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Edmond Dantes (1ère version)
A sequel to the Count of Monte-Cristo by Alexandre Dumas

George W. Noble

203 pages
1849 - États-Unis
Roman

Intérêt: *

 

Ce livre existe en deux versions, étudiées toutes deux dans cette fiche.

1ère version: Edmond Dantes, par - peut-être - George W. Noble
203 pages
1849
Sous-titre : A sequel to the Count of Monte-Cristo by Alexandre Dumas

2ème version: Edmond Dantes, par - peut-être - Edmund Flagg
378 pages
Date: approximativement 1885
Sous-titre : The sequel to Alexander Dumas' celebrated novel of The count of Monte Cristo – An entire new and enlarged edition

 

Edmond Dantes est semble-t-il un cas unique dans la multitude des suites inspirées de Dumas. Voici en effet un livre qui a connu au moins deux versions différentes, un deuxième auteur reprenant textuellement l’œuvre d’un prédécesseur en y ajoutant de copieux éléments destinés à faire le lien avec d’autres suites. Le tout dans une démarche très commerciale, l’objectif recherché semblant tout simplement de faire acheter un nombre important d’ouvrages aux amateurs du Comte de Monte-Cristo de Dumas.

Comme les autres nombreuses suites données à Monte-Cristo aux Etats-Unis dans la deuxième moitié du XIXème siècle, les deux versions d’Edmond Dantes ont d’ailleurs été publiées sous le nom d’Alexandre Dumas, en profitant de l’absence, à l’époque, de législation sur le copyright. Ce qui ne facilite pas l’identification des auteurs réels de ces ouvrages.

Edmond Dantes – 1ère version

Le livre commence par une conversation entre plusieurs personnages du Comte de Monte-Cristo: le journaliste Beauchamp, le politicien Debray, Château-Renaud. Ils discutent de l’actualité parisienne, évoquent Morrel, Valentine de Villefort, etc… Surtout, ils parlent du député de Marseille Edmond Dantès, qui fait sensation par son engagement en faveur des travailleurs, dont personne ne sait d’où il vient, et qui ressemble un peu au célèbre comte de Monte-Cristo.

Au fil des chapitres suivants, on en apprend un peu plus sur cet homme politique: il est l’auteur d’une pièce à théâtre militante, Les travailleurs de Lyon, qui remporte un immense succès, il est veuf avec une fille, il vit très simplement, mais disposerait de très vastes moyens financiers… Et il aurait décidé de consacrer ces derniers au renversement des régimes autocratiques d’Europe.

Très vite, le roman bifurque vers de longues digressions sur la situation politique du pays dans les années 1840. De nombreux personnages réels de l’époque comme Ledru-Rollin ou Louis Blanc sont mis en scène, tandis qu’un chapitre complet est consacré à la description du fonctionnement d’un grand journal à l’époque et à l’évocation de l’influence de la presse. D’interminables discussions politiques se déroulent sans le moindre élément romanesque.

Au milieu de ces développements, un chapitre décrit une soirée à l’Opéra où apparaissent de nombreux personnages de Dumas: Dantès, bien sûr, mais aussi Eugénie Danglars (qui chante sous le nom de Louise d'Armilly) et son professeur de musique, Beauchamp, Debray, Château-Renaud, Valentine de Villefort, Maximilien Morrel, la comtesse de Morcerf et Albert… Mais la scène ne sert pas pour autant à faire progresser l’action.

Incidemment, à l’occasion d’une maladie d’Edmond Dantès, il apparaît que Mercédès, comtesse de Morcerf, vient le rejoindre et qu’ils se marient. L’action se déplace vers le début de l’année 1848. Edmond et Mercédès, apprend-t-on, ont un fils et une fille, qui ne sont jamais nommés.

