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Le Simulacre Tome 3 - La Versailles céleste
Ce troisième tome vient conclure la série du Simulacre après La seconde vie de d’Artagnan et L’ombre du Cardinal. Le récit embraye directement sur la fin du tome 2. D’Artagnan (ou plutôt son « simulacre »), Athos (ou plutôt l’être métallique qui abrite désormais son cerveau), Porthos, Planchet et Estella, la jeune fille dont d’Artagnan est tombé amoureux (sentiment réciproque), se rendent sur la « Versailles céleste », ce phénoménal palais aérien construit pour Louis XIV par les extraterrestres. Ce petit monde flottant loin au dessus de la Terre est constitué d’anneaux concentriques : l’anneau extérieur accueille une ville qui héberge la population dépendant de la Cour ; vient ensuite un anneau de nature sauvage ; puis un anneau de gigantesques jardins dessinés par Le Nôtre ; et enfin au sommet de l’ensemble, le colossal palais lui-même. Si d’Artagnan et ses amis se précipitent sur la Versailles céleste, c’est que le temps presse. Leur rencontre avec Richelieu, à la fin du volume précédant, leur a appris l’immense menace qui pèse sur le monde. Les extraterrestres ne sont que les agents d’un être inconcevable, le Kraken, qui se déplace dans le vide interstellaire en absorbant l’énergie située au cœur des planètes. Sous ses dehors de palais somptueux, la Versailles céleste est en fait une machine à aspirer l’énergie du noyau de la Terre. Dans quelques heures, au moment où Louis XIV inaugurera son château volant, la machine se mettra en marche et occasionnera la fin du monde… Pire encore (si l’on ose dire), les extraterrestres sont aidés dans leur projet par leur agent terrien qui n’est autre qu’Aramis, le général des Jésuites. Lequel emploie notamment Milady (qu’il a ressuscitée grâce aux technologies extraterrestres) pour ses basses œuvres. La majeure partie du livre décrit la façon dont d’Artagnan et ses amis progressent, ensemble ou séparément, dans la Versailles céleste, en proie aux attaques incessantes des extraterrestres, des hommes d’Aramis, de Milady, des défenses automatiques du palais, etc. Les scènes de bataille ou de duels se succèdent sans interruption. Et si l’histoire se termine bien (l’humanité est sauvée !), ce n’est pas sans dégâts : les morts sont innombrables, la Terre est ravagée. Quant à la Versailles céleste, elle est intégralement détruite, si bien que l’on voit tout à la fin du livre Louis XIV se construire une Versailles terrestre beaucoup plus ordinaire mais certainement plus sûre.
Par rapport aux excellents deux premiers tomes de la série, ce troisième volume souffre de quelques handicaps. Il n’y a pas, en premier lieu, l’effet de découverte de l’univers extraordinaire et très convaincant imaginé par Jean-Luc Marcastel. Le seul élément vraiment nouveau est la description du palais volant, mais elle ne suscite pas la même surprise que la multitude d’inventions des débuts. Ce dernier volet est par ailleurs beaucoup plus long que les précédents et ce n’est pas un progrès. Les scènes de bataille succèdent aux scènes de bataille à un rythme certes échevelé, mais finissent par devenir quelque peu répétitives. L’écriture est parfois un peu relâchée, avec de nombreuses répétitions. Bref, le roman aurait gagné à être édité et condensé. Tout cela n’empêche pas La Versailles céleste de conclure très honorablement l’histoire du Simulacre. La réussite finale du récit tient beaucoup au fait que l’auteur, après avoir accumulé des centaines de pages de scènes d’action, s’appuie de nouveau, in fine, sur la personnalité de ses héros pour amener le dénouement. Un coup de théâtre dans les relations entre Athos et Milady, appuyé sur leur histoire connue dans Les trois mousquetaires, joue un grand rôle dans la fin du récit. Un coup de foudre pour une belle jeune fille pousse Porthos à se surpasser et à devenir « aujourd’hui, oui, vraiment un géant », comme le dit, subjugué, Planchet. Aramis, pour sa part, bascule définitivement du « côté obscur » : il trahit ses amis, son roi, son honneur et l’humanité toute entière. Quant à d’Artagnan, on oublie pendant une bonne partie du récit que l’on a affaire non pas au véritable mousquetaire mais à son simulacre, sa copie éprouvette. Mais cette réalité revient finalement au premier plan, notamment dans ses relations avec Estella (qui aime-t-elle, le héros de légende, ou sa copie ?). Une très belle scène voit le simulacre affirmer sa personnalité vis-à-vis d’Estella et de Louis XIV, alors qu’il se prépare à affronter Aramis dans un duel à mort (voir extrait ci-dessous). Notons d’ailleurs que les relations entre le mousquetaire, la jeune fille et le roi, vers la fin du récit, sont des plus réussies. En définitive, les quelques faiblesses de ce dernier tome n’empêchent pas Le Simulacre dans son ensemble d’être une grande réussite : un vrai roman de science-fiction plein d’invention et de fantaisie, solidement ancré dans les histoires de Dumas et utilisant pleinement ses personnages.
