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Les enquêtes de Milady, tome 2
Les crimes de l’horoscope

Bertrand Puard
Maxime Fontaine

304 pages
Fleuve Noir - 2024 - France
Policier - Roman

Intérêt: **

 



Les crimes de l’horoscope constitue le deuxième volume de la série Les enquêtes de Milady après Le baiser de la tulipe noire. On y retrouve Milady à une période de sa vie qui se situe après ses mariages successifs avec Athos puis lord Wilmore et avant l’épisode des Trois mousquetaires. La jeune femme vit à Paris sous le nom de Christabel Doncaster et mène une double activité: elle tient un magasin de thé où elle initie la haute société parisienne à ce nouveau breuvage et, en parallèle, elle s’emploie à résoudre les énigmes qu’on lui confie, à la manière d’un détective privé.

Dans cette nouvelle aventure, Milady est confrontée à une série de crimes variés: assassinats, incendie, destruction de bâtiment, etc. Des événements qui s’enchaînent à grande vitesse et qui semblent correspondre aux obscures prédictions d’une sorte de poème basé sur les signes du zodiaque. Autre point commun des plus troublants à ces crimes: ils visent Richelieu. De façon indirecte au début, en s’attaquant à des proches du cardinal ou à des biens qui lui sont chers. Mais en se rapprochant de lui de manière de plus en plus menaçante.

Ces événements se déroulent en outre de manière angoissante, étant souvent a priori incompréhensibles: meurtre dans une salle close, effondrement d’un immeuble sans raison apparente, etc. Autant dire que beaucoup de gens s’emploient à tenter de résoudre le mystère afin d’empêcher que le criminel inconnu n’en arrive à frapper le cardinal lui-même. Trois personnes au moins enquêtent en parallèle: la capitaine Gaspard de Courbevoix, enquêteur officiel des autorités, Milady elle-même, qui voit là une occasion de briller, et le mousquetaire Aramis. Ce dernier avait fait une brève apparition à la fin du premier volume des Enquêtes de Milady: il se confirme dans cette nouvelle histoire qu’il joue un rôle important d’agent secret au service de Richelieu. Ce qui l’amène à surveiller de très près les initiatives de Milady en qui il voit la meilleure chance d’arriver à démasquer le coupable.

Après moult rebondissements et une succession d’événements plus mystérieux les uns que les autres, Milady finit par identifier la personne responsable de toute l’affaire: quelqu’un qui touche effectivement de près à Richelieu…


Le baiser de la tulipe noire avait laissé une impression mitigée. L’intrigue policière était plutôt bonne mais le personnage de Milady peinait à convaincre: on avait du mal à retrouver la dimension tragique du personnage de Dumas sous les traits de Christabel Doncaster, jeune femme enjouée, passionnée par son commerce de thé. Le deuxième volume de la série est à cet égard nettement plus réussi. L’histoire est beaucoup plus ancrée dans le monde des Trois mousquetaires avec de nombreuses références à ce dernier roman. Le passé de Milady est rappelé à plusieurs reprises, avec les épreuves qu’il lui a fallu affronter: la prison, le marquage au fer rouge, la pendaison par Athos… Avec la justification apportée généralement dans les (de plus en plus) nombreux romans qui « réhabilitent » Milady: si elle a dû avoir recours à la violence et à la duplicité, c’est parce qu’une femme qui refuse de se laisser faire n’a pas d’autre choix dans « un monde fait par et pour les hommes » (voir extrait ci-dessous).

La Milady de ce deuxième volume révèle également son ambition. Décidée à échapper à une existence précaire, elle veut approcher au plus près du pouvoir suprême. D’où sa détermination à élucider la menace qui pèse sur Richelieu: elle voir là le moyen d’entrer au service de l’homme le plus puissant du royaume. Dans cette ambition, elle est servie par Aramis, qui confirme dans ce volume son rôle d’agent secret du cardinal. Très admiratif des capacités hors normes de Milady, Aramis la verrait bien, effectivement, intégrer le cercle restreint des hommes de main, si l’on ose dire, de Richelieu. La scène finale, qui voit Milady faire allégeance complète à ce dernier en lui révélant tous les secrets de son histoire personnelle (se mettant ainsi complètement à la merci du cardinal) est très réussie. On pressent, évidemment, que le troisième et dernier volume des Enquêtes de Milady, dont la parution est annoncée en 2025, verra celle-ci atteindre son but.

Une bonne série jeunesse, donc, qui s’inscrit en parallèle des trois volumes de L’école des mousquetaires écrite par le seul Bertrand Puard (voir les tomes un, deux et trois).


Extrait du chapitre 4

Dans sa vie, Milady avait déjà un peu trop foulé le sol froid et mésavenant des geôles. Les souvenirs les plus cuisants qu'elle en gardait concernaient les épisodes vécus derrière des barreaux. Ces parties-là de son passé, elle n'en parlait jamais. Ni avec les clientes de ses enquêtes, ni avec celles venues fréquenter son salon de thé. En d'autres lieux, sur d'autres terres, puis en d'autres sous-sols épouvantables, on l'avait appelée Anne de Breuil ou la Comtesse de la Fère. Deux noms qu'elle préférait oublier, tant ils lui avaient apporté de désagréments, de mésaventures cuisantes. Celui qu'elle s'était ensuite inventé en Angleterre avait tourné court, lui aussi. À croire que les mensonges, même les plus sophistiqués, étaient condamnés à ne durer que le temps de quelques saisons. Avant de fondre comme neige au soleil.

Combien de temps allait-elle pouvoir garder l’identité de Christabel Doncaster, celle de Milady de Winter? Jusqu'où la mènerait cette perpétuelle fuite en avant, cette course effrénée qui lui demandait de se réinventer sans cesse, de passer d'un domaine à l'autre, de changer de pays, parfois ?

Tout cela, parce qu'elle avait choisi de ne pas se laisser faire. Parce qu'elle avait refusé, dès son plus jeune âge, de se soumettre à une autorité acceptée de tous, mais qu'elle jugeait arbitraire. Injuste. Monstrueuse.

Rebelle dès l'enfance, la volonté de survivre l'avait maintes fois menée sur le chemin de la duplicité, du mensonge, de l'illégalité, seules armes qui lui permettaient d'exister comme elle l'entendait dans ce monde fait pour et par les hommes. Comme bien des femmes, elle se sentait Ève : entachée d'un péché originel dont elle n'était en rien responsable, mais dont on lui faisait subir les conséquences, encore et encore... Alors, autant contre-attaquer. Quitte à employer des méthodes extrêmes. Mais pas question de culpabiliser.

Si elle avait depuis longtemps conscience de ne pouvoir avancer sans masque, certaine de ne jamais connaître la sérénité d'une vie dépourvue de tromperie; si une existence au plus près du danger ne la dérangeait guère et même l'attirait, elle souhaitait néanmoins en finir avec la précarité. Évoluer pour de bon en un milieu où les lois se pliaient plus facilement, simplement parce qu'on s'y trouvait proche de ceux qui les faisaient et les défaisaient : l'entourage du Roi. Cette Cour où elle saurait exister, enfin, peut-être, telle qu'elle s'était toujours imaginée, plutôt que comme le personnage insignifiant, voué à une vie de misère, que le destin avait voulu lui imposer.


 

 

 

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