L’école des mousquetaires, tome 3
Bertrand Puard
270 pages PKJ - 2024 - France Roman
Intérêt: **
Ce roman est le troisième et dernier tome de L’école
des mousquetaires, après les tomes un et deux. Il
parachève en beauté cette excellente série de cape et
d’épée destinée aux jeunes adolescents. Avec une
nouveauté par rapport aux deux premiers volumes:
l’auteur y établit des passerelles avec son autre série
inspirée par Les trois mousquetaires, Les
enquêtes de Milady (voir le tome un Le baiser de
la tulipe noire et le tome deux Les crimes de
l’horoscope).
Le deuxième volet de L’école
des mousquetaires se terminait sur l’arrestation
de d’Artagnan sur ordre de Mazarin pour haute trahison.
Au début du troisième tome, ses amis se mobilisent pour
le tirer de ce mauvais pas. Ses amis, c’est-à-dire
Tréville et son épouse, Ketty, intendante de l’école, et
surtout les jeunes élèves de cette dernière, au premier
rang desquels Eva et Jules de Sandras. Porthos quitte sa
retraite pour venir assumer la direction provisoire de
l’école en attendant que d’Artagnan sorte de prison.
Tout ce petit monde se fixe comme objectif de démonter
la machination dont d’Artagnan a été victime: il s’agit
d’identifier d’abord le faussaire qui a réalisé les
fausses lettres impliquant le mousquetaire dans un
complot contre Mazarin, et ensuite, et surtout, ses
commanditaires.
Menées de façon décisive par les adolescents (les
adultes, Tréville et Porthos en tête, passant plus de
temps à boire qu’à enquêter), leurs investigations les
mettent sur la piste d’une redoutable société secrète,
la confrérie de la Tulipe Noire dont l’objectif serait
d’assassiner Louis XIV, alors âgé de neuf ans. Ayant
réussi à démontrer à Mazarin que les lettres incriminant
d’Artagnan étaient des faux, ils font libérer le
mousquetaire. Tout le groupe part alors à l’assaut du
repère secret de la confrérie pour un affrontement
final. Le tout s’achève sur la victoire des
mousquetaires, les vieux (d’Artagnan, Porthos, Aramis,
etc.) étant puissamment aidés par les jeunes (Eva, Jules
et leurs camarades d’école).
De facture très classique dans son déroulement, cette
aventure de cape et d’épée trouve son charme dans son
encrage dans l’univers des Trois mousquetaires.
Ce dernier est omniprésent. D’Artagnan bien sûr, mais
aussi Tréville, Porthos, Aramis, Ketty jouent des rôles
de premier plan. Mais les héros ont vieilli… Ils
s’adonnent à la boisson, on l’a dit, ils n’ont plus
l’énergie et l’esprit d’initiative de jadis. Face à eux,
les petits jeunes débordent en revanche de volonté et
d’enthousiasme. Confrontés à ces « grands
ancêtres », ils sont pétris d’admiration et les
vénèrent. Mais il leur faut bien constater que les héros
de jadis ne s’en sortiront pas tout seuls et que c’est à
eux, les ados, qu’il revient de passer à l’action. C’est
bien sûr une règle d’or de la littérature jeunesse que
de donner le premier rôle aux adolescents - et en
l’occurrence tout particulièrement aux filles - mais
cela donne une coloration intéressantes aux relations
entre eux et leurs « modèles ».
La mise en scène des anciens mousquetaires est réussie.
D’Artagnan est fidèle à lui-même, Aramis est plus ambigu
que jamais: intriguant comme toujours, il appartient à
la confrérie de la Tulipe Noire. Et l’on peut parfois se
demander si c’est pour participer à ses complots ou pour
la détruire de l’intérieur… L’irruption de Porthos, qui
arrive à l’école des mousquetaires avec un cortège de
chariots chargés de provisions pour bien nourrir les
jeunes élèves est un bon moment - d’autant qu’il amène
avec lui son chef cuisinier appelé Maquet. Présenter le
principal collaborateur de Dumas sous les traits d’un
« chef cuisinier » est une assez jolie
trouvaille! (voir extrait ci-dessous)
Bertrand Puard s’amuse également à tisser les liens
entre ses deux séries inspirées des Trois
mousquetaires: L’école des mousquetaires
et Les enquêtes de Milady (même si, bizarrement,
cela n’est jamais mentionné explicitement. Un lecteur de
L’école des mousquetaires ne peut savoir qu’il
existe une série parallèle s’il ne l’apprend pas par
ailleurs). Des liens un peu indirects par la force des
choses puisque l’action des Enquêtes… se situe
une vingtaine d’années avec celle de L’école…
Mais la boutique dans laquelle Milady se présente comme
marchande de thé dans les Enquêtes… réapparaît
ici. Surtout, la confrérie de la Tulipe Noire a fait sa
première apparition dans Le baiser de la tulipe
noire avant de revenir dans ce dernier volume de L’école
des mousquetaires. Il s’agit de la même confrérie,
bien sûr, mais qui a connu une profonde évolution.
