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Introduction générale
150 ans de suites, plagiats, pastiches et hommages
Les feuilletons de Dumas se terminaient toujours, bien sûr, par la mention "A suivre". Il a été pris au mot: depuis un siècle et demi, d'innombrables auteurs se sont inspirés de son oeuvre. Juste retour des choses... |
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"Heureux les ouvrages auxquels on emprunte encore quelque chose trente ans après qu'ils ont paru!", écrivait Dumas fils à l'auteur de Les trois petits mousquetaires en 1882, en lui donnant l'autorisation d'utiliser le titre du plus célèbre des romans de son père. Source d'inspiration inépuisable pour d'autres écrivains, l'œuvre de Dumas père aura été décidément bien heureuse : depuis 150 ans, les " suites " en tous genres se sont succédées dans tous les registres, du plus alimentaire au plus littéraire, du Fils de d'Artagnan aux Mémoires de Monte-Cristo. Quelle plus belle manifestation de l'impact universel des livres de Dumas et de la force des mythes qu'il a créés ? On a donc beaucoup emprunté à Dumas père, pour
produire des suites à ses romans, réutiliser ses héros
dans de nouveaux contextes, prolonger ses livres les
plus connus. Un phénomène peu courant dans la
littérature classique (on ne connaît guère de Le
fils du père Goriot ou Le retour du bossu de
Notre-Dame) mais caractéristique de la
littérature populaire, où les personnages mythiques
comme Sherlock Holmes ou Tarzan ont vu leurs aventures
perpétuées par d'autres écrivains que leur père naturel.
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Dans le cas de Dumas, le phénomène a une ampleur exceptionnelle, tant par sa durée que par le nombre de titres concernés ou la variété des registres abordés.Il répond en fait à une forte demande, celle des lecteurs avides de retrouver des héros auxquels ils se sont profondément attachés. Détail significatif : les forums de discussion consacrés à Dumas sur Internet reçoivent de nombreuses questions sur les suites, leur authenticité et leur qualité. Aucune bibliographie complète des plagiats, pastiches et autres hommages dumasiens n'a été établie, mais les œuvres directement inspirées des romans de Dumas se comptent en nombreuses dizaines - probablement en centaines. Leur répartition reflète fidèlement la popularité des titres d'origine : la trilogie des mousquetaires a inspiré d'innombrables suites ; le Comte de Monte-Cristo a été pourvu d'une substantielle descendance, tandis que les autres romans suscitaient des suites isolées. Pour autant que l'on puisse en juger, ces suites
apocryphes ont souvent remporté un grand succès.
L'éditeur de D'Artagnan contre Cyrano (1925)
revendiquait ainsi dans une publicité une vente de
300.000 exemplaires (Cliquer sur l'image ci-contre pour
lire une transcription du texte). |
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Certains de ces titres, comme par exemple Le fils de Monte-Cristo de Jules Lermina (1881) ont connu plusieurs rééditions, d'autres ont été traduits en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, comme Le fils de Porthos (1883) de Paul Mahalin ou Le capitaine d'Artagnan (1931) de Lucien Pemjean. Détail intéressant : bien souvent, l'éditeur anglo-saxon n'a pas hésité à publier ces traductions sous le nom d'Alexandre Dumas lui-même, comme on le voit avec les traductions-adaptations du livre de Lermina… Le plus étonnant est sans doute que cela fait maintenant 150 ans que les œuvres de Dumas servent ainsi d'inspiration à d'autres écrivains. Commencé du vivant de l'auteur, le phénomène ne s'est jamais interrompu depuis, bien au contraire : les années récentes ont vu une recrudescence de telles productions. Cette abondance recouvre évidemment des livres appartenant à des registres variés. A défaut de définitions précises, et surtout de cloison étanche entre les genres, on peut évoquer les grandes catégories suivantes : |
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- Les suites Pendant une bonne partie du XXème siècle, jusque dans les années 50, de nombreux auteurs de littérature populaire ont cherché à exploiter de façon éhontée les succès de Dumas en produisant à la chaîne des romans feuilletons utilisant ses personnages (sans parler des innombrables romans de cape et d'épée qui n'auraient sans doute jamais vu le jour sans la notoriété des Trois Mousquetaires mais qui, tout en utilisant une thématique similaire, ne plagient pas directement les textes de Dumas. Voir par exemple Le Masque de fer d'Edmond Ladoucette, lui-même pourvu d'une suite). |
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Nombre de ces oeuvres reprennent héros et thèmes dumasiens au premier degré, sans distanciation ni enrichissement, et relèvent du plagiat pur et simple. Typique de cette catégorie: l'abondante production de Paul Féval fils (Le fils de d’Artagnan -1914, La vieillesse d’Athos -1925, la série D’Artagnan contre Cyrano -1925, suivie de D'Artagnan et Cyrano réconciliés - 1928). Ces livres, qui ont proliféré pendant la première moitié du XXe siècle, s'inspirent essentiellement des aventures des mousquetaires, avec le plus souvent d'Artagnan en vedette. Il n'est que de relever l'omniprésence du nom de ce dernier dans les titres de livres pour conclure qu'auteurs et éditeurs, aidés par un sens commercial certain, ont très vite compris qui était - de très loin - le plus populaire des héros de l'écrivain (voir D'Artagnan superstar!). Si nombre de ces suites sont consternantes, ce n'est
pas toujours le cas, heureusement! Parmi les imitateurs
de l'écrivain, il s’est trouvé de bons professionnels
pour produire des suites intéressantes aux œuvres du
maître. C’est le cas de Paul Mahalin, dont Le fils de
Porthos (1883) qui voit un fils caché du
bon géant affronter un Aramis vieillissant, est tout à