Viennent alors de nombreux chapitres consacrés à la description par le menu du déroulement des journées révolutionnaires de 1848. Edmond Dantès n’y apparaît quasiment pas. Dans la conclusion, enfin, on retrouve Mercédès et Edmond. Ce dernier se félicite de la victoire de la révolution, et annonce à son épouse qu’il ne compte pas jouer un rôle dans le gouvernement qui se met en place. Fin de l’ouvrage.


Edmond Dantes 1, on le voit, est un ouvrage composite. La dimension romanesque en est quasiment absente. La suite des aventures du comte de Monte-Cristo n’est qu’un prétexte: ce dernier n’apparaît qu’en filigrane et ne joue aucun rôle réel dans les événements qui se déroulent. De façon très frappante, d’ailleurs, le récit suit très peu directement Edmond Dantès: le plus souvent, ce sont d’autres personnages, actifs dans la vie politique de l’époque, qui évoquent – et saluent – son action pour la Cause.

Le véritable sujet du livre est bien la description de la Révolution de 1848, effectuée avec un luxe de détails factuels passablement fastidieux. La lecture du « roman » - publié, rappelons-le, immédiatement après la Révolution - fait immanquablement penser à un collage d’articles de journaux. Et de fait : une note de bas de page donne peut-être le mot de l’énigme. Signée du « traducteur » du livre (censé être de Dumas), elle dit ceci, à propos d’un long débat de théorie politique entre Louis Blanc et Marrast: «C’est une coïncidence tout à fait remarquable qu’un passage presque identique à celui-ci ait paru en mai 1848 dans le journal La Liberté publié par Dumas». Comme si l’auteur anonyme avait voulu faire savoir que son livre reposait en fait sur une compilation d’articles, dont certains écrits, malgré tout, par Dumas lui-même… Certains, mais pas tous : une deuxième note fait état de la similitude entre un passage d’Edmond Dantes et un rapport de Louis Blanc au gouvernement provisoire.

Tel quel, Edmond Dantes 1 n’a donc guère de mérite littéraire et bien peu d’intérêt en tant que «suite» de Monte-Cristo, tant cette dernière dimension est évidemment artificielle. Mais les choses se corsent avec la deuxième version du livre…

Edmond Dantes – 2ème version

A quelques détails près, que nous signalerons, Edmond Dantes 2 reproduit mot à mot la première version du livre. Mais il y ajoute d’importants développements, destinés à en faire un livre centré davantage sur le personnage du comte.

Les trois premiers chapitres d’Edmond Dantes 2 sont ainsi complètement ajoutés. Le premier enchaîne directement sur la fin du Comte de Monte-Cristo de Dumas. On y voit le comte et Haydée sur leur yacht. Ils sont pris dans une terrible tempête et font naufrage.

Le deuxième chapitre se situe dix ans plus tard. Ils sont tous deux installés sur une île grecque, où Monte-Cristo travaille à l’avènement de la liberté en Europe. Ils ont deux enfants: un fils, Espérance, et une fille, Zuleika. Mais leur vie paisible est perturbée par l’arrivée du forçat Benedetto. Dans le troisième chapitre, ce dernier tue Haydée et incendie le palais de Monte-Cristo, qui part avec ses deux enfants.

Le livre enchaîne alors sur le texte de Edmond Dantes 1. La reprise de ce dernier est, nous l’avons dit, intégrale, à quelques détails près: ajustements dans la chronologie, modifications chaque fois que les enfants d’Edmond Dantès sont mentionnés… Plusieurs fois, un chapitre commence avec un ajout d’environ une page consacré à Dantès lui-même, la sensation qu’il cause dans Paris, etc… Une tentative manifeste pour accroître quelque peu le poids du héros dans le roman qui porte son nom.

Au beau milieu du livre, un chapitre entier est ajouté pour introduire une histoire d’amour impliquant Zuleika. Aucun rapport avec le reste du livre, mais très important, nous le verrons, pour annoncer la suite de la suite: Monte-Cristo’s daughter.