Extrait du chapitre 23 Retrouvailles D’Artagnan baissa les yeux pour se laver l’âme et le cœur au petit visage d’ange roux d’Estella. Là, dans ses traits, son regard, sa flamme, c’était la vie elle-même, ardente, excessive conquérante, qui le contemplait. Son cœur se serra. C’était elle, à présent, qui le buvait par la pupille, avec une calme assurance, s’enfonçait en lui pour planter dans son âme un germe d’espoir. « Acceptez le duel, murmura-t-elle. — À quoi bon. » Une nouvelle déflagration attira son attention vers le haut, juste à temps pour voir la Bastille se muer en sphère de gaz bouillonnante avant de s’éteindre, de retourner au néant. Mais la jeune fille n’en voulait pas démordre. « Rien n’est fini... pas tant qu’il reste encore de la vie. Et moi j’ai faim d’Artagnan, j’ai faim de vie, j’ai faim d’amour... j'ai faim de vous. — Estella, je… » Elle saisit son visage entre ses mains, le forçant à la fixer, se brûler à sa flamme. « Gagnez du temps, c’est tout ce dont nous avons besoin. » Elle ajouta, après un instant de silence, comme elle aurait prononcé une profession de foi. « J’ai confiance en vous. — J’ai échoué Estella. Je ne suis rien, une copie, une pâle imitation, un simulacre. Je croyais pouvoir l’égaler, lui... exister par moi-même... » Elle posa un doigt sur ses lèvres pour le faire taire, puis, lentement, doucement, comme pour ne pas l’effaroucher, approcha les siennes, jusqu’à ce que ne les sépare plus que l’espace d’un souffle, celui de la vie, de la passion, immense, dévorante. « Je ne veux pas entendre ces mots sortir de votre bouche d’Artagnan. « Je ne suis pas d’Art... « Votre nom n’a pas d’importance, seul l’homme qu’il désigne... Et je sais ce que vous êtes... qui vous êtes, chuchota-t-elle, du feu sous chaque syllabe. « Et je suis... » Une attente immense, un espoir fou, pointait dans la voix du Gascon tourmenté, cet espoir qu’il espérait recueillir des yeux ou des lèvres de la belle voleuse. « Vous êtes le héros de mon enfance, et bien plus encore... — C’est donc bien lui que vous aimez à travers moi, constata-t-il, amer. Elle le ramena une fois encore à elle. « Laissez-moi finir, tête de mule! C’est d’abord lui que j’ai aimé à travers vous, c’est vrai, mais depuis que je vous ai rencontré, j’ai appris à vous connaître, à vous aimer, vous, non pas pour celui que vous étiez, ou qu’il était, mais pour celui que vous êtes maintenant. — Alors qui suis-je à la fin ? — L’homme que j’aime, répondit Estella en unissant enfin ses lèvres aux siennes. » Les mains du Gascon se nouèrent dans le dos de la jeune fille, au creux de sa taille gracile, avant de glisser un peu plus bas, où son anatomie se faisait plus généreuse, plus charnue... pour s’y ancrer, s’y agripper. Elle se raidit. Ses yeux fulgurèrent. « Malotru! » Mais il n’y avait pas de colère, dans sa voix un rien plus rauque. Un sourire releva la moustache du mousquetaire. « Non... Gascon. » Abandonnant sa feinte indignation, elle se colla un peu plus contre lui avec un soupir d’aise. « Alors, Gascon de mon cœur, rabattez donc le caquet de cet indélicat et couvrez-vous de gloire. Je vous veux victorieux. » Derrière l’épaule de d’Artagnan, une autre voix s’éleva, impérieuse celle-là, une voix à laquelle on ne pouvait résister. « Capitaine Charles de Batz Castelmore, vous me voyez navré de vous arracher à telle communion, mais n’avez-vous point un défi à relever ? » D’Artagnan, à regret, s’écarta d’Estella. « Majesté, ce défi, je vais le relever, mais vous l’avez entendu, même si je l’emporte... » Il ne put finir sa phrase. Le Roi, loin de partager son pessimisme, le reprit avec une tranquille assurance. « N’est-ce pas un de vos frères gascons, d’illustre mémoire, qui, au seuil du tombeau, prononça ces mots : « C’est tellement plus beau lorsque c’est inutile. » Ces paroles, telle une braise tombant sur un lit de paille sèche, suffirent à embraser ce que les lèvres d’Estella avaient glissé dans le cœur du mousquetaire. Le Roi, conscient de sa victoire, ajouta : « C’est à vous maintenant, mon jeune ami, et à vous seul de décider ce que vous êtes, qui vous êtes... Alors Gascon je vous le demande : êtes-vous le capitaine de ma garde, ou juste son ombre ? » D’Artagnan fixa le visage marmoréen du Roi, chercha dans son œil une trace de raillerie... pour n’y trouver qu’une attente sereine, une certitude tranquille. « Vous saviez déjà que j’allais dire oui, n’est-ce pas ? » Le Roi eut un nouveau sourire, celui du chat qui a avalé la souris. « Je savais que d’Artagnan dirait oui... Mais je ne savais pas qui vous étiez, vous... — Moi aussi je l’ignorais. — Et à présent, le savez-vous ? » Le Gascon fixa une nouvelle fois Estella, qui, petite statuette de vie et de feu, attendait elle aussi sa réponse. « Je suis... commença-t-il. Je suis... » Alors que ce nom brûlait au bord de ses lèvres, il acheva enfin. « Je ne sais si je suis Charles de Batz Castelmore... Mais pour vous Majesté... Et pour toi… acheva-t-il en plongeant ses yeux dans ceux d’Estella. Je suis et je resterai… d’Artagnan ! » |
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