L'île de Monte-Cristo dans les suites et pastiches
Centrale dans le mythe de Monte-Cristo - voir l'article
sur l'île de Monte-Cristo, le
mythe et la réalité, l'île figure très fréquemment
dans les suites données par les auteurs les plus variés
au roman de Dumas. Voici un florilège de ses
apparitions. Illustrations: série de huit dessins
faisant apparaître l'île réalisés par Edouard Riou
(1838-1900) dans l'édition du Comte de Monte-Cristo
publiée à la fin du XIXème siècle par l'éditeur Jules
Rouff.
L’île détruite
- Bertuccio, Ali ! dit Monte-Cristo, exécutez l’ordre
que je vous ai donné.
Et, rapide, il entraîna Haydée vers le yacht. Là, debout
sur le pont, il attendit.
- Haydée, dit-il, voilà que la minute qui s’écoule va
accomplir pour moi la séparation suprême du passé et de
l’avenir. Que disparaisse à jamais la dernière trace de
mes souvenirs de douleur, que s’abîme dans le néant ce
qui reste du secret de Faria. Grotte et derniers
trésors, que tout soit à jamais enseveli !
Et Haydée vit alors une colonne de feu surgir tout à
coup du milieu de l’île de Monte-Cristo. Une
épouvantable détonation déchira les airs, et il y eut
tout à coup un écroulement, un affaissement des masses
rocheuses. La foudre avait fait sauter les grottes de
Spada.
(Jules Lermina, Le
fils de Monte-Cristo, 1881, Prologue,
chapitre 20, Monte-Cristo)
L’île ermitage
…un homme était seul, debout, sur le plus haut rocher de
l’île de Monte-Cristo. Au bout de cinquante années, il y
était revenu. Cet homme, c’était Edmond Dantès.
Il y avait tantôt dix ans maintenant qu’il vivait sur ce
rocher perdu, masse qui semblait faite d’écroulements,
et sur laquelle était tombé le grand écroulé:
Monte-Cristo.
Les jours avaient succédé aux jours, les nuits avaient
suivi les nuits, et Monte-Cristo était resté seul,
n’entendant jamais une voix humaine.
(…) Des matelots assurent avoir vu quelquefois, au
coucher du soleil, sur le haut de ces rochers, une forme
humaine, de haute taille, drapée dans des vêtements
noirs. (…) Et comme ce sont des Italiens qui l’ont vu,
et que dans ces cerveaux-là les idées religieuses se
mêlent à tout, ils appellent le solitaire l’abbé de
Monte-Cristo.
(Jules Lermina, Le
fils de Monte-Cristo, 1881, Cinquième partie
– L’abbé Dantès – Epilogue)
L’île palais
- Mais, Monsieur Bertuccio, (remarqua Morrel), comment
savez-vous que je transforme l’île de Monte-Cristo en un
plus vaste hôtel familial ?
- Je viens de la visiter avec Jacopo, expliqua
l’intendant ; et je reste émerveillé de trouver déjà
l’îlot moins âpre, agrémenté de terrasses, de pavillons,
de jardins fleuris et de fruitiers, avec un débit plus
abondant des sources naturelles de cet amas de rochers,
où les chèvres sauvages elles-mêmes sont déjà moins
farouches. (…)
A Monte-Cristo, le souterrain des Spada avait été relié
ingénieusement à un ancien fortin féodal contre les
Barbaresques et les jardins, où des bassins de marbre
reflétaient l’azur méditerranéen, étaient devenus
praticables. (…)
La crique abritée où Spada était venu aborder avec son
énorme trésor était devenue un port d’eau profonde,
capable de tenir en lieu sûr les deux ou trois navires
qui accompagnaient le maître de Ghoulpore dans tous ses
déplacements vers l’Occident européen.