L’interminable description de la Révolution est reproduite à l’identique, mais les deux textes divergent de nouveau à la fin: Edmond Dantes 2 comprend cinq chapitres supplémentaires ajoutés au texte de Edmond Dantes 1.

Le premier de ces chapitres tente là encore de resserrer la trame du roman en racontant comment Espérance, le fils adolescent de Monte-Cristo, a joué un rôle actif dans les combats sur les barricades. Mais très vite, le récit s’oriente sur l’histoire d’amour qui lie Zuleika à Giovanni, un jeune aristocrate italien. Pour une raison qu’il ne veut pas expliquer, Espérance s’oppose violemment à Giovanni, au désespoir de sa sœur et pour la plus grande inquiétude d’Edmond Dantès. Celui-ci décide donc de tirer au clair ce mystère. Pour cela, il écrit au bandit romain Luigi Vampa, au courant de l’affaire. Ce qui annonce la suite, Monte-Cristo’s daughter, livre intégralement consacré à Zuleika et Giovanni.

Au passage, dans ces derniers chapitres, Albert de Morcerf, qui s'appelle maintenant le capitaine Joliette (dans Edmond Dantes 2, car dans Edmond Dantes 1, il a pris le nom de Herrera), tombe amoureux de Louise d'Armilly-Eugénie Danglars (on se souvient que dans Le comte de Monte-Cristo, Albert était fiancé à Eugénie...). Bien qu’une quinzaine d’années seulement aient passé depuis leurs rencontres précédentes, ils ne se sont reconnus ni l'un ni l'autre (!). Ils finissent malgré tout par s'identifier et se marier.

Par rapport à la première version du texte, Edmond Dantes 2 voit donc sa dimension de «suite» de Monte-Cristo sensiblement renforcée. Mais cela ne suffit pas à en faire un roman réussi. Le texte reste très décousu, de nombreuses scènes se succédant sans lien et sans justification. Et même si Edmond Dantès et sa famille apparaissent davantage, les interminables développements sur les leaders du mouvement révolutionnaire de 1848 ou le détail des événements de l'époque, sont toujours là, et continuent à fournir le cœur de l’ouvrage.

Le véritable intérêt du livre, dans la perspective des nombreuses suites à Monte-Cristo, tient bien sûr à l’existence de ces deux versions d’un même roman. Pourquoi avoir ainsi transformé, quelque trente ans plus tard, un livre qui ne méritait guère tant d’attention?

La réponse tient probablement à la parution d’une autre suite, Le fils de Monte-Cristo de Jules Lermina. Comme dans Edmond Dantes 1, Monte-Cristo y apparaît comme décidé à se consacrer à la cause des peuples. De ce point de vue, les deux suites sont «cohérentes». En revanche, le livre de Lermina, infiniment supérieur à Edmond Dantes 1, imagine de façon beaucoup plus convaincante la suite des aventures du comte. Haydée y est expressément nommée comme l’épouse de Monte-Cristo, et lui donne un fils nommé Espérance.

La nouvelle version de Edmond Dantes semble donc destinée à rendre ce livre compatible avec celui de Lermina, qui connaît à l’époque un très grand succès, mais aussi avec d’autres suites encore. D’où les modifications apportées pour introduire Haydée et Espérance, ajuster la chronologie, transformer le nom sous lequel Albert de Morcerf s’est engagé dans l’armée de Herrera en Joliette (nom utilisé par Lermina), etc...

Mais les transformations ne s’arrêtent pas là. Zuleika apparaît comme la fille de Monte-Cristo, de façon, encore une fois, à annoncer Monte-Cristo’s daughter. La volonté d’ouvrir un maximum de renvois vers les autres suites du roman de Dumas est manifeste: quatre pages avant la fin de Edmond Dantes 2, il est fait une allusion sans aucun rapport avec le récit à la Comtesse de Monte-Cristo, apparemment dans le seul but de renvoyer à ce dernier livre.