Conçue initialement comme une société secrète au service
de Richelieu, elle s’est transformée en une sorte de
groupe terroriste cherchant à détruire l’Etat.
Bien mené, plein de rebondissements, ce roman est tout à
fait à la hauteur des deux premiers volumes d’une série
dont on regrette un peu qu’elle soit terminée. Elle ne
saurait manquer de plaire au public visé, celui des
jeunes lecteurs, même si le récit comporte en
conséquence les inévitables invraisemblances, comme des
« mousquetaires » de douze ou treize ans ayant
sans difficulté le dessus dans les combats à l’épée
contre des spadassins aguerris.
Extrait du chapitre 2
Le regard de Mme de Tréville s’éclaira.
- Nul besoin de mettre en place un quelconque stratagème
pour convaincre Porthos de nous rejoindre. Cela est déjà
fait. Je lui ai écrit il y a quelques jours. Le mot est
parti par pigeon.
Il y eut des « oh !» d'étonnement mais, aussi, et
surtout, d'admiration autour de la table.
- Je sais qu'il veut être fait baron, précisa Mme de
Tréville. Alors je lui ai fait miroiter l'obtention de
ce titre.
- Et donc, chère amie, demanda le capitaine, qui se
tenait enfin debout, quelle est sa réponse ?
- Je crois bien entendre rouler les roues de son
carrosse sur les pavés du quai...
Ils descendirent les grands escaliers par volée de
quatre marches et Eva, arrivée la première, ouvrit la
porte qui donnait sur la rue.
Un luxueux carrosse, aux armatures dorées à l'or fin,
s'arrêta juste devant le petit groupe transi de froid.
Derrière cette première voiture s'en rangèrent cinq
autres: des chariots et des calèches encombraient
désormais le quai de Seine.
La porte du carrosse s'ouvrit enfin. Un homme énorme en
sortit, comme expulsé du petit espace.
- Porthos! cria Tréville en allant aussitôt le serrer
dans ses bras.
- Capitaine !
Eva et Jules saluèrent le nouvel arrivant, tout comme
Ketty et Mme de Tréville. Les deux élèves en profitèrent
pour détailler cet homme hors du commun. Il était
presque aussi large que haut. Un ventre proéminent
tendait sa tunique et son manteau à les faire craquer.
Son visage rond, aux joues et au menton bouffis,
comportait un bouc et de grosses moustaches grises,
relevées en pointe.
Il enleva son chapeau pour saluer les dames, et Eva et
Jules découvrirent qu'il n'était pas chauve puisqu'une
touffe surmontait son crâne en forme d'œuf d’autruche.
- Que je suis heureux de vous retrouver, capitaine !
souffla le mousquetaire.
- Et qu'est-ce donc que tout cela? demanda Tréville en
montrant la caravane.
- Oh! J'ai simplement apporté de quoi faire bien manger
les élèves... répondit Porthos. Une bonne alimentation
est la base de tout bon apprentissage, surtout à cet
âge... Il y a là de quoi tenir une bonne semaine
seulement, mais j’ordonnerai un ravitaillement
bientôt... Je suis venu avec Maquet, mon chef
cuisinier... Vous pourrez donner congé au vôtre,
capitaine !
Porthos se pourlécha les babines tandis que des paniers
en osier contenant mille mets défilaient devant lui.
- Regardez donc ces poulardes de Bresse, mesdames... Et
ces homards que j'ai fait venir spécialement de
Roscoff...
Il prit la direction de l'entrée et pénétra dans le
bâtiment.
- Place! Place ! cria-t-il. Le nouveau directeur de
l'École des mousquetaires est dans la place !
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