dit-elle en interpellant le jeune écrivain. Je vous croyais à la Bastille ? 

— J'en viens ! Vous ne pourrez avancer vers le Palais-Royal, il y a un régiment de lanciers en position. 

— Hé bien, nous passerons ailleurs, voilà tout ! Vous m'accompagnez ? 

— Je ne puis vous laisser aller seule à travers cette ville où l'on se bat, déclara Dumas. Où alliez-vous ? 

— Rue de Rohan, aux Tuileries, Klébert est par là. 

— Pourquoi êtes-vous seule ? 

— Seigné est mort. Il m'avait fait appeler chez Nodier. 

— Est-ce possible ? Un si cher ami ! s'écria le bon Dumas dont les yeux bruns se mouillèrent. Ma petite Fannie, demeurez auprès de moi, je serai mort avant qu'on ose vous toucher ! 

— Mais mon cher Alexandre, dit Fannie, il ne s'agit pas de mourir pour moi. Je suis armée et j'espère bien vous aider efficacement. D'ailleurs je ne suis pas seule, monsieur Lacassagne... Tistou, m'accompagne. Klébert nous a donné quartier libre, nous recommandant simplement de ne pas risquer inutilement notre vie pour tenter de le rejoindre. Si vous m'assurez qu'il y a tout un régiment entre lui et nous... 

— Regardez plutôt... répondit Dumas en tendant le doigt. 

Fannie dirigea son regard dans la direction indiquée et vit s'avancer une troupe nombreuse, précédée de tambours qui battaient aux champs. La troupe marchait droit sur eux. 

— Allons, mon intrépide, tournez bride, dit Dumas en saisissant lui-même les rênes d'Azalée qu'il poussa vers une porte cochère grande ouverte. Tistou et le négrillon avaient déjà cherché asile dans la cour. Derrière les tambours venait un général au milieu de son Etat-Major. Dumas regarda son fusil, puis le général à l'habit chamarré. 

— Je tire bien, savez-vous Fannie, dit-il hésitant. 

— Ils sont deux ou trois mille, dit Fannie un peu pâle. Nous ne pouvons rien à nous quatre ! 

— Je plaisantais ! 

Sitôt la troupe passée, des hommes sortis des maisons avoisinantes parurent de tous côtés et se mirent à remuer des pavés. 

— En voilà qui ne reviendront point sur leurs pas ! dit rageusement l'un d'eux, en traînant un charreton en travers de la rue. 

— La tactique de Klébert ! murmura Fannie. 

— Elle est excellente, acquiesça Dumas, mais je voudrais bien dépasser le Palais-Royal. Nous allons tâcher de traverser cette place-ci, et d'atteindre la Seine. 

Fannie eut un geste d'approbation et, ayant mis son cheval au pas, le fit avancer aux côtés de Dumas qui marchait d'une allure décidée, son fusil sur l'épaule. Ils atteignirent sans encombre le pont de la Révolution et soudain Fannie tira sur la bride de sa monture et cria : 

— Regardez ! 

Le drapeau tricolore flottait sur Notre-Dame. Dumas sentit son coeur battre plus vite et s'appuya, tout ému, contre le parapet. Il tendit les bras vers cet emblème retrouvé de la patrie, tout surpris de l'émotion qui le bouleversait et dont il s'était cru incapable. La vue de son fusil avait rallié autour de leur groupe une douzaine d'hommes, tous armés des objets les plus hétéroclites. Il y avait là des pistolets et des sabres, mais aussi des masses d'armes dérobées à l'Arsenal, des poignards et même de vulgaires broches à poulets. 

— Monsieur, dit un adolescent maigre et fluet dont l'accent annonçait son faubourg, vous avez l'air d'un bon « grinche », voulez-vous nous conduire ? 

— Où ça ? demanda Dumas quelque peu étonné. 

— Où l'on se bat. 