L’ensemble de cette démarche donne donc la forte impression d’avoir été impulsée, à des fins commerciales, par un éditeur désireux de pratiquer la «promotion croisée» de ses différentes suites à Monte-Cristo.

Reste la question de l'identité des auteurs de ces deux livres. En ce qui concerne Edmond Dantes 1, l’ouvrage indique qu’il a été déposé au Congrès par George W. Noble, qui pourrait apparaître ainsi comme le véritable auteur. Dans le cas de Edmond Dantes 2, la Bibliothèque du Congrès l'attribue à l'auteur américain Edmund Flagg (1815-1890). Un problème de taille, toutefois: elle en date la première édition de 1878, soit trois ans avant la parution du Fils de Monte-Cristo.

Cette contradiction dans les dates peut s’expliquer de plusieurs façons – si l’on admet que Edmond Dantes 2 a été nécessairement écrit après le livre de Lermina. Une hypothèse serait une erreur de date dans l’enregistrement du livre, ce qui n’aurait rien d’invraisemblable, s’agissant d’ouvrages publiés sans nom d’auteur (autre que celui de Dumas).

Une autre hypothèse serait qu’il existe un troisième livre intitulé Edmond Dantes. Là encore, cela n’aurait rien d’impossible: le succès remporté aux Etats-Unis par Le comte de Monte-Cristo et ses nombreuses suites à la fin du XIXème siècle était tel qu’un troisième auteur a très bien pu se lancer. Dans cette hypothèse, il resterait à trouver le Edmond Dantes de Flagg…

 

 Voir l'arbre généalogique du comte de Monte-Cristo

 

Extrait du chapitre X The fete (Edmond Dantes 1) et du chapitre XVI A notable fete (Edmond Dantes 2)

"Excellent - most excellent!" joyfully exclaimed Louis Blanc. "But where is M. Dantès?"

"He is still with the chiefs of the faubourgs and the committees of the Free-masons and workmen, in the Rue Lepelletier, issuing his last instructions for the morrow. Messieurs, that man is a magician! His zeal in the good cause puts the boldest of us all to the blush. By most indefatigable energy and indomitable perseverance, he has brought about a systematic, almost scientific organization and fraternity, through various modes of rapid intercommunication between the innumerable classes of operatives of every description throughout the whole capital and its faubourgs, so that, within six hours, he can have in military array an armed mass of one hundred thousand blouses upon the boulevards. The workshops alone, he tells me, can furnish fifty-thousand. The rapidity with which he conveys intelligence through this immense army and their utter subservience to his will and subordination to his orders are all so wonderful that it is impossible to determine which is most so. To control a Parisian populace has hitherto been deemed a chimera. With M. Dantès it is an existing reality. Not an army in Europe is so obedient or so prompt as his army of workmen. The secret is this - they know him to be their friend. All over Paris are to be seen his workshops, savings banks, hospitals and houses of industry and reform, and, in the suburbs, his phalansteries and his model farms. That he has the command of boundless wealth is certain; but whose it is, or whence it comes, no one can devine; and never did man make use of boundless wealth to attain his ends more wisely than he does! Why, I am told that the pens of half the littérateurs and feuilletonists of Paris have for years past been guided by his will and compensated from his purse to accomplish his purposes. The Mysteries of Paris and The Wandering Jew are but two of the triumphs of his policy. And his system of philanthropy seems not bounded by France, but to embrace all Europe. The Swiss Protestant and the Italian patriot have each felt his effective sympathy as well as the French workman; and in the same manner as with the operatives so has he obtained influence and weight with the National Guard, and to such an extent that of the sixty thousand one-half would obey his orders with greater alacrity than those of Jacqueminot himself. I tell you, Messieurs, he is a magician!"

"Hush! Hush!" cried Marrast; "he is entering now!"

 

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