(P.-B. Gheusi, La fille de
Monte-Cristo, 1948, Chapitre 2, L’îlot
du rêve)
L’île tombeau
(Lettre du capitaine Jacopo à Mercès, fille du comte de
Monte-Cristo)
Le mois de Mai et les soins des hommes que j’ai engagés
ont fait, des alentours des Grottes, un véritable jardin
aussi beau que le plus beau que j’aie vu. Au lien d’un
étroit sentier y conduisant du bord de la mer, on y
monte par une large et belle route en escalier qui, vue
d’en bas ou d’en haut, fait un effet magnifique. On
élargit chaque jour le cercle de terre végétale au
milieu duquel s’élève la Grotte devenue Mausolée, et,
avec le temps, toute la partie supérieure de l’île sera
un jardin féerique qui attirera et charmera les regards
des marins voguant dans ces parages. Déjà on aborde à
l’île, on y descend, et on parcourt, sans désordre et
sans bruit, les environs des Grottes. On sait que votre
père et votre seconde mère, ainsi que leur Pénélon, sont
là, et le respect maintient l’ordre mieux que ne le
feraient des gendarmes. J’ai arrangé l’intérieur des
deux chambres mortuaires selon vos instructions, mais je
vous avoue que la vue des trois morts, de votre père
surtout, me fait un mal affreux.
(Charles Testut, Les filles
de Monte-Cristo, 1876, Epilogue)
L’île abandonnée
Ali les attendait (Monte-Cristo et sa fille) en bas de
l’escalier, et il les conduisit dans une vaste chambre
qui avait manifestement jadis été splendide mais était
maintenant défraîchie et couverte de poussière, comme si
elle avait été longtemps abandonnée. C’était
l’appartement dans lequel Monte-Cristo, en tant que
Sinbad le Marin, avait accueilli le baron Franz d’Epinay
des années auparavant. Mais le tissu de brocard, orné de
fleurs d’or, s’il ornait toujours les murs de la chambre
comme autrefois, était désormais passé et mangé par les
mites, et le tapis de Turquie, dans lequel les pieds du
baron s’étaient enfoncés jusqu’aux chevilles, ainsi que
les tapisseries accrochées devant les portes, étaient
dans le même état.
Le divan dans la niche était infesté de vers et les
fourreaux en argent des sabres arabes accrochés au
dessus étaient ternis, les gemmes incrustées dans les
poignées des armes ayant seules conservé leur éclat. La
lampe de verre de Venise accrochée au plafond, qui était
jadis si belle, et que Ali avait remplie et allumée,
était elle aussi ternie, et son globe aux formes si
délicates était fendu de haut en bas.
(Edmund Flagg, Monte
Cristo’s daughter, 1886, Chapitre 20, L’île
de Monte-Cristo)
L’île cachot
La flamme des torches illuminait les parois rocheuses de
l’étroit passage souterrain menant à la grotte. Elle
faisait luire comme de l’or et briller comme des
diamants les particules minérales prises dans le roc.
Mais ce n’était pas là l’or et les diamants que
Benedetto et ses hommes cherchaient. (…) Ils arrivèrent
à la chambre taillée dans le rocher qui, pendant si
longtemps, avait été la demeure du comte et de Haydée.
Tout son luxe oriental était demeuré intact. Les
somptueux tapis sur le sol, les délicates tentures sur
les murs, les divans et les coussins, tous les éléments
de ce palais souterrain étaient encore là exactement
comme le jour où Maximilien était venu pour que sa femme
lui soit rendue. (…)
- Est-ce là la grotte au trésor ? demanda Benedetto,
dont les espoirs avaient été considérablement ravivés
par le vue de toutes ces splendeurs.
- C’est la suivante, répondit Maximilien, à supposer
qu’il y ait un trésor ici.
La grotte suivante était aussi dépourvue d’ameublement
que la première en était remplie. Il suffit à Benedetto
de jeter un coup d’œil au grand trou vide dans le sol
pour être convaincu que son expédition, qui avait coûté
tant de vies, était infructueuse. Il ne restait pas une
seule pierre, une seule pièce du trésor qui était
demeuré là à l’abri pendant des siècles. (…)
Maximilien attendit que la fureur de Benedetto, à la
découverte de la disparition du trésor qu’il espérait
trouver, soit retombée et il répéta calmement :
- Je suis prêt à mourir !