— Ils ont raison ! s'exclama Fannie, je crois que nous perdons un temps précieux, monsieur Dumas. Il nous faudrait rejoindre l'Hôtel-de-Ville. J'ai entendu dire que le régiment rencontré tout à l'heure allait de ce côté. 

— Hé bien allons ! dit Dumas. Nous prendrons par la rue de Lille pour éviter la caserne d'Orsay qui commande le quai. 

Extrait du chapitre 3 Le second jour 

A son retour, (Fannie) trouva Dumas en conversation animée avec Tistou et un grand garçon flegmatique qu'elle sut bientôt être le valet du jeune homme. 

— Ah monsieur ! disait-il, ses paroles inquiétantes faisant un amusant contraste avec son air calme et son regard malicieux. Ils sont en train de piller l'Arsenal ! Ils sont au musée d'artillerie où il y a un corps de garde. 

— Bon Dieu ! cria Dumas qui interrompit son déjeuner. Vous entendez cela, Fannie ? Il faut y aller ! 

— Mais Monsieur n'y pense pas ! On se bat là-bas ! fit remarquer fort pertinemment le domestique qui se nommait Joseph. 

— Je le sais bien, parbleu ! Mais ce qui est grave, c'est que les oeuvres d'art vont être détruites. Venez, mes amis, courons ! 

— Courons ! acquiesça Fannie qui se sentait de nouveau de taille à affronter toutes les aventures. 

Cependant que le paisible Joseph demeurait sur place, l'écrivain, Fannie, Tistou et Lipou dévalaient les escaliers, après un adieu rapide à leurs hôtes. 

Une partie des insurgés encombrait déjà les corridors du musée d'artillerie lorsqu'ils y arrivèrent. 

— Pour Dieu, mes amis, s'écria Dumas, respectez les armes ! 

— Comment, que nous respections les armes ? Il est bon celui-là ! répondit l'un des hommes auxquels il s'adressait. Mais nous ne sommes ici que pour les prendre ! 

— C'est vrai ! murmura Dumas, il n'y a pas moyen d'éviter le pillage. Fannie, ma chère, il nous faut sauver ce qu'il y a de plus précieux, l'apporter chez moi — ma maison est à deux pas — et le rendre plus tard. Je sais un trophée équestre de la Renaissance que, pour un empire et trois révolutions je ne voudrais voir anéanti ! 

— Je me moque bien des trophées équestres ! lança Fannie mécontente. Ces hommes veulent se battre, ils ont raison... 

— Non, c'est monsieur Dumas qui a raison, intervint Tistou. Ces armes valent une fortune, surtout pour des collectionneurs tels que moi. Il faut les sauver du désastre. Aidez-nous s'il vous plaît, madame la comtesse ! 

« Ils sont fous! pensa Fannie. Enfin, puisqu'ils le veulent. » 

Déjà, Dumas, qui connaissait à fond le musée, s'élançait vers une petite pièce garnie de vitrines et d'armures. Il se saisit d'un bouclier et d'un casque, et tendit la main vers une épée ayant appartenu à François Ier. Tistou prit une arquebuse et ne résista pas au plaisir de déchiffrer l'inscription gravée sur le canon : 

Pour maintenir la foy
Je suis belle et fidèle;
Aux ennemis du roy
Je suis belle et cruelle. 

Dumas avait mis le casque sur sa tête, le bouclier à son bras et l'arquebuse sur son épaule, Tistou ayant finalement opté pour un poignard damasquiné. Fannie examinait avec curiosité une masse d'armes qu'elle se résolut à emporter, cependant que Lipou se décidait pour une hache. 

— Prenez cette armure, monsieur Lacassagne, conseilla Dumas. C'est une merveille, en vérité. L'ancien valet de Klébert obéit et, ainsi chargés, ils se mirent en devoir de regagner la rue et de se hisser jusqu'au sommet des quatre étages où gîtait Dumas. Le fidèle Joseph, revenu à son poste, ne cacha pas sa stupeur devant les arrivants. 

— Ah monsieur ! s'écria-t-il, où allez-vous avec toute cette ferraille ?  

 

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