fait honorable, ou, plus encore, de Jules Lermina avec Le fils
de Monte-Cristo (1881). Lermina, qui était
militant socialiste, imagine que Monte-Cristo, une fois
sa vengeance achevée, et quelque peu écoeuré par
celle-ci, met ses formidables talents et sa fortune au
service de la libération des peuples opprimés. |
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Surtout, la qualité des suites s'est
considérablement améliorée dans la période récente. A
partir approximativement des années 1960, on a vu
quasiment disparaître les récits au premier degré: place à
la création littéraire, aux hommages parfois sophistiqués,
aux jeux sur les références et au second degré. Parmi les
fort bons écrivains qui ont ainsi rendu hommage au maître,
relevons d'abord le nom de Roger Nimier. Son D’Artagnan
amoureux (1962), qui voit le jeune héros
flirter avec la future comtesse de Sévigné, marie élégance
et ironie. Italo Calvino, dans sa nouvelle Le comte de
Monte-Cristo (1967) se livre à une
étourdissante interprétation métaphysique de la captivité
d’Edmond Dantès. Dans Le dernier
amour d'Aramis (1993) Jean-Pierre Dufreigne
dresse un portrait poignant d'Aramis à la fin de sa vie,
vieillard aveugle vivant seul dans son palais de
Saragosse, comblé d'honneurs et de richesses, et dictant
ses mémoires à la très jeune femme qui illumine ses
derniers jours. Et François Taillandier comble avec
subtilité dans Mémoires
de Monte-Cristo (1994) les vides laissés dans
son récit par Dumas: longtemps après sa terrible
vengeance, Edmond Dantès médite sur sa vie, ses années de
prison, son apprentissage de la liberté, ses états d'âme
avant d'opter pour la vengeance, conçue comme le seul lien
le rattachant à sa vie détruite... |
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- Les "remakes" et autres hommages. Dès 1885, Jules Verne livre avec Mathias
Sandorf une réécriture du Comte de
Monte-Cristo: on y suit les aventures du comte
Sandorf, grand seigneur hongrois victime d'une trahison
et d'un emprisonnement par les Autrichiens. Un récit, à
dire vrai, assez décevant, parce que finalement trop
proche de l'original. Beaucoup plus intéressant, Le roi
Mystère (1908) de Gaston Leroux, transposé
lui aussi de Monte-Cristo, joue avec tous les codes du
roman-feuilleton. Très différentes de celles de
Monte-Cristo au début, les aventures de son héros, le
Roi des Catacombes, finissent par y ressembler de plus
en plus. Mais avec une excellente raison: le roi Mystère
est manipulé de bout en bout par un milliardaire
américain neurasthénique, passionné de romans
feuilletons, et qui a décidé d'utiliser sa fortune pour
vivre dans la réalité son roman favori! |
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La science-fiction a elle aussi "recyclé" avec profit les mythes dumasiens. Alfred Bester, avec The stars my destination (1956) donne un remake du Comte de Monte-Cristo très sophistiqué. Dans le genre voisin de l’héroic-fantasy, l’écrivain américain Steven Brust a introduit dans son univers imaginaire quatre soldats directement inspirés des mousquetaires, et cela dans le cadre d'une trilogie pas du tout fidèle à la lettre - puisque le monde où se passe l'action et les péripéties sont complètement différents - mais parfaitement conforme à l'esprit de celle de Dumas. Les deux premiers volumes, The Phoenix guards (1991) et 500 years after (1994) - le troisième, The Viscount of Adrilankha est en cours de composition - , constituent, par leur écriture à la Dumas et leur humour, une étonnante réussite. Autre tour de force: l'extraordinaire duo de romans Furioso
(1971) et Fracasso
(1973), de Voldemar Lestienne, qui s'appuient sur la
trilogie des mousquetaires pour évoquer les pires folies
du régime nazi. Authentiques romans de la IIème guerre
mondiale, ces livres, qui oscillent sans cesse entre
l'humour énorme et l'horreur, mettent en scène les
aventures de quatre soldats de la France libre calqués
sur les mousquetaires, avec une dimension tragique en
plus. Le récit transpose sans cesse des thèmes clés des
romans de Dumas. Mais plus profondément, ce n'est
sûrement pas un hasard si l'auteur s'est appuyé sur
Dumas et son "génie de la vie", caractérisé par ce
mélange très particulier de profonde humanité, de sens
exacerbé de l'amitié et d'inaltérable bonne humeur, pour
traiter de la folie nazie: comme si les valeurs
dumasiennes constituaient un bouclier efficace pour
protéger celui qui tente de dire l'indicible. |
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Dans un registre plus léger, rappelons également l'hommage amusant rendu à l'éternelle popularité de notre auteur par l'espagnol Arturo Pérez-Reverte dans son célèbre et ingénieux polar Club Dumas (1993). De l'Italien Calvino à l'Américain Brust en passant
par l'Espagnol Pérez-Reverte, notons au passage que ces
récents auteurs d’hommages littéraires viennent de pays
variés, ce qui confirme une fois de plus le rayonnement
international du plus français de nos écrivains ! |
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- Les parodies. Mentionnons également Les trois petits mousquetaires d’Emile Desbeaux (1882), qui transpose de façon amusante le début du roman de Dumas dans un lycée parisien à la fin du XIXème siècle.
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- Dumas, héros de roman. Bons ou mauvais, tous ces ouvrages témoignent à leur façon du rayonnement de l’œuvre de Dumas, à qui ses grands héros ont depuis longtemps échappé, comme il convient à de véritables mythes. En définitive, le père du roman feuilleton a donné à nombre d’écrivains médiocres le moyen de gagner leur vie et a fourni à de bons auteurs une authentique source d’inspiration. Dumas, qui avait tant "emprunté" lui-même, aurait été enchanté… |
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