- Oh, vraiment !, ricana l’assassin, très bien, tu vas
mourir, mais chaque torture infligée par le comte de
Monte-Cristo au baron Danglars t’affligera avant que la
mort vienne te délivrer de tes souffrances. (…)
Le trou qui avait contenu le trésor était, de taille et
d’aspect, très semblable à une tombe ouverte.
- Jetez-le dans ce trou, ordonna Benedetto. (…)
Rassemblez toutes les pierres et les rochers que vous
pourrez trouver et murez l’entrée de la grotte. (…)
Quand les premières lueurs de l’aube se glissèrent par
les interstices du plafond de la grotte, le mur avait
été entièrement construit. (…) Maximilien était
l’occupant vivant d’un mausolée.
(X…, Monte
Cristo and his wife, 1887, Chapitres 16 Prêt
à mourir et 20 Emmuré)
L’île du châtiment
L’intérieur de la grotte était faiblement éclairé par
une torche résineuse fixée sur une paroi. Le comte
descendit l’escalier, où la mousse avait proliféré et
qui ne semblait pas avoir été foulé par un pied humain
depuis bien longtemps. Sa stupéfaction crût encore en
voyant la vétusté de l’intérieur de la salle. Les parois
étaient nues, la voûte calcinée, le sol encombré par des
débris et des morceaux de bois brûlé. Trois belles
statues de marbre orientales, représentant les célèbres
Messaline, Cléopâtre et Phriné, noircies par la fumée,
trônaient au milieu de cette scène de ruines, au centre
desquelles elles semblaient vouloir rappeler les scènes
de ses plaisirs, de son luxe et de ses passions. (…)
Pour la première fois de sa vie, le comte sentit qu’une
faute fatale de son passé pesait sur lui. Il passa la
main sur son front, comme pour écarter une vision
désagréable, et, regardant autour de lui pour vérifier
s’il était seul, il poussa un petit cri en voyant
écrites en lettres noires sur la paroi ces phrases
définitives :
« Aux pauvres ce qui appartient aux pauvres.
La main du mort est levée sur Edmond Dantès, le faux
ami, l’amant cruel… L’abominable infanticide ! Le grand
criminel ! »
(Alfredo Hogan, La main du
défunt, 1853, Chapitre 47, La vanité de
l’homme)
L’île Saint Denis…
(Gobin, la tête tournée par la lecture du Comte de
Monte-Cristo, a été transporté de nuit sur l’île Saint
Denis par son neveu Charles, qui lui fait croire qu’il
se trouve dans l’île de Monte-Cristo)
GOBIN, à Charles. Ah, je te cherchais, mon ami
!…
CHARLES. Comment avez-vous passé la nuit, mon oncle ?…
GOBIN. Fort bien !…les lits sont bons à Monte-Christo… -
N’est-ce pas, Loulou ?…
LOULOU. Très bons !…à part quelques insectes…qui
probablement ont été importés de France.
GOBIN. Ce pays est bien plus civilisé que ne le dit mon
livre…
CHARLES. Vous savez… les romans !…
GOBIN. Cette auberge est parfaitement tenue…
LOULOU. La fille est une grosse Monte-Chris… - Comment
donc appelle-t-on les habitants de Monte-Christo,
bourgeois ?…
GOBIN. Eh ! Parbleu ! des Monte-Christiens…
LOULOU. Tiens ! tiens ! tiens !…
GOBIN. Ou Christois…à volonté…
LOULOU. Eh bien ! la fille est une grosse
Monte-Christoise très avenante… J’ai voulu lui prendre
le menton, elle m’a regardé en disant : As-tu fini ?
GOBIN. Oh ! la civilisation est bien plus avancée que je
ne croyais…
(Auguste Jouhaud, L’Ile de
Monte-Christo, 1847, Scène 2